Lacq : l'usine Caremag commence officiellement à sortir de terre - Premium

Quand Frédéric Carencotte a fondé Carester en janvier 2019, se souvient-il, la jeune entreprise était basée sur trois piliers. Le premier : « préserver et transmettre le savoir-faire français dans les terres rares », notamment en embauchant des jeunes. Le second : numériser ce savoir-faire. Le troisième, enfin, « monter une usine en France ». « C’était le pilier le plus ambitieux, le plus risqué, mais celui qui donnait un sens à notre action », raconte le PDG de l’entreprise lyonnaise. Et si « les premières réactions ont été plutôt sceptiques », c’est ce pilier qui s’est concrétisé, ce lundi 17 mars à Lacq, avec la pose de la première pierre de l’usine Caremag.Sur le bassin industriel béarnais, Carester a trouvé « des terrains disponibles, une plateforme à vocation régionale et un site industriel clés en mains », énumère le dirigeant. Surtout, l’entreprise a trouvé en Nouvelle-Aquitaine « une région qui a montré sa passion pour le développement industriel », et en Béarn, « un territoire qui a su montrer son attractivité », citant notamment le soutien des élus locaux et des services de l’Etat dans l’obtention, en moins de dix mois, d’un permis de construire.Un projet franco-japonaisDans moins de deux ans, promet le dirigeant, la nouvelle usine lacquoise recyclera 2.000 tonnes d’aimants et raffinera 5.000 tonnes de concentrés miniers par an. « Cette unité industrielle deviendra le premier recycleur européen de terres rares et le plus gros producteur occidental de terres rares lourdes séparées avec 600 tonnes d’oxydes de dysprosium et terbium, soit environ 15% de la production mondiale actuelle, et 800 tonnes d’oxydes de néodyme et praséodyme », revendique Carester. Le tout, souligne son dirigeant, en utilisant une énergie « 100% électrique », sans aucun effluent liquide, et en recyclant 80% du CO2 émis. « L’aspect environnemental de ce projet a été crucial dans notre décision d’investir », assure, à la tribune, Michio Daito, Président de Jogmec. La « Japan Organization for Metals and Energy Security », une agence gouvernementale japonaise chargée d’assurer l’approvisionnement de l’industrie nippone en terres rares, associée à l’entreprise Iwatani Corporation dans la co-entreprise « Japan France Rare Earth Company», soutient le projet Caremag à hauteur de 110 millions d’euros en fonds propres et en dette d’actionnaire (en plus des 106 millions d’euros engagés par le gouvernement français sous forme d’avances remboursables et de subventions). « Depuis le choc des terres rares de 2010 [ndlr, quand la Chine avait stoppé ses exportations de ces matériaux vers le Japon], nous travaillons à diversifier nos chaînes d’approvisionnement, souligne Hideyuki Urata, directeur des industries manufacturières, au ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie du Japon. L’industrie automobile, qui va utiliser de plus en plus de terres rares, est une industrie importante au Japon ». Elle sera acheteuse des terres rares de Caremag dans des volumes « significatifs », conclut l’officiel.À lire également - Accord entre Stellantis et Carester pour la production de terres rares à LacqRetrouver la souveraineté sur les terres rares« Il y a quarante ans, la France représentait 50% de la capacité mondiale de séparation des terres rares, rappelle Laurent Saint-Martin, ministre du commerce extérieur. Aujourd'hui, nous travaillons à regagner ce leadership ». Caremag, ajoute Jean-Paul Riquet, directeur régional Nouvelle-Aquitaine de TotalEnergies, va permettre à la France « de retrouver une forme de souveraineté grâce à l’économie circulaire ». Car aujourd’hui, rappelle à sa suite Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, la Chine « est en situation de monopole » sur les terres rares, et représente 98% de l’approvisionnement européen. Le chiffre de 15% de la production mondiale de terres rares que promet de produire la nouvelle usine est « absolument massif ». Comme son homologue au commerce extérieur, la ministre se réjouit de cette coopération franco-japonaise. Le Japon, souligne-t-elle, est « un partenaire fiable et de long terme ». Une expression souvent revenue dans les discours, ce 17 mars, comme un reproche en creux adressé à un autre partenaire historique de l’Europe dont la fiabilité et la vision à long terme font, depuis peu, singulièrement défaut.À lire également - Lacq : où en sont les grands projets d'investissement ?Patrice Laurent, président de la Communauté de communes de Lacq-Orthez, ne dit pas autre chose : « Nous sommes proches des Japonais sur notre vision du développement, ce sont des gens fiables, avec lesquels on peut travailler sur le long terme », considère l’élu. Pour preuve, souligne-t-il, la première brique de l’usine Caremag est posée « peu de temps après le lancement de la sixième ligne de production de fibres de carbone de l’usine Toray », un autre investissement venu de l’archipel. « Les terres rares sont un sujet stratégique pour eux, mais aussi pour nous, conclut-il. Que notre territoire participe à l’indépendance du pays, c’est une fierté. »

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