Crowdequity en Nouvelle-Aquitaine : un marché qui s’assainit et qui séduit les startups comme les fonds - Premium

Lancée en 2020, la jeune pousse parisienne Armin a basé son activité au cœur des Landes, dans la commune d’Arthez-d’Armagnac. Elle y produit de l’armagnac, boisson à l’image « vieillotte », qu’elle ambitionne de moderniser. « Depuis notre lancement, nous avons vendu 20.000 bouteilles auprès de professionnels comme de particuliers, présente à Placéco Augustin Chatenet, cofondateur d’Armin. Et nous voulons, en 2023, en vendre autant. » Pour ce faire, la startup, qui a déjà levé 600.000 euros en love money il y a deux ans, est en train de finaliser un second tour de table d’1 million d’euros. Un financement loin des traditionnels fonds d’investissement, car les trois associés ont décidé de passer par Tudigo. Basée à Bordeaux, la plateforme de financement participatif est spécialisée, depuis 2018, dans l’investissement non coté. Et elle séduit, comme ses concurrentes, de plus en plus de jeunes pousses en recherche de capital. Selon le baromètre réalisé par Mazars pour l’association Financement Participatif France, 2,3 milliards d’euros ont été collectés l’an passé en France, soit 25% de plus qu’en 2021. Une tendance à laquelle la Nouvelle-Aquitaine n’échappe pas, avec 139 millions d’euros récoltés. « En passant par le crowdfunding, ou crowdequity, les startups cherchent la facilité, la simplicité et la rapidité, analyse Alexandre Laing, cofondateur et directeur général de Tudigo. Le problème des levées de fonds en général, c’est que vous avez une vraie charge mentale. Le processus dure normalement entre 9 et 12 mois, tandis que chez nous, ça va durer 30 jours. Pour des entreprises qui ont une trésorerie un peu tendue ou qui sont en phase d’hypercroissance, cette rapidité est la clef, sinon elles perdent un an de développement. » Pour Armin, si la question de faire entrer un fonds au capital s’est posée, le crowdfunding a finalement été privilégié. Car au-delà de faire participer sa communauté, la startup a senti - comme d’autres en ce moment - les réticences de certains financeurs. « On a rencontré beaucoup de fonds, mais aucun n’a participé. Dans le contexte actuel, la plupart gardent leurs capacités d’investissement pour refinancer les sociétés déjà présentes dans leur portefeuille. »Réduire le temps de la levée Parmi les enseignements du baromètre, on constate une montée en puissance des canaux des conseillers en gestion de patrimoine (CGP, 15% de la collecte), et des fonds d’investissements (8%), bien que l’approche directe reste prépondérante (66%). Une évolution qui ne surprend pas Axel Champeil, PDG de Champeil S.A, spécialisé dans la prestation de services d’investissement. « L’intérêt du crowdfunding, c’est de pouvoir accéder à un large panel d’investissements. Il y a des fonds d’investissements capital-risque qui regardent aussi ces dossiers, et interviennent lorsqu’ils sont de qualité. » De son côté, Tudigo travaille de plus en plus avec ces financeurs : « L’avantage c’est qu’on détermine le timing. Ça reste plus simple pour une entreprise d’avoir un seul interlocuteur - nous -, qui a une communauté d’investisseurs particuliers et professionnels, que d’aller toquer à la porte de 150 personnes différentes, et de devoir tout gérer. D’autant que les CGP et les fonds d’investissement sont noyés de dossiers aujourd’hui. Ils ont toujours travaillé avec des réseaux d’apporteurs d’affaires, et les plateformes sont des apporteurs à part entière », commente Alexandre Laing.Un investissement plus risqué ? Du côté des investisseurs, particuliers comme professionnels, la question du risque pris en financçant une startup via du crowdfunding peut néanmoins se poser. Notamment pour des fonds d’investissement habitués aux due diligences, ces processus approfondis de vérification de la santé de la société en recherche de liquidités. « Pour les investisseurs professionnels, sans être nécessairement plus risqué, le crowdfunding induit un contrôle et une due diligence beaucoup plus légers, analyse Axel Champeil. Les plateformes ont une obligation de vérifier certaines choses, mais le succès de ce mode de financement vient justement du fait qu’on allège la procédure. » « C’est pareil dans le monde des business angels, ça dépend de qui fait la sélection et négocie, argue de son côté le directeur général de Tudigo. Il y a des plateformes anglaises notamment qui font leur sélection sur la base de la communauté de la marque… Chez nous, c’est très différent. On a des projets à tous les stades de développement, on fait un gros travail de vérification mais aussi de négociation des taux. Beaucoup de plateformes n’ont pas fait attention à cet aspect et c’est une erreur, qu’elles payent aujourd’hui en stagnant, voire en régressant. » Aussi, la France voit son marché du crowdfunding s’assainir années après années. Le nombre de radiations, 54 en 2022, n’a jamais été aussi haut tandis qu’à l’inverse, le nombre d’immatriculations atteint son plus bas niveau (7 en 2022 contre 47 en 2021). Une réglementation qui fait dire à Axel Champeil que l’essor du crowdequity n’est pas terminé : « Les financements seront plus compliqués dans les années qui viennent, avec des crédits moins abondants, et les entreprises devront trouver des fonds hors bancaires. Le crowdfunding est une solution parmi d’autres, comme le capital investissement ou la Bourse. Mais on sent une volonté de désintermédiation et de circuit-court, que l’épargne rencontre directement l’offre. »

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