Topaketa - « Le travail reste une fierté » : Marie-Pierre Breyne, (Intermarché de Bidart) - Premium

Vous dirigez aujourd’hui l’Intermarché de Bidart, avec votre mari. Comment a commencé cette aventure ?L’aventure Intermarché a commencé en 2008 au Pays basque, lorsque nous avons racheté le magasin d’Hasparren. Quatre ans plus tard, nous avons eu l’opportunité d’acquérir celui de Bidart. Nous avons engagé trois ans de travaux, et en 2022, nous avons repris le Netto d’Anglet. Aujourd’hui, nous gérons donc deux points de vente : le Netto d’Anglet et l’Intermarché de Bidart.Combien de personnes emploient ces magasins et quel est leur poids économique ? L’activité est en hausse ou en baisse ?Nous avons 115 salariés à Bidart et 22 à Anglet. Le chiffre d’affaires de l’Intermarché de Bidart s’élève à 66 millions d’euros pour l’année dernière, auxquels s’ajoute celui de la station-service. Nous devrions dépasser les 70 millions cette année. Avant les travaux, le magasin réalisait 30 millions. L’étude de marché en prévoyait 42, nous sommes donc bien au-delà. Le développement immobilier autour du magasin a beaucoup contribué à cette croissance, en deux ans, 300 nouveaux logements ont été construits face au site.Une évolution de la consommation Comment la consommation a-t-elle évolué ces dernières années ?Elle a beaucoup changé. L’inflation de 2022 et 2023 a été énorme, sur certains produits, les hausses frôlaient les 15%. En 2024, la tendance s’est calmée, mais nous avons dû batailler avec les industriels pour contenir les augmentations. Ces hausses ont modifié le comportement des consommateurs, ils achètent moins en volume, mais mieux.Certains produits, notamment les produits locaux, continuent de bien se vendre - on voit que la qualité reste une valeur sûre. Le consommateur se fait plaisir, mais de manière plus raisonnée. Pour illustrer, une bouteille de Coca-Cola d’1,25 L est passée de 1,60 euros à 1,90 euros, principalement à cause du doublement de la taxe soda. Et il y a d’autres exemples comme celui-là. En matière de chiffres, les volumes des marques nationales ont reculé au profit des marques de distributeurs, jusqu’à 30% moins chères. Les produits locaux, eux, restent stables, le client est attaché à cette proximité et à cette qualité. Justement, quelle marge de manœuvre avez-vous dans la sélection des produits en magasin ?Chez Intermarché, nous sommes indépendants. Chaque gérant choisit son assortiment. Le groupement nous propose une gamme nationale, négociée avec les grandes marques, mais nous restons libres de nos achats. Pour le local, nous faisons nos propres références avec différents critères. Sur les fruits et légumes, par exemple, nous sommes incités à acheter 80% de nos volumes via la base logistique du groupe. C’est une question de performance commerciale, si on passe sous ce seuil, on perd une prime. Mais nous gardons toujours une part de flexibilité pour travailler avec les producteurs du territoire.Les produits locaux représentent quelle part de votre offre ?Environ 15%. Ce n’est pas une obligation du groupement, mais une volonté forte. Nous avons la chance, à Bidart, d’avoir beaucoup de producteurs à proximité. Cela demande de trouver un équilibre car les producteurs locaux ne peuvent pas toujours fournir les volumes nécessaires, mais sont importants pour nous. Je me souviens d’un exemple : en 2008, à Hasparren, un petit producteur est venu nous présenter ses fromages de brebis. C’était Hubert Candelé, de Bastidarra. Nous avons été les premiers à le distribuer au Pays basque. Quand on voit aujourd’hui l’ampleur de son entreprise, on se dit qu’on a eu raison de croire en lui. Ca nous tient à coeur, c’est une fierté de participer à la vie locale. Par ailleurs nous agrandissons notre espace dédié au local. Nous allons doubler la superficie du rayon, passer de 6.000 à 9.000 références. Le projet sera prêt pour l’été prochain.