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Salon de l'agriculture 2023 - Installée à Bayonne la société Mondin récupère le marc de raisin pour en faire du cuir

Stratégie
mercredi 01 mars 2023

Julien Houssiaux et Rodolphe Mondin récupèrent le marc de raisin pour en faire du cuir. Crédit: Anthony Michel

Zoom sur les sociétés basques invitées par le Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques au Salon de l'Agriculture 2023. Parmi elles, "Mondin" une société montée autour de deux jeunes de 23 ans qui fait du cuir à partir de résidu de viticulture.

Trouver une deuxième vie au marc de raisin. C'est toute la problématique soulevée par la société Mondin, du nom de Rodolphe Mondin, l'un de deux jeunes derrière l'entreprise. C'est lui qui en 2021 a lancé la société à son nom avec son ami d'enfance et camarade d'école de commerce Julien Houssiaux. "Je faisais mes stages en vignoble, et je me suis rendu compte que la gestion des sous-produits était assez complexe", se souvient-il.

En effet, la réglementation est très stricte au sujet de ces résidus de viticulture produits en très grande quantité (plusieurs centaines de milliers de tonnes par an en France). Outre la méthanisation et l'épandage, légalement possibles, Rodolphe Mondin s'était dit qu'il pouvait en faire quelque chose d'autre. "Moi par ailleurs, je suis végétarien, et je ne voulais plus porter de cuir" raconte le jeune homme. De cette association d'idées, est né le projet d'école, puis d'entreprise Mondin. Loin de ce qui se fait pour le simili cuir "très pétrosourcé", l'idée était donc de créer une matière souple, comparable au cuir, dans un "matériau issu de cette biomasse qui est très locale et qui pourrait nous permettre d'avoir un impact positif parce que c'est de la valorisation de déchets" poursuit-il.

Pépinière à Bordeaux

Les deux jeunes ont sorti 30.000 euros de leur poche pour les premières études de faisabilité. Ensuite, ils ont travaillé main dans la main avec plusieurs grands groupes du luxe qu'ils avaient déjà démarchés pendant leur projet scolaire. Ensemble, ils réfléchissent à la qualité du matériau. "On a compris que 100 % de matière biosourcé, on ne pouvait rien en faire, alors ça ne servait à rien", explique Rodolphe Mondin. En travaillant ensemble ils développent donc un produit, semblable au cuir, qu'ils décident de décliner dans une seule épaisseur, une seule largeur, et couleur pour commencer.

Ils veulent se démarquer de la concurrence qui utilise d'autres matières naturelles. "On voit beaucoup de cuir de pomme, de cactus", explique Rodolphe Mondin. "Mais en fait, ils ne mettent que 10 à 30 % de biomasse". Eux s'orientent sur un matériau à 70 % biosourcé, qui copie les propriétés du cuir, sans en avoir le grain, ou l'aspect. "On voulait surtout faire quelque chose de durable", précise son associé et ami d'enfance Julien Houssiaux.

Ils testent plusieurs utilisations avec des investisseurs qu'ils croisent, comme Bernard Magrez à Bordeaux qui les accueille dans sa pépinière bordelaise Start Up Win. L'an dernier, Bernard Magrez et la famille Perrin en Côte du Rhône prennent 20 % au capital, ce qui permet à la jeune société de lever 108.000 euros. Un choix d'investisseurs stratégiques "ça nous permettait de sécuriser notre sourcing en matière première en prenant des familles viticoles françaises", explique Rodolphe Mondin, précisant que les deux familles leur donneraient donc leur marc de raisin. Pour le moment, ils ne font que des expériences, ils devront travailler le côté légal avant de pouvoir commercialiser des produits directement à partir de leur marc. À ce jour, ils se contentent de récupérer leur marc depuis plusieurs distilleries en France : Bordeaux, en Champagne, ainsi qu'en Provence et en Occitanie. "Mais la difficulté, c'est qu'il y a une perte de traçabilité", dénote le jeune chef d'entreprise.

Pour fabriquer leur cuir, ils s'appuient sur des entreprises en local qui savent transformer des déchets végétaux, une en Champagne, et plus localement Waste me Up une entreprise basée à Saint-Geours-de-Marenne dans les Landes. Ils utilisent une technique inspirée de ce qui se fait en plasturgie, qu'ils ont fait breveter. "Le granulé qui va être chauffé, ce qui va sortir sous forme de filaments et qui vont être aplatis pour donner des rouleaux", précise Rodolphe Mondin. Un rouleau d'une matière, très comparable au cuir au toucher, qu'ils ont déjà fait transformer pour leurs partenaires.

Industrialisation

Pour leur premier chiffre d'affaires, ils ont travaillé jusqu'à présent sur des projets sur mesure de domaines qui voulaient des produits dans leur boutique fabriqués à base de marc de raisin. De cette manière, ils ont fabriqué un porte-bouteilles composé partiellement de leur cuir de marc en partenariat avec une entreprise qui s'est spécialisée dans la maroquinerie pour vignobles dans la région de Bordeaux.

Aujourd'hui, en plus de leur offre sur mesure, ils veulent désormais s'industrialiser. "Ça nous permettra d'être plus accessible" précise Rodolphe Mondin. Actuellement, leur mètre linéaire de cuir coûte entre 2 et 3 fois plus cher que le similicuir. Ils lanceront prochainement leur deuxième levée de fonds qui leur permettra de lancer en interne leur production, et de trouver un local. Ils n'ont d'ailleurs pas choisi le Pays basque pour rien. "On est sur un projet de bosser avec le vignoble d'Irouléguy pour servir les entreprises de maroquinerie, et d'ameublement d'ici" annoncent les chefs d'entreprise. Ils visent aussi le marché du luxe, misant sur une "forte demande pour d'autres types de matières", et sur une manière pour les grands groupes d'utiliser leurs propres déchets. "On peut imaginer que le côté spiritueux du groupe LVMH qui puisse approvisionner une matière au secteur maroquinerie du groupe" prend pour exemple Rodolphe Mondin. Les deux associés espèrent aussi développer un réseau de maroquiniers partenaires qui utiliseraient leur matière.

Après une année de R&D en 2021, ils terminent leur année 2022 avec 50.000 euros de chiffre d'affaires et visent les 100.000 voire 150.000 euros.