Défaillance d'entreprises : « Tous les secteurs sont concernés, de la TPE à l'ETI » - Premium

Est-ce que l’on assiste au phénomène redouté depuis l’année dernière, c’est-à-dire un « effondrement » des entreprises après le « quoi qu’il en coûte » porté par Emmanuel Macron ? Certains diront cela, pour le moment, j’attends de voir. Tout d’abord, on sent que le gouvernement, par les mesures prises ces derniers temps, veut modérer le nombre d’actions portées devant les tribunaux de commerce. Mais, mécaniquement, il y a plus de dossiers qui arriveront, oui. Avec le « quoi qu’il en coûte » on a arrêté l’économie normale, on a mis des entreprises sous perfusion alors qu’elles auraient dû s'arrêter naturellement par la loi du marché. Quelles sont les entreprises qui sont aujourd’hui les plus concernées ? Je dirais, de la TPE à l’ETI. Essentiellement dans le secteur du bâtiment, avec la hausse des matières premières et de l’énergie, mais aussi des salles de sport. Cela peut paraître surprenant, oui ! Mais il y a eu le Covid-19 et la fermeture des établissements, puis les particuliers ont eu peur d’y retourner malgré les protocoles de nettoyage. Les modes de consommation ont changé, et c’est très compliqué pour les gérants, de faire revenir les clients. Le tourisme est également très touché par la conjoncture. Il y a eu des déplacements, certes, mais les paniers moyens ont diminué. Sur les restaurants, on constate en plus une problématique de main d’œuvre. Pensez-vous que d’autres secteurs, en particulier, seront en difficulté dans les mois à venir ?Il n’y a pas un secteur plus concerné qu’un autre par les tensions actuelles. Dans l’industrie, on aura des difficultés également. Quand vous voyez le prix des postes d’électricité tripler, quadrupler, à un moment vous ne pouvez pas systématiquement tout reporter sur la facture du client. J’ai également une grande crainte sur la partie associative. C’est un secteur que l’on a trop oublié durant le Covid-19 à mon avis, alors que certaines associations sont autant structurées qu’une entreprise, ont bénéficié de PGE, etc… Mais souvent, elles ne sont pas forcément structurées sur la partie financière. Le jour où l’on se rendra compte qu’on ne peut plus payer les salaires, j’ai peur qu’il soit vraiment trop tard. Anticiper pour limiter la casse Que faut-il faire alors, selon vous, pour « limiter la casse » ? Anticiper. C’est toujours pareil. On compare tous nos métiers à celui d’un médecin ! On va voir un médecin traitant pour ne pas aller voir un spécialiste, nous, on aimerait qu’on vienne nous voir comme un médecin traitant. Malheureusement, on voit de plus en plus de chefs d’entreprise qui ont des problématiques de trésorerie – et le phénomène est plus rapide qu’on ne le pensait. Le remboursement des PGE fait que les charges à payer sont plus importantes, et souvent il n’y a pas eu d’anticipation dans le budget d’exploitation, dans la trésorerie. C’est une problématique qu’on a toujours vue, mais elle s’accroît avec l’augmentation du prix des matières premières, de l’énergie, forcément. Malheureusement on ne fait pas de magie, et s’il y a un état de cessation des paiements et une dette, il n’y a que la procédure collective pour traiter le dossier. Alors, c’est rendu publique. Déjà que l’entreprise ne va pas bien, si on explique au client de cette entreprise la situation, ça entache l’image de marque… On entend depuis plusieurs mois voire années, que les chefs d’entreprise ne doivent pas hésiter à demander de l’aide. Pourtant, vous parlez de problèmes d’anticipation… Je reste persuadée que si nous n’allons pas au contact des entreprises, si nous n’expliquons pas à quoi on sert, rien n’évoluera. Il faut dédramatiser certains termes comme tribunal de commerce, mandat ad hoc, redressement judiciaire. La vérité, c’est qu’il y a une méconnaissance de nos métiers, qui font peur. Demandez à un patron, la différence entre une procédure à l’amiable et une procédure collective ? Je suis sûre que 90% d'entre eux ne savent pas qu’amiable signifie confidentiel. Et puis, aux Etats-Unis, si vous coulez une entreprise, vous avez acquis de l’expérience, vous savez ce qu’il ne faut plus faire. Chez nous, venir voir un administrateur judiciaire, c’est honteux. Alors que les meilleurs chefs d’entreprise, ce sont ceux qui anticipent.

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