Club Résolution #3 : Labels, certifications « Sans l'engagement de la direction ça ne marche pas » - Premium

Ce vendredi, Placéco Pays basque organisait le troisième Club Résolution pour aborder, décrypter et faire avancer les démarches RSE dans les entreprises du territoire. Un événement réservé aux référents RSE des organisations. Pour ce troisième numéro, la thématique des labels et certifications a été choisie. La vingtaine de participants a pu assister à un petit journal de la RSE, avant une table ronde animée par Gérald Oger. Il recevait Ainoa Labéguerie, consultante RSE, et Céline Uhaldeborde, référente RSE chez Bastidarra. Ensemble, ils ont exploré les différents labels et certifications, les motivations des entreprises, les bénéfices et les obstacles. Gérald Oger : Quelle est la différence entre un label et une certification ?Ainoa Labéguerie : La certification, c’est un tampon officiel délivré par un organisme tiers indépendant, basé sur une norme. Par exemple, les ISO 9001 ou 14001 sont des normes souvent internationales, auditées et bien cadrées. Le label, lui, est une reconnaissance attribuée par un organisme public, privé ou associatif. Il est plus visible pour le consommateur et valorise une démarche ou un produit. À noter, la RSE repose sur la norme ISO 26000, qui n’est pas certifiante. Une entreprise qui veut faire reconnaître sa démarche RSE doit donc obtenir un label, pas une certification.Justement, Céline, vous avez choisi le label « Engagé RSE ». Quel a été le déclencheur de cette démarche chez Bastidarra ?Céline Uhaldeborde : La réflexion a commencé en 2023. Nous avions déjà des engagements forts en matière d’environnement, de biodiversité, de social et de territoire. Mais nous communiquions peu sur ces actions. En discutant avec un consultant qui m’accompagnait sur la partie ISO 14001, nous nous sommes demandé comment valoriser ces engagements et leur donner une structure plus claire. Nous n’étions pas bons en communication, et nos actions reposaient surtout sur la conviction. On s’est dit qu’il y avait peut être quelque chose à faire. On a assisté à plusieurs tables rondes, etc. Et au final, le label « Engagé RSE », basé sur l’ISO 26000, nous a semblé le plus adapté à notre fonctionnement.Donc vous avez formalisé ce qui existait déjà ?Céline Uhaldeborde : Exactement. Les actions étaient là, mais sans stratégie claire ni objectifs définis. L’idée c’était de structurer, de se fixer une vision à 10 ou 15 ans, de construire un plan d’action vérifiable et d’entrer dans une logique d’amélioration continue. Et bien sûr, cela permet aussi de mieux communiquer sur nos engagements.Ainoa, de ton côté, quelles sont les motivations que tu observes chez les entreprises pour s’engager dans un label ou une certification ?Ainoa Labéguerie : Elles sont multiples. Certaines entreprises agissent par conviction pure, et c’est idéal. Mais la plupart le font en réponse à des demandes clients, pour se positionner sur des appels d’offres ou se différencier de la concurrence. C’est parfois une obligation pour garder un marché. Par exemple, un de mes clients a dû obtenir une note minimale sur Ecovadis pour conserver son client principal, qui représentait 80% de son chiffre d’affaires. Sans cette évaluation, il risquait sa pérennité.Si je suis une entreprise convaincue de me lancer, par quoi je commence concrètement ?Ainoa Labéguerie : Par un diagnostic. On valorise d’abord les actions déjà en place, car toutes les entreprises font de la RSE sans le savoir. Puis on identifie les pistes d’amélioration. Mais l’incontournable, c’est d’identifier et de consulter ses parties prenantes, collaborateurs, clients, fournisseurs, partenaires… Trop souvent, cette étape est négligée. Et c’est toujours très intéressant, et ça permet de construire son plan d’action.Céline Uhaldeborde : Chez Bastidarra, ça a été un moment clé. Quand on s’apprête à poser des questions, il faut être prêt à recevoir les réponses ! Nous avons interrogé nos salariés, nos fermes partenaires, nos fournisseurs, nos clients, mais aussi des élus et des institutions. L’idée c’était de mettre des mots sur les attentes des parties prenantes de Bastidarra. C’est très intéressant mais parfois ça bouscule.