Expert-comptable 4/4. Attractivité et rétention des talents : le défi RH des cabinets d'expertise comptable

Selon les chiffres de France Travail, en 2024 en Nouvelle Aquitaine, 62 % des employeurs cherchant à recruter dans le secteur de la comptabilité rencontraient des difficultés de recrutement. Bruno Gratian, ancien expert-comptable, directeur du CEECA (centre de formation pour les experts-comptables) et consultant RH organisation et management pour les experts-comptables confirme cette tendance. « Sur les quatre dernières années, il y a eu vraiment des grandes difficultés de recrutement pour les cabinets qui ne trouvaient pas de talents. Les cabinets ne recevaient que deux ou trois candidatures ou très peu de candidatures qui correspondaient au poste », explique Bruno Gratian. Pour lui, ce « phénomène de manque » est dû à plusieurs facteurs : l’attirance moins accrue pour la filière de la comptabilité chez les jeunes, qui lui préfèrent d’autres filières comme le marketing ou le contrôle de gestion, les remises en question de nombreuses personnes sur leur orientation ou leurs choix de métier qui ont suivi la crise du COVID ou encore la pression que subissent les collaborateurs dans certains cabinets, en raison de la forte charge de travail et des contraintes de délais auxquelles le métier est contraint.

Se réinventer pour rester attractif

Selon le professionnel, les cabinets d’expertise-comptable ont su être résilients. « Les cabinets ont pris des candidats un peu moins forts ou formés et ont dû les superviser de façon un peu plus poussée afin d’améliorer leurs compétences », explique-t-il. Certains cabinets se sont aussi orientés vers l’apprentissage, où le collaborateur suit ses études tout en travaillant en cabinet en parallèle. « La profession ne le faisait pas tellement, et cette orientation vers l’apprentissage qui s’est accentuée récemment a permis aux cabinets de trouver de nouveaux candidats en allant à la source et de les former à leur image », ajoute Bruno Gratian. Pour attirer les nouveaux talents, il est également important pour les cabinets de s’adapter à leurs besoins, notamment en termes d’organisation du travail. « Les cabinets ont commencé à le faire, constate le consultant. Beaucoup ont proposé du télétravail, en particulier les plus gros cabinets. Ils ont aussi dû séduire les candidats en proposant des actions internes pour regrouper les équipes et plus de flexibilité. Depuis deux ans, les cabinets font de gros efforts là-dessus. » Pour lui, les cabinets doivent aussi plus mettre en avant sur la marque employeur pour « donner une meilleure image, plus moderne, du métier », notamment via la communication sur les réseaux sociaux.

S'adapter à la mutation du rôle de l'expert-comptable

« Aujourd’hui c’est en train de se rééquilibrer, les cabinets sont moins en alerte », estime Bruno Gratian. Cette phase pourrait être liée, entre autres, à l’arrivée de la facture électronique (voir sujet 1 de la série) qui deviendra obligatoire à compter du 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises et les ETI, puis à compter du 1er septembre 2027 pour toutes les autres entreprises. « Les cabinets sont un peu dans l’expectative avec la facture électronique. Selon certaines études, avec l’automatisation des tâches comptables, 10 % du personnel pourrait quitter les cabinets », partage le spécialiste. Ainsi, la transformation du métier, « vers plus de contrôle et d’analyse des données » pourrait ne pas correspondre à tous. De nombreux cabinets espèrent se tourner plus vers le conseil (voir sujet 2 de la série), mais pour Bruno Gratian, ce virage demande aussi à être mis en valeur auprès des clients. « Les entreprises françaises, TPE et PME n’achètent pas beaucoup de conseils, il faut réfléchir à comment valoriser cette activité.

Le mot de notre expert partenaire :
Longtemps considérés comme un passage stratégique pour enrichir son parcours professionnel à travers une diversité de missions comptables et fiscales, nos cabinets ne se résument plus à ce simple rôle. Aujourd’hui, les cabinets permettent des évolutions de carrière en valorisant les expériences de chacun, mais aussi le savoir-faire et la personnalité pour pouvoir entreprendre. Les nouveaux métiers liés au contrôle de la donnée (data control) permettent notamment aux jeunes générations d’intégrer la profession, tout en ayant des perspectives d’évolution suivant leurs propres aspirations.
Agnès Maya - Expert Comptable Commissaire aux Comptes & Associée - Baker Tilly