Mois des fiertés 2025 1/5 : « Une personne LGBT+ sur deux se cache encore au travail »
À l’occasion du Mois des fiertés 2025, Placéco consacre une semaine spéciale à l’inclusion des personnes LGBT+ dans le monde professionnel. Chaque jour, un reportage pour donner à voir les réalités vécues dans les entreprises de la région, les blocages qui persistent et les dynamiques qui émergent. Acteurs associatifs, salarié·es concerné·es, dirigeantes engagées, jeunes en quête de sens : une parole plurielle pour éclairer les enjeux d’un monde du travail en mutation.
Olivier Barry (à gauche) et Benjamin Benyettou accompagnent les entreprises dans leur politique d'inclusion. Crédits : L'Autre Cercle
77% des salariés jugent leur organisation LGBT-friendly, mais un sur deux n'ose toujours pas parler de son orientation au bureau. Olivier Barry, coprésident, et Benjamin Benyettou secrétaire général de l’antenne Nouvelle-Aquitaine de l’association l’Autre Cercle, œuvrent pour une meilleure inclusion des salariés LGBT au sein des entreprises.
Pour ouvrir notre série consacrée à l’inclusion des personnes LGBT+ dans le monde du travail, nous avons choisi de donner la parole à l’association l’Autre Cercle qui accompagne les acteurs du management de la diversité et de l'inclusion du monde professionnel. Olivier Barry, coprésident et Benjamin Benyettou, secrétaire général de l’antenne Nouvelle-Aquitaine accompagnent collectivités et entreprises de la région dans la mise en place de politiques plus inclusives. Baromètre 2024, réalités du terrain, bonnes pratiques : décryptage.
Quelle est la situation de l’inclusion des salariés LGBT au sein des entreprises ?
Olivier Barry : L’Autre Cercle établit un baromètre en partenariat avec l’IPSOS tous les deux ans. Cet outil permet de prendre le pouls de la situation des personnes LGBT+ dans le monde du travail, au sens large : entreprises, administrations, associations... On l’analyse sous trois angles : la perception, le climat, et la visibilité. Premier constat : 77% des salariés estiment que leur organisation est LGBT-friendly. Ce chiffre grimpe à 93% dans les structures signataires de notre charte. Cela montre que lorsqu’il y a un engagement clair et affiché, cela rejaillit sur le ressenti des salariés. Autre chiffre qui ressort de ce baromètre, c’est que 6% des collaborateurs non-LGBT sont mal à l’aise face au coming out LGBT, et 21% face au coming out trans.
Que disent les chiffres sur le climat de travail ?
O. B. : Trois salariés LGBT+ sur dix disent avoir déjà été victimes d’une agression sur leur lieu de travail. C’est un chiffre très marquant. On parle ici d’agressions verbales, physiques ou psychologiques. Dans les entreprises signataires de notre charte, ce taux tombe à 3%. Une entreprise qui a une politique d'inclusion claire et connue de tous favorise le climat positif et l’emploi des personnes LGBT. Un employé LGBT sur deux déclare avoir entendu des propos LGBTphobes, contre 39% des personnes non concernées.
Benjamin Benyettou : C’est une question de perception. Certains mots blessent, et les auteurs ne s’en rendent pas compte. Ils n’ont pas l’impression de dire quelque chose de blessant.
O. B. : Pour revenir sur les chiffres, un employé LGBT sur quatre déclare être victime de discrimination par sa direction. On passe à 20% pour celles signataires de la charte.
« Certaines personnes vont même jusqu’à renoncer à faire bénéficier leur partenaire de la mutuelle »
Et en ce qui concerne la visibilité au travail ?
B. B. : Une personne LGBT+ sur deux se cache encore au travail. Cela signifie qu’elle ne parle jamais de sa vie privée, ou alors qu’elle change le genre de son compagnon, compagne. Certaines personnes vont même jusqu’à renoncer à faire bénéficier leur partenaire de la mutuelle d’entreprise, par peur que leur orientation ne soit découverte. Cela entraîne une forme d’auto-exclusion, et donc notamment dans des moments informels comme la machine à café.
Comment expliquez-vous que ces situations persistent en 2024 ?
