Agrivoltaïsme : la ferme Etchélécu mise sur des serres innovantes - Premium

« Nous sommes une ferme inhabituelle », répète souvent Nathalie Etchélécu. Son époux Jacques et elle gèrent depuis 1987 la ferme du même nom, sur les hauteurs de Sames, à l’extrême-ouest du Béarn. Les Landes sont à un jet de pierre, le Pays basque à deux. Inhabituelle, la ferme Etchélécu l’est surtout par sa taille et ses cultures : sur son petit terrain, pas de place pour des champs de maïs à perte de vue ; pas non plus d’élevage de bovins ni de canards. « À cause de notre petite surface agricole, nous avons choisi de nous orienter vers des petits productions de niche », raconte Nathalie Etchélécu. « Et tous les 10 ou 15 ans, on change », ajoute Jacques en souriant. Des vaches laitières, la ferme est ainsi passée à la production de cailles, puis de tabac, de poules pondeuses… et aujourd’hui de fraises haut de gamme. Ses clients sont à 80% des restaurateurs et pâtissiers, grands restaurants et établissements prestigieux du département, par exemple l’Hôtel du Palais de Biarritz. En 2020, voyant s’approcher la retraite et désireux de transmettre la ferme à leurs enfants, les deux exploitants se mettent à la recherche de solutions « pour pérenniser l’exploitation », car, raconte Nathalie Etchélécu, « l’outil de production était très limité ». S’orientant dès le départ vers l’agrivoltaïsme, ils découvrent, « par une publicité sur Facebook », des serres photovoltaïques innovantes proposées par l’entreprise suisse Insolight. Après quelques années de réflexion, le permis de construire est obtenu début 2023, et la construction débute le 14 juillet. Elle s’achève en ce moment-même : le raccordement au réseau électrique des panneaux solaires est prévu cette semaine.À lire également - Agrivoltaïsme : les caisses Pyrénées Gascogne et Aquitaine du Crédit Agricole unies pour accélérer Une serre innovanteJacques Etchélécu ouvre les portes de la nouvelle serre. À l’intérieur, des rangées de jardinières suspendues, dans lesquelles poussent des fraisiers. On distingue déjà quelques fleurs et boutons. La saison va commencer dans quelques semaines. Au centre, une ruche abrite une colonie de bourdons, qui assurent la pollinisation. Au-travers du toit transparent, on distingue les panneaux solaires. Des volets électriques, reliés à un capteur de luminosité, permettent de mettre automatiquement les fraises à l’ombre en cas de trop forte chaleur. « Depuis trois à cinq ans, on perdait, avec les aléas climatiques, toute la fin de notre production, raconte l'agriculteur. Maintenant, on reste bien sûr tributaires de certains aléas, comme les punaises ou les mouches, mais nous serons beaucoup moins exposés aux risques liés à la chaleur ou à la pluie », se félicite-t-il. Tout au long du toit, des rigoles récupèrent l’eau de pluie et la redirigent vers une cuve gonflable de 300 mètres cubes, suffisante, en principe, pour tenir toute la saison sans apports extérieurs. Avec ses 3.000 m², la nouvelle serre fait plus que doubler la surface précédente.L’investissement total s’élève à 650.000 euros, 550.000 pour la serre en elle-même et 100.000 euros pour le matériel et le système d’irrigation, détaillent les époux. 147.000 euros sont couverts par la région Nouvelle-Aquitaine sous forme de subventions, le reste par un emprunt bancaire… dans un second temps. Car pour financer ce projet, la société Insolight a avancé les fonds non-couverts par les subventions régionales. Cette première installation en France d’une serre de ce type et de cette taille, doit lui servir de vitrine commerciale. Charge aux époux Etchélécu de trouver ensuite le financement pour racheter la serre à l’installateur. Un dossier est en cours de finalisation auprès de la NEF, une banque spécialisée dans les projets écologiques et innovants. « Les banques classiques étaient hyper-réticentes, se souvient Nathalie Etchélécu. On est une exploitation atypique, on ne rentre pas dans leurs cases. »68.000 euros de revenus supplémentairesPourtant, l’équation financière de l’installation est séduisante. Le rendement attendu des panneaux solaires est de 260 MWh par an. 20% serviront à rendre la ferme autosuffisante en électricité, le reste sera revendu sur le réseau et devrait rapporter environ 28.000 euros. De quoi faire plus que couvrir les échéances du prêt contracté, qui s'élèveront à 18.000 ou 19.000 euros sur vingt ans… tout cela avant même de tenir compte de l’économie réalisée par l'autoconsommation, estimée par les époux à 3.000 euros par an, ni de l'augmentation de la production de fraises grâce à la construction de cette nouvelle serre, qui devrait représenter 40.000 euros supplémentaires par an. L’apport est considérable, pour une exploitation dont le chiffre d’affaires annuel est d’environ 80.000 euros pour sa partie agricole, et 30.000 euros pour les installations photovoltaïques classiques déjà existantes sur l’un de ses bâtiments. Au point de pousser les deux gérants à s’interroger sur l’opportunité de faire construire une seconde serre du même type.

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