Joël Dupuch, de l'ostréiculture au cinéma - Premium

Au bout de la tranquille impasse de la Conche, à Lège-Cap-Ferret, sont installés les parcs de l’Impératrice. Cette entreprise ostréicole qui produit des huîtres de tous calibres depuis 12 ans est gérée par Joël Dupuch. Si le nom de cet amoureux de l’océan et de ses produits ne vous dit rien, peut-être l’avez-vous déjà vu au cinéma, notamment dans le film Les petits mouchoirs de Guillaume Canet. Malgré une petite carrière sur grand écran Joël Dupuch reste un ostréiculteur reconnu, qui perpétue la tradition familiale. « Mais famille est dans l’huître depuis six ou sept générations, se remémore-t-il. Depuis 1870. J’ai grandi sur ce bassin, j’ai été élevé à l’huître plate… Je ne me suis jamais posé la question de faire autre chose. » Une histoire girondine L’homme intègre l’affaire familiale dans les années 1970, à un moment où le secteur d’activité se porte très bien. « Nous étions uniquement des producteurs, poursuit Joël Dupuch. Puis en 1978 je développe la partie commerciale en rachetant un petit magasin à Bordeaux, les huîtres Brunet, qui devient l’un de nos points de vente. » Le jeune ostréiculteur rencontre alors Jean-Marie Amat, jeune chef étoilé qui deviendra l’une des figures de la gastronome bordelaise. « Il m’a appris à découvrir mon produit. A l’époque nous produisions des huîtres à la tonne sans faire attention au niveau d’engraissement. » Cette rencontre en amène d’autres, et élargit le champ de vision du jeune homme. « Je n’étais plus producteur mais client de ces derniers. Cela m’a appris à savoir ce que je voulais et ne voulais pas et aujourd’hui, la philosophie des parcs de l’Impératrice en découle : faire les huîtres comme on les aime, et ne jamais envoyer à nos clients ce qu’on n’aimerait pas recevoir. » Trois ans plus tard en 1981, Joël Dupuch crée un espace de dégustation d’huîtres, chez Brunet. « Il n’y avait pas de chaud, pas de cuisine, pas de bail de restauration… C’était un concept assez innovant à l’époque, et ça fonctionnait très bien. » Mais un an après l’ouverture, l’homme se fâche avec son père. « C’était un grand monsieur, mais avec autant de caractère que moi », plaisante-t-il. Qu’à cela ne tienne, il s'émancipe et crée alors Chez Joël D., un bistrot d’huîtres au concept identique.Après la crise, les parcs de l’Impératrice « Puis mon père m’a rappelé en 1988 pour reprendre la boîte familiale, ce que j’ai fait jusqu’en 2005 », reprend l’ostréiculteur. Cette année-là est noire pour les producteurs du Bassin, qui font face à une microalgue toxique entrainant des fermetures administratives. « A l’époque il n’y avait pas de prêt garanti par l’Etat, de chômage partiel. Nous avons traversé trois ans très compliqués et en 2008 j’ai été contraint de liquider l’entreprise qui produisait plus de 300 tonnes d’huîtres par an. Au-delà de l’échec financier et économique, j'ai surtout arrêté une histoire de plusieurs générations. Et cette époque a été l’une des plus grandes épreuves de ma vie. » Dans sa tourmente Joël Dupuch peut alors compter sur sa bonne étoile – ou surtout la réputation de ses huîtres : deux investisseurs lui proposent de poursuivre son activité dans une nouvelle entreprise, Les parcs de l’Impératrice. Un soulagement. « Ces deux personnes m’ont permis de redémarrer dans une activité que j’aimais avec des moyens financiers et une activité allégée, en virant toutes les phases qui n’avaient pas de valeur ajoutée. » Les parcs de l’Impératrice sous-traitent, notamment pour tourner les poches d’huîtres. « Prendre un sac en plastique et le retourner, que ce soit moi ou quelqu’un d’autre, ça ne change rien à la dégustation », appuie Joël Dupuch. Rapidement, la marque fait sa place et devient synonyme de qualité. Elle produit 300 tonnes de mollusques par an, de 50 à 150 grammes, et fournit à 95% des restaurateurs, des grossistes ou des poissonneries.Les parcs de l'Impératrice produisent 300 tonnes d'huîtres par an - Crédits : MBDu cinéma aux planches de théâtre En parallèle de son activité ostréicole, Joël Dupuch est aussi acteur. Il rencontre Guillaume Canet lorsque ce dernier est enfant, et les deux hommes se lient d’amitié. « Un jour nous faisions un canular téléphonique à un ami et Guillaume m’a dit que je jouais bien. C’est comme ça qu’il m’a donné un petit rôle dans son premier film, Ne le dis à personne. » L’homme enchaîne les rôles, dans Les petits mouchoirs, puis Jappeloup, Le sac de billes et Nous finirons ensemble, entre autres. « C’était une expérience très enrichissante pour moi, qui en plus m’a apporté une petite notoriété. Il faut savoir sortir parfois de sa zone de confort : c’est facile d’être champion de sa rue, mais il faut savoir aller dans celle d’à côté. » Ce leitmotiv, l’ostréiculteur l’applique encore en 2021. Le 18 octobre prochain si les conditions sanitaires le permettent il sera sur la scène du Femina, théâtre bordelais, pour un one-man show baptisé Conversations. « Un ami m’a proposé de venir raconter mes conneries sur scène plutôt que de les réserver pour les repas conviviaux, plaisante-t-il. Alors j’ai dit oui. Et puis si je peux parler à des personnes qui traversent une période compliquée, leur faire entendre qu’elles ne sont pas les seules à devoir surmonter des difficultés, je prends. »Maintenant, sauver la saison En attendant cette date Joël Dupuch continue de produire ses huîtres sur le Bassin, malgré cette dernière année de pandémie. L’activité du parc ostréicole a été fortement touchée, et ce dernier s’est vu amputé de plus de la moitié du chiffre d’affaires en 2020. « Depuis janvier dernier nous avons réalisé environ 20% du chiffre d’affaires habituel. La réouverture des restaurants est un soulagement pour nous, il était temps. Je pense que la saison sera bonne, que le tourisme ici va cartonner, mais on ne rattrape jamais le retard. » Pour cet enfant du Bassin le cinéma n’est pas non plus terminé. « Je prends toutes les aventures qu’on me propose. Et si ça ne fonctionne pas, que je me gamelle, je rentre chez moi », conclut-il, dans son bureau entouré de souvenirs de tournages et de rencontres. Au mur, accroché au-dessus de son fauteuil, trône l’un de ses souvenirs les plus chers : un diplôme datant de 1983, délivré à l’occasion du championnat de vitesse d’ouverture d’huîtres. Les parcs de l'ImpératriceCA : n. c.www.parcsdelimperatrice.fr

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