B. B. : Il y a un effet de backlash. La société est globalement plus tolérante, mais les actes LGBTphobes augmentent. C’est le même phénomène que pour le racisme. Il y a moins de racistes déclarés, mais plus d’actes racistes violents. Les gens qui ne sont pas à l’aise avec ces sujets sont plus radicaux. La phrase "on ne peut plus rien faire" est symptomatique.
O. B. : L’entreprise est un miroir de la société. La parole se libère davantage.
Quel est le rôle de l’Autre Cercle en région ?
O. B. : Nous sommes l’antenne régionale de l’association nationale. Nous relayons les outils, notamment le baromètre, et nous accompagnons les entreprises et les collectivités dans la mise en place de politiques d’inclusion. Cela passe par des actions de sensibilisation, des ateliers, des temps d’échange, des expositions, ou encore un jeu pédagogique inspiré de « Caméra café » qui met en situation des scènes de la vie professionnelle. On fait aussi des cartes ressources pour le collaborateur qui pourrait se sentir en situation de discrimination. Qu’il soit témoin ou victime.
« La charte, ce n’est pas du washing »
Et la charte ?
O. B. : La fédération établit le baromètre, les statistiques, réalise des formations, etc. Ensuite la charte, ce n’est pas du washing. Il ne s’agit pas de « coller un drapeau arc-en-ciel » une fois par an. L’entreprise candidate doit préparer un dossier pour expliquer pourquoi ils veulent se lancer dans cette démarche avec des objectifs, et un plan d’action à trois ans. Nous l’accompagnons dans cette étape, puis le dossier passe devant un comité national. Ce processus garantit un engagement sincère.
Quels types d’actions sont mises en place par les signataires ?
O. B. : Cela peut être une multitude de choses en fonction de leur point de départ : réviser les formulaires internes d'identité pour inclure une case « autre » , mettre en place des toilettes non genrées, organiser des événements, prévoir des droits égaux pour les deux parents dans le cadre d’une GPA, etc… On n’aura pas les mêmes attentes en fonction de la taille des entreprises.
B. B. : Chaque entreprise va proposer son plan d’action, qui sera questionné par le comité avant d’accepter le dossier. Mais parmi les premières actions, moi je conseille souvent de mettre en place un système qui permet de faire remonter les actes LGBTphobes au sein des entreprises. Ça peut être un premier point. L’entreprise, ou la collectivité aura ses propres objectifs, réalistes et ambitieux, avec de la sensibilisation. Ça peut aussi se traduire par des ateliers plus spécifiques. On peut aussi accompagner une entreprise lorsqu’un salarié entame une transition de genre par exemple. C’est tout un travail autour des pronoms, des mails, de l’accueil de l’équipe...
O. B. : Et plus globalement, ces politiques ont un impact sur l’attractivité et la qualité de vie au travail. Trois jeunes sur quatre de la génération Z disent vouloir travailler pour une entreprise dont les valeurs sont alignées avec les leurs. Sur certains postes, le facteur d'inclusion peut être différenciant pour une entreprise.
Combien de signataires sur la Nouvelle-Aquitaine ?
O. B. : Aujourd'hui, plusieurs grands noms sont engagés via la fédération: BNP Paribas, Total, Axa, ils ont leur siège dans le sud- ouest, avec lesquels on commence à discuter aussi. Notre but n’est pas de faire signer des chartes. En local, on a aussi Orange, Kedge, le Département de la Gironde... Des renouvellements sont en cours. On a 300 signatures au niveau national. Notre ambition c’est d’aller chercher des entreprises plus petites.
Que diriez-vous à une entreprise qui veut s’engager mais ne sait pas par où commencer ?
O. B. : Les actions peuvent être multiples pour commencer, il faut la volonté politique de la hiérarchie, une véritable implication de la direction générale, et DRH. Ça ne peut pas être porté par le bas.
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Mois des fiertés 2025 1/5 : « Une personne LGBT+ sur deux se cache encore au travail »
77% des salariés jugent leur organisation LGBT-friendly, mais un sur deux n'ose toujours pas parler de son orientation au bureau. Olivier Barry, coprésident, et Benjamin Benyettou secrétaire général de l’antenne Nouvelle-Aquitaine de l’association l’Autre Cercle, œuvrent pour une meilleure inclusion des salariés LGBT au sein des entreprises.
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