Économiquement, ces produits sont-ils rentables ?Oui, tout à fait. Ce sont même des produits sur lesquels nous avons les meilleures marges. Un producteur local conseille et fixe un prix de vente, identique chez tous les distributeurs. Sur les marques nationales, nos marges sont faibles : sur une bouteille de Coca-Cola, nous gagnons zéro, parfois un centime. Sur un producteur local, nous avons plutôt 20 à 25% de marge.Nous aimons aussi prendre des risques mesurés : récemment, un jeune ingénieur en agroalimentaire est venu nous proposer ses graines germées. Nous lui avons offert une tête de gondole pour tester. Il y croit, donc on y croit aussi pour lui. On le fait en test et ce sont de petits volumes.Négociations locales vs nationales Les négociations commerciales sont souvent au cœur des tensions. Comment cela fonctionne-t-il chez Intermarché ?Les grandes négociations se jouent au niveau national, entre janvier et février. Ce sont deux mois de discussions très tendues avec les industriels. En 2022-2023, avec la hausse des matières premières, c’était particulièrement dur à gérer. Ce sont des combats, qui mènent parfois à des conséquences en magasins. Par exemple, pendant deux mois, nous n’avions plus de Coca-Cola en rayon, parce que les négociations n’avaient pas abouti. Les clients étaient mécontents, bien sûr. Il y a parfois des produits auxquels on tient, et qu’on veut absolument. Nous mettions des panneaux explicatifs pour qu’ils comprennent la démarche.En revanche, sur le local, tout se fait en direct. Les échanges sont respectueux. Quand un producteur augmente ses tarifs, il explique pourquoi. Nous ne mettons pas la pression. L’objectif, c’est de trouver une entente cordiale entre les producteurs et nous.Le recrutement est-il devenu une difficulté majeure chez vous ?Oui, c’est le problème actuel, tous secteurs confondus. Nous faisons beaucoup d’efforts pour y remédier. Sur 135 salariés à Bidart, environ 80 à 90 sont là depuis quatre ou cinq ans, ce qui est remarquable dans notre métier connu pour son turnover. Mais nous avons toujours une quarantaine de postes en rotation.Nous avons revu notre organisation : avant le Covid, on travaillait six jours sur sept, avec des demi-journées de repos. Nous sommes passés à cinq jours, et nous sommes contents de l’avoir fait. Cela nous a conduits à recruter une trentaine de personnes supplémentaires. Et ça fonctionne, on s’est habitué !Panneaux photovoltaïques en projet Dans les profils que vous recrutez, vous sentez une attente particulière sur ces avantages ?Les problèmes de recrutement pour moi sont liés à un déséquilibre profond entre la « valeur travail » et la « valeur loisir ». Je pense que la nouvelle génération profite mieux qu’à notre époque. Mais parfois ils ne réalisent pas que la valeur travail est importante. Le travail reste pourtant un moyen de se réaliser. Peu importe le travail, on apporte quelque chose aux autres, et ce n’est pas souvent mis en avant.Justement, que mettez-vous en place dans votre démarche RSE ?Nous sommes labellisés « Commerçant responsable » depuis trois ans. Cela couvre plusieurs volets : la santé et la sécurité au travail, la formation et la promotion interne, la réduction du gaspillage alimentaire, le tri et la valorisation des déchets, la baisse de la consommation énergétique. Nous avons installé une gestion technique du bâtiment pour maîtriser nos dépenses d’énergie. Malgré cela, la facture est passée de 180.000 à 340.000 euros par an en six mois, lors du pic d’inflation. Pour y remédier, nous investissons dans des panneaux photovoltaïques, avec une économie prévue de 80.000 euros par an. L’investissement sera amorti en neuf à dix ans. Et puis, nous travaillons avec les associations locales, notamment les Restos du cœur et la Banque alimentaire, pour donner les produits proches de la date limite.

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