Port de Bordeaux. « Je souhaite à mon successeur de pouvoir s'appuyer sur l'innovation industrielle » - Premium

Jean-Frédéric Laurent, directeur du Grand Port Maritime de Bordeaux, a été nommé délégué général de l'Union des Ports de France (UPF). Il prendra ses fonctions en décembre. L'UPF est la fédération professionnelle qui rassemble les Grands Ports Maritimes (GPM), les ports de commerce décentralisés, mais également les ports de pêche, cela en métropole comme en outre-mer. Sa mission consistera désormais à défendre les intérêts des ports français pour répondre aux évolutions réglementaires, à la gestion de la convention collective de la branche, s'adapter aux évolutions économiques, aux enjeux de la transition industrielle et assurer un positionnement compétitif.Cette nomination intervient après cinq années passées à la direction du Port de Bordeaux, qu'il a intégré en mars 2019, après avoir exercé auparavant à La Réunion, à Dunkerque et dans le transport maritime.Un mandat axé sur la restructuration et la crédibilitéIl revient sur ces cinq années bordelaises. « Le principal défi à Bordeaux a été la restructuration de l'établissement lui-même, explique-t-il, alors confronté à une triple crise : économique, sociale et d'image. Mon premier dossier, et celui qui m'a le plus occupé, a été de rebâtir la crédibilité du port et de retrouver un positionnement économique pertinent ». Il a travaillé sur une méthode reposant sur un double mouvement : développer les atouts internes à l'établissement et rechercher les leviers les plus rapides possibles (tout en veillant à la cohérence de ces actions avec l'écosystème local). Concernant l'activité du port de commerce, la stratégie a consisté à raccrocher l'outil portuaire à son hinterland immédiat, en se concentrant sur les clients industriels et acteurs de proximité. L'objectif était d'enrayer la chute de l'activité portuaire en identifiant des filières pérennes et en redimensionnant les équipements pour qu'ils correspondent au repositionnement du port sur un territoire somme toute limité.Dans cette stratégie de redéploiement, la réparation navale, un secteur dont les métiers étaient sous-valorisés, a pris une place particulière. « Le repositionnement visait à offrir un bon niveau de service pour remettre tout l'écosystème en marche, couvrant la réparation navale et la reconstruction, au-delà du simple marché de fond, et pour servir un maximum de besoins en compétences. » Cet effort s'appuie sur tout un réseau de PME fournisseurs et s'adresse à des clients variés, incluant les armateurs de navires de commerce, les propriétaires de yachts, les flottilles de bateaux fluviaux et les bateaux de service.Intégration territoriale et transition industrielleJean-Frédéric Laurent a appuyé une part de la stratégie à long terme sur la valorisation du patrimoine foncier et des équipements portuaires. Le port de Bordeaux possède un foncier très important, l'idée est de créer des écosystèmes économiques autour des activités portuaires. Une autre orientation majeure fut l'intégration du port dans la dynamique d'innovation locale, un domaine qui était auparavant détaché de l'activité portuaire. « Le port a participé à créer et intégrer des initiatives telles que Bordeaux Territoire d'Industrie, Beezip, Innogaronne et Technoport, créant une dynamique de renouvellement. Cette intégration est essentielle car, localement, les marchandises sont souvent transformées. Le port est donc au cœur des dossiers de transformation industrielle, de lutte contre le changement climatique et de préservation de la biodiversité. » L'exploitation du fleuve constitue également selon lui un fort levier sur lequel il est possible de capitaliser.Perspectives et défis non résolusSa fierté à l'issue de ces cinq années ? « Avoir redressé l'établissement, c'est une réussite collective, livre-t-il. Le port a retrouvé une attractivité permettant à des projets industriels d'envisager de s'y implanter. Des industriels existants investissent, et de nouveaux projets significatifs se dessinent, notamment dans la « chimie verte » et l'industrie en transition. » Un regret ? « La lenteur des projets industriels, due à une complexité croissante des implantations. Cette complexité est souvent justifiée par la nécessité de rassurer, de réduire l'impact environnemental et de compenser, conduisant à des phases de conviction parfois compliquées avec les partenaires. » À lire également - Port de Bordeaux : « La transition industrielle nous occupera pour les 30 prochaines années »Il identifie un autre frein majeur, un frein culturel. « Le territoire de Bordeaux a « oublié » qu'il s'est aussi aussi construit sur l'industrie. Reconquérir cette culture sera une mission de longue haleine. » Il aurait également souhaité la renaissance d'un fret fluvial régulier (notamment pour le secteur de la construction), soulignant que cela nécessite une structuration du territoire en termes de compétences, d'infrastructures, de volonté et d'aides publiques.Affirmer le leadershipÀ la question : « Que pouvez-vous souhaiter à votre successeur ? », Jean-Frédéric Laurent répond : « beaucoup d'enthousiasme ». Son conseil : s'appuyer sur la qualité du territoire et la dynamique d'innovation pour affirmer un certain leadership sur des sujets clés, anticiper les changements industriels et ne pas négliger le rôle du fleuve. La principale leçon qu'il retient de ses années bordelaises est « la possibilité de bâtir des écosystèmes forts orientés vers l'économie décarbonée, en ne se laissant pas distraire par les sirènes actuelles qui chantent dans le sens inverse, et en restant focalisé sur les atouts pour l'industrie de demain ». Aujourd'hui, l'impact économique de l'outil portuaire est significatif pour la zone. Selon une étude de l'Insee de 2023, il génère 8.600 emplois sur la zone industrialo-portuaire (dont 400 au sein de l'établissement) et près de 900 millions d'euros de retombées économiques indirectes.

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