Pour Camille Syren, « ceux qui rebondissent ont une force, ils savent réduire la voilure » - Premium

Camille Syren est psychologue à Bordeaux et coach de dirigeants. Auteure, conférencière (1), elle organise des ateliers pour mieux comprendre ce qui se joue inconsciemment au sein d'un groupe, plus spécialement dans l'entreprise. Que se passe-t-il dans la tête du chef d'entreprise au moment d'une liquidation ou d'un coup dur pour son entreprise ?Il se passe la même chose que dans le cerveau de tout le monde, mais le dirigeant a trois spécificités qui le rendent singulier, trois atouts qui peuvent aussi le piéger en cas de coup dur. Tout d'abord, le dirigeant ressent fortement le sentiment de responsabilité vis-à-vis de ce qu'il a construit et de ses salariés. Deuxièmement, il aime décider et sait l’assumer, mais il est aussi très seul pour faire face aux arbitrages et aux difficultés : sa responsabilité pénale et son patrimoine personnel sont engagés et cela engendre une pression particulière. Enfin, le leader se nourrit de son pouvoir d'agir sur le monde, il a donc généralement un goût de l’action voire de l’adversité, et peu d'aptitude naturelle au calme et à l'introspection. Or, c’est absolument nécessaire pour rebondir. Quelles sont les clés pour ces trois blocages ?Premièrement, accepter que l'on ne peut pas être responsable de tout et de tout le monde. Deuxièmement, il faut échanger avec ses pairs qui partagent le même cadre de référence. Ceux qui s'en sortent sont ceux qui savent s'ouvrir. Enfin, ils doivent réapprendre à « être » avant d'agir, c'est un faux-pli difficile à défaire pour un dirigeant. Et puis, il faut savoir accepter la tristesse. Il est normal d'accuser le coup pour absorber le changement [cf, la courbe du deuil de Kübler-Ross]. Cela permet au cerveau de passer de l'imprévu à l'opportunité. Quelle est la force de ceux qui s'en sortent ?Ils savent différencier ce qu'ils doivent faire immédiatement de ce qu'ils devront faire dans un deuxième temps. Il faut réduire la voilure et ne pas le faire seul.Réduire le nombre d'interactions pour économiser l'énergieComment faire pour réduire la voilure ?Il faut connaître son modèle psychologique. Tout comme ils régulent et réinventent en permanence le modèle économique de leur entreprise, les dirigeants doivent aussi apprendre à ajuster leur « modèle psychologique » en connaissant finement ce qui les ressource (crédit) et ce qui les épuise (débit). Un : déléguer. Deux : diminuer le nombre de décisions. Trois : baisser les interactions sociales. Quatre : faire une détox d'informations. Apprendre à déléguer signifie ne conserver que la stratégie, accepter que les choses ne soient pas faites comme on aurait fait. Dans les moments de tempête, le dirigeant doit prendre une multitude de décisions. Les diminuer, c'est se préserver. Vous pouvez simplifier et automatiser tout ce qui peut l’être; expliquer que vous avez besoin que les autres décident à votre place et cela peut se décliner jusqu'au repas chez votre mère qui pense vous faire plaisir en vous demandant ce que vous voulez manger. Il arrive que l'on soit tellement au bout du rouleau que l'on ait juste besoin de lui dire : « Ce qui m'aiderait vraiment, c'est que tu décides et je trouverai ta décision très bien. » Vous pouvez enfin planifier les décisions à l'avance pour ne plus avoir à les prendre. Diminuer le nombre d'interactions sociales sert à économiser l'énergie. Se donner la permission de limiter les interactions sociales soi-disant « obligatoires », s’autoriser à cibler les relations amicales, supprimer un temps les relations complexes, privilégier les tête-à-tête aux dîners en groupe, se réserver des soirées vides et des temps de solitude.Apprendre à remonter à sa sourceComment se faire accompagner et par qui ?Les dirigeants résilients témoignent tous avoir osé s’ouvrir de leurs difficultés à des pairs, qui peuvent apporter une expérience, une compétence, un regard complémentaire aux leurs, et surtout qui permettent de réaliser que l'on n’est pas seul. Ils ont tous eu aussi recours à un « tiers », coach ou mentor confirmé, qui leur a permis de s’obliger à « sortir la tête du guidon » là où justement on est aspiré par l’urgence et la pression, qui les a guidés pour clarifier et éclairer des prises de décision, qui a été un vrai « garde-fou » aguerri pour tenir le temps du coup dur. Quoi faire, dans un deuxième temps, pour éviter de se trouver à nouveau impuissant dans une tempête ?Il faut apprendre à se connaître en « remontant à sa source » et lutter contre un réflexe bien connu du dirigeant face à un événement : agir et vite. On apprend à connaître les signaux envoyés par notre corps selon les émotions que l'on ressent et seulement ensuite on agit en fonction. Plus je sens ces signaux tôt, plus je vais développer une précision dans les actions que je mets en place [cf le Tableau de bord]. Par exemple, si je viens de vendre mon entreprise, je passe en revue ce que ça me fait : de quoi ai-je peur, à quoi devrai-je renoncer, quels plaisirs nouveaux vont s'offrir à moi… Ensuite, je réfléchis à ce que je fais de ces émotions. Si on est inquiet, on demande de l'aide.Si quelque chose ne nous convient pas, on négocie. Si on entrevoit une pointe de positif, on se déploie dans cette direction. Et le must du must pour ceux qui sont pour l’investissement à long terme : « oser redevenir petit pour devenir vraiment grand ». Car 100% des dirigeants ont eu cinq ans et sont conditionnés – comme tout le monde - par l’environnement dans lequel ils ont grandi. Ce qui se passe en nous aujourd'hui est toujours en partie lié à ce que nous avons vécu enfant, qui est « réveillé » et vient biaiser nos croyances et réactions actuelles. Tant que le dirigeant ne « remonte pas à la source », comme le saumon, pour différencier ce qui est actuel de ce qui est « réveillé » (1), tant qu’il ne modifie pas en profondeur ces stratégies qu’il a élaborées enfant et qui ne lui sont plus utiles aujourd’hui, il prend le risque que cela se répète, encore et encore… C’est exactement ce que permet un accompagnement thérapeutique.(1) « La gymnastique du saumon » Éditions Eyrolles. Conférence : « Comment garder un groupe en bonne santé ? » rendez-vous en ligne mardi 9 septembre à 18 heures sur ZOOM, inscription : gymnastiquedusaumon.com. Masterclass : « Les clés du fonctionnement humain pour optimiser la cohésion d'équipe » mercredi 17 septembre à 8h45 au siège du journal Sud Ouest.

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