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Revenu de base : ce qu'il faut savoir sur le projet de la Gironde

Écosystème
mercredi 24 février 2021

Jean-Luc Gleyze, président de la Gironde - Photo Roberto Giostra

Depuis 2016, le président du Département de la Gironde Jean-Luc Gleyze est favorable à l’application d’un revenu de base sur le territoire français. Où en est le projet, quelles sont ses modalités et combien son déploiement coûterait-il ? Éléments de réponse.

« Ma réflexion sur le sujet a démarré en 2016, se remémore le président de la Gironde Jean-Luc Gleyze. Je me suis renseigné après avoir lu des articles sur une expérimentation en Finlande. Surtout j’en étais arrivé à plusieurs constats, notamment que le RSA a montré ses limites. 30% des personnes qui pourraient en bénéficier n’en font pas la demande pour diverses raisons, les jeunes vivent dans une grande précarité, les aidants aussi… Bref, tout un tas d’éléments m’ont amené à considérer que la protection sociale était peut-être un peu à bout de souffle dans notre pays. »

Fort de ce constat, Jean-Luc Gleyze décide de s’entourer de personnes qualifiées pour lui apporter de l’analyse, pour lui permettre de modéliser un projet de revenu de base. « Je me suis rapproché de la fondation Jean Jaurès et de l’Institut des politiques publiques. Au départ j’étais le seul président de Département à être intéressé par le sujet, aujourd’hui nous sommes 24. » Une proposition de loi a été déposée en janvier 2019 à l’Assemblée nationale, puis rejetée sans aucun débat par les élus de l’hémicycle. Le 5 décembre dernier, 19 présidents de Département à l’initiative de Jean-Luc Gleyze, ont cosigné une tribune dans le journal Le Monde, pour demander la création d’un mécanisme de revenu universel inconditionnel, « pour répondre à la crise inédite que nous traversons ».

Une fusion entre le RSA et la prime d'activité

Ne parlez pas au président de la Gironde de revenu universel. « Le revenu de base ce n’est pas la même chose, rappelle-t-il. La sémantique est importante. Il ne serait pas versé à tout le monde et serait dégressif. C’est-à-dire qu’au-delà d’un certain niveau de salaire, de vie, les personnes ne bénéficieraient plus de cette aide. » Après un travail d’analyse, le groupe de recherche conduit par Jean-Luc Gleyze propose la fusion entre le RSA et la prime d’activité, sans inclure ni les allocations logement, ni les allocations liées au handicap. « Le logement est par définition familiarisé, lié au foyer, alors que le revenu de base serait individualisé, précise-t-il. Et puis c’est une question de dignité humaine. »

Autre aspect de ce projet, l’automaticité du versement. « Aujourd’hui le problème avec le RSA, c’est que lorsqu’il est versé il est contrôlé trois mois plus tard avec parfois des indus réclamés, ce qui est source de difficultés. » Pour Timothée Duverger, maître de conférence associé à Sciences Po Bordeaux, cette automaticité permettrait d’éviter tout phénomène de rupture des droits. « On passerait d’une logique de droit quérable à des droits proposables. On dit que 30% des personnes pouvant bénéficier du RSA n’en font pas la demande, c’est en réalité un peu moins aujourd’hui. Cette étude date de plusieurs années et nous n’avons pas de données actualisées, mais il est vrai que le non-recours aux droits sociaux est une économique budgétaire prise en considération, un calcul assez cynique pour dépenser moins. »

Environ 20 milliards d’euros pour le financer

Selon Jean-Luc Gleyze, il faudrait compléter la fusion entre les deux aides déjà existantes par la solidarité nationale. « Cette dernière devrait déjà assumer les 30% de personnes qui ne demandent pas l’aide à laquelle elles ont droit. Et puis nous intégrons les jeunes de 18 à 25 ans dans ce revenu de base, qui n’ont aujourd’hui pas accès aux minimas sociaux. Cela coûte certes plus cher mais nous paraît être une évidence. » Pour Timothée Duverger le revenu de base coûterait entre 15 et 20 milliards d’euros à la France. 11 milliards d’euros pour les jeunes, 3 milliards pour mettre fin au non-recours, et 4 milliards pour la fusion entre le RSA et la prime d’activité. « Ce revenu de base répondrait aux besoins nés de la crise, explique l’économiste. De nombreux jeunes sont impactés par le Covid-19, mais aussi les travailleurs indépendants. C’est un enjeu de sécurisation des revenus. » Il rappelle qu’un quart des 18-25 ans vit actuellement sous le seuil de pauvreté, contre 14% de la population générale.

L’expérimentation serait basée sur 60.000 personnes sur toute la France. « Nous proposons un revenu entre 650 et 750 euros, précise le président du Département. Pour nous il fallait aller plus loin, avec une réforme fiscale pour financer correctement cette solidarité nationale, en trouvant l’argent où on le peut. »

Une incitation à ne pas travailler ?

Dans le projet porté par le président de la Gironde, cette aide serait inconditionnelle. « Mais cela n’empêche pas une forme de contrat de confiance entre le bénéficiaire et nos services, pour maintenir un accompagnement social et professionnel, pour son inclusion. » Une précision à laquelle Jean-Luc Gleyze tient, car « il ne s’agit pas d’un solde tout compte, comme certains ont pu le dire ».

En Finlande, un projet se rapprochant de celui-ci a déjà été expérimenté. 500 euros d’allocations ont été versés à 2.000 personnes au chômage, de manière non-dégressive, qu’elles retrouvent un emploi ou non. « Bien sûr il ne s’agit pas des mêmes modalités, précise Timothée Duverger. Les porteurs du projet finlandais voulaient étudier l’incidence du revenu universel sur le retour au travail. Eh bien il n’y a eu aucune incidence. L’incitation monétaire à l’emploi existe, bien sûr, mais est extrêmement limitée. Les gens veulent un emploi pour être sociabilisés, pour avoir plus d’argent ou un statut social. Au final le problème de la reprise du travail est souvent lié à des freins comme la mobilité, le problème de garde d’enfant ou la santé. Par contre cette expérimentation a montré que les bénéficiaires ont vu leur qualité de vie s’améliorer, leur stress a diminué et leur bien-être s’est accru. »

Pour Jean-Luc Gleyze si l’application d’un revenu de base coûterait de l’argent, « il faut savoir ce que l’on veut. Combien coûte socialement, économiquement, le poids de ceux qu’on laisse au bord du chemin ? »