« C’est chronophage au début quand on met le processus en marche » Mais tout ça demande du temps, de l’énergie, et un budget. Céline, combien cela vous a-t-il coûté ?Céline Uhaldeborde : C’est dur à dire. C’est chronophage au début quand on met le processus en marche. Ensuite, il faut maintenir la dynamique chaque année. L’audit du label coûte environ 7.000 € pour trois ans, selon la taille de l’entreprise. Mais au-delà de l’audit, nous consacrons chaque année entre 50.000 et 300.000 € à des actions RSE, selon les projets engagés. Tout dépend de la stratégie qu’on s’est fixé.Ainoa, quels autres obstacles vois-tu ?Ainoa Labéguerie : Si la direction n’est pas engagée, ou qu’elle délègue à un consultant RSE, là c’est très compliqué, et selon moi cela ne fonctionnera pas. À l’inverse, une direction très engagée peut avoir du mal à embarquer les collaborateurs. Il faut alors beaucoup de pédagogie et de sensibilisation. On peut percevoir le label comme un coût au départ, mais il faut le voir comme un investissement de long terme.Céline Uhaldeborde : Chez Bastidarra, ça s’est très bien passé. La partie encadrante a bien impulsé. Les collaborateurs, eux, ont bien accueilli la démarche parce que nous avons communiqué avec transparence. L’esprit collectif est essentiel.Vous avez aussi intégré vos fournisseurs et vos fermes partenaires dans la démarche. Vous avez pas mal de fermes HVE notamment.Céline Uhaldeborde : Depuis la création de Bastidarra, trois fermes sont associées au capital. Aujourd’hui, elles sont quatre sur dix. Mon rôle est de les accompagner sur tous les enjeux liés à l’environnement, la biodiversité ou encore le bien-être au travail. Nous avons par exemple créé un groupement d’employeurs pour leur permettre de prendre des congés, et récemment organisé une journée de prévention risque cardiovasculaire avec cardiologue et diététicienne pour les éleveurs. L’idée est de les considérer comme des collègues à part entière, avec une reconnaissance financière de leurs engagements.« Ce qui m’a plu, c’est qu’il inclut aussi le bien-être de l’éleveur » Vous avez aussi choisi d’adhérer au label « Happy Farmer », qui évalue le bien-être animal et… celui des éleveurs.Céline Uhaldeborde : Oui, ce label a été développé par des vétérinaires et des ingénieurs en comportement animal. Il repose sur 250 à 300 critères, vidéos dans les fermes pour analyser le comportement des animaux, bilans sanitaires, audit d’une journée complète. Ce qui m’a plu, c’est qu’il inclut aussi le bien-être de l’éleveur, congés, un système de remplacement, conditions de travail, possibilité de vivre de son métier. Un animal ne peut aller bien que si l’éleveur va bien.Comment embarquer toutes les parties prenantes dans cette démarche de certification ?Ainoa Labéguerie : Chaque entreprise trouve sa méthode. J’ai l’exemple d’une société qui intègre la RSE à sa stratégie globale. Chaque responsable a des indicateurs RSE, et nous avons même formé dix animateurs internes à la Fresque du climat, qui ont ensuite animé des ateliers pour l’ensemble des salariés. Cela a créé une vraie dynamique collective.Et le retour sur investissement ? Peut-on le mesurer uniquement en euros ?Céline Uhaldeborde : Non, le ROI ne se mesure pas en euros. Pour nous une entreprise pérenne, c’est une entreprise économiquement viable mais aussi engagée sur les plans environnemental et sociétal. En euros, oui il y a des choses, je n’arrive pas à les mesurer. Sur un appel d’offres, oui ça doit jouer, mais difficile à savoir. Cela attire de nouveaux partenaires et renforce l’attractivité auprès des salariés. Grand Frais, un de nos clients, par exemple, est très attentif à nos démarches RSE.Ainoa Labéguerie : C’est sur l’aspect appel d’offres que le label joue pas mal. Plusieurs clients en ont remporté un grâce à un label ou une certification. Même chose pour des subventions de la Région, où il y avait trois critères importants liés à la RSE qu’ils devaient justifier. Une étude Harris de mars 2022 sonde les 18-30, et la moitié d’entre eux ne se voit pas travailler dans une entreprise non engagée.Je suis une PME, je choisis quel label ?Ainoa Labéguerie : Ca dépend de la taille de l’entreprise, le marché (national ou international). Il y en a des généralistes, des sectoriels, des bios, ou numériques ou achat responsable. Il faut voir celui qui est le plus adapté à sa structure.Pour conclure, si vous deviez convaincre un chef d’entreprise de se lancer, quel serait votre argument ?Céline Uhaldeborde : Qu’il n’y a que des impacts positifs. On peut démarrer sans budget, avec de petites actions, puis avancer progressivement.Ainoa Labéguerie : Je dirais que c’est un projet collectif, qui structure l’entreprise et lui donne un temps d’avance.

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