Topaketa : Andrée Rosier : « Chaque client est un guide Michelin » - Premium

Vous êtes cheffe étoilée, Meilleur Ouvrier de France, à la tête de votre propre restaurant. Qu’est-ce qui vous définit le mieux aujourd’hui cheffe, ou cheffe d’entreprise ?Chef de cuisine, c’est ma priorité. C’est là où je me sens le mieux, le plus à l’aise, pour être honnête. Autour d’une cuisine, je peux avoir quinze ou vingt personnes et cuisiner avec eux, c’est naturel pour moi. C’est pour ça que je choisis vraiment ce rôle en premier.Être cheffe et cheffe d’entreprise, c’est simple ?Pour être honnête, j’ai appris le métier de cheffe d’entreprise sur le tas. Quand on s’est installés en 2008, on a dû apprendre à gérer une entreprise, à compter réellement. Avant ça, on avait toujours travaillé dans de grandes maisons où on faisait notre travail de cuisinier, sans aller au-delà. On ne gérait pas les salaires, ni les factures.Vous avez aussi été une pionnière en tant que femme cheffe. Est-ce que le paysage a évolué depuis 17 ans ?Oui, le milieu culinaire a énormément changé, surtout depuis le Covid. Les attentes ont évolué très vite. Les clients sont plus curieux, ils veulent se faire plaisir plus souvent que se priver et n’y aller qu’une fois.Cette dynamique locale, avec l’installation de nombreux chefs, créé-t-elle une pression ou une saine concurrence ?C’est une bonne concurrence, qui nous pousse à chercher le meilleur. Après le produit, c’est la base, on a la chance d’être au Pays basque, entre mer et montagne, avec des produits extraordinaires toute l’année. Et qu'on ait de nombreux jeunes qui s’installent, chacun a sa personnalité : même si on partage une recette, chacun fera un plat différent. C’est ce qui fait la richesse de ce métier.Le client a-t-il changé, lui aussi ?Oui, il va plus souvent au restaurant, il voyage, il veut être surpris. Il cherche des nouvelles associations, des épices qu’il ne cuisine pas chez lui. Il y a une vraie curiosité et une envie de découverte.Comment maintenir un équilibre économique quand on est étoilé, avec des produits nobles et des attentes fortes ?C’est un calcul permanent. On connaît nos producteurs, on choisit les meilleurs produits, mais tout est intégré dans un prix de revente. On équilibre : si on travaille un produit cher comme du caviar ou de la truffe, on l’associe à un accompagnement plus accessible. On travaille notre carte en fonction des saisons, de nos envies aussi. Par exemple, je n’aime pas le gibier, donc je ne le propose pas à l’automne. Je présente une carte que j’aime travailler, et ensuite, on va peser les aliments, et calculer. On est obligés d’être rigoureux pour finir l’année avec un bilan positif."Aujourd'hui il y a un peu plus de pression autour des étoiles Michelin" L’étoile Michelin, c’est encore une pression aujourd’hui ?Au départ, c’était une énorme surprise, puis une grande satisfaction, une grande fierté. Aujourd’hui, j’avoue qu’il y a un peu plus de pression, surtout ces trois dernières années. Sur le mois qui précède. Avant, on voyait les inspecteurs, ils se présentaient après le repas. Maintenant, tout est plus opaque, on n’a plus d’échange. Il y a beaucoup de surprises, et donc plus d’incertitude. Cela dit, la vraie pression pour moi, c’est de satisfaire le client. Chaque client est un guide Michelin, et il faut le satisfaire à chaque fois.Si vous deviez perdre cette étoile, ce serait une catastrophe ?Oui, honnêtement. On en est fiers. Mais si ça devait arriver, peut-être que ce serait le moment de faire autre chose. Ça fait 17 ans. On a envie de changement. On arrive à un tournant, on réfléchit à autre chose, en lien avec notre passion, mais autrement.Si vous arrêtiez les Rosiers, ça serait pour faire quoi ?Quelque chose de plus vivant, de plus familial. J’ai de plus en plus envie de transmettre. J’ai eu la chance de travailler avec de grands chefs, et aujourd’hui, je prends beaucoup de plaisir à enseigner. J’interviens au lycée hôtelier de Biarritz, je fais des masterclass.Vous parliez des jeunes : comment sont les futurs cuisiniers aujourd’hui ?Ils sont souvent très motivés. Ils ont cette envie, ils sont passionnés…. On dit souvent que les jeunes n’ont plus envie, mais c’est faux. Et moi, au départ, j’avais peur de ne pas avoir la patience de transmettre, mais tout se fait très naturellement. C’est un échange enrichissant dans les deux sens.Et côté RSE, quelles sont vos pratiques ?Rien n’est formalisé, mais on agit depuis le début. On travaille avec des producteurs locaux, on fait du compost, on évite les bouteilles en plastique, on utilise une fontaine à eau. Ça se fait naturellement.

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