Conjoncture : en 2024, industrie dynamique et BTP à la peine
Le secteur construction et BTP reste le gros point noir pour l'économie en 2024. Photo d'illustration : Adobe Stock
Les services conjoncture et prospective de la Banque de France et de la Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux Gironde livraient ce matin leur bilan de l’année 2023 et dévoilaient les éléments de tendance pour l’année en cours. Si le commerce physique traverse un crise structurelle assez forte, l’industrie est globalement solide. Le secteur du bâtiment va continuer à souffrir en 2024.
Eléments de cadrage
Marie-Agnès Montbron, directrice régionale de la Banque de France, pose les bases du contexte dans lequel l’économie devrait évoluer en 2024. « Le niveau d’épargne va diminuer pour revenir à ce qu’il était avant Covid et l’argent va être utilisé pour la consommation », ouvre-t-elle, à l’image de ce que les USA ont fait en 2023, permettant de soutenir leur économie. « Autre signal positif pour la croissance : les négociations commerciales viennent de s’achever entre la grande distribution et l’industrie alimentaire, avec des hausse de prix contenues entre 2 et 3%. » Enfin, la Banque de France « surveille aussi attentivement la baisse des prix d’énergie ». Au-delà, la croissance mondiale « devrait rester faible », annonce-t-elle, avant d’expliquer : « l’incidence des politiques monétaires restrictives et donc de la hausse de taux va se matérialiser progressivement au niveau mondial et la croissance est tirée par la Chine qui n’a pas du tout réalisé les prévisions escomptées ». En France, l’inflation devrait reculer, passant de 5,7% l’an passé à 2,5% en 2024, pour évoluer vers 1,8% puis 1,7% en 2025 puis 2026. « Ce qui va relancer la consommation », prolonge-t-elle. Les salaires réels, après avoir reculé en 2023, devraient sensiblement progresser sur la période 2024-2026, « sur un rythme proche de celui de la productivité au travail, qui est elle-même en accélération ». Corollaire, le chômage devrait poursuivre une légère hausse jusqu’en 2025, tout en restant inférieur à 8% est-il envisagé.
Industrie, services marchands et construction, destins croisés
Concernant l’économie néoaquitaine, « 2023 a été une année de ralentissement, pas de récession mais de croissance moins rapide. 2024 ne verra pas une reprise généralisée, mais sera une année de contraste », résume Jacky Philipps, chef du département des Entreprises et des Activités économiques régionales au sein de la Banque de France. Dans l’industrie, comme dans les services, les chiffres d’affaires ont globalement progressé, tirés par des hausses de prix et malgré des volumes globalement en recul. En 2024, les volumes devraient progresser. Si l’aéronautique a performé en 2023 et devrait poursuivre sur cette voie en 2024, les montées en cadence se poursuivant en dépit des difficultés d’approvisionnement mais aussi de recrutement, la fabrication de boissons alcooliques a subi l’an passé « un gros contrecoup, suite à la baisse de la demande en Chine et aux USA ». L’investissement industriel sera moins fléché vers le productif mais plutôt alternatif, axé vers les transitions climatique et numérique. Dynamique similaire concernant les services marchands en Nouvelle-Aquitaine, où ce sont les hausses des tarifs qui ont permis aux chiffres d’affaires d’évoluer positivement, les volumes s’inscrivant globalement en contraction. Concernant la rentabilité, les entreprises interrogées ont une opinion globalement négative, principalement en raison des hausses des charges (sur les salaires et prix de l’énergie).
Dans le secteur de la construction et du BTP, « après le rebond post-covid, les volumes d’affaires ont baissé en 2023 et ça va être pire en 2024 », confirme Jacky Philipps. Dans le bâtiment, les carnets de commandes sur le gros œuvre sont « historiquement bas, il y a des reports voire des annulations de programmes ». Le second œuvre reste dynamique, tiré par la rénovation. Si environ un quart des entreprises de ce secteur disaient en fin d’année dernière vouloir recruter, 88% d’entre elles observent des difficultés à la faire. Des chiffres similaires à ceux évoqués dans le secteur du commerce, où les candidats « ont des exigences sur l’organisation, moins enclins à travailler le soir ou le week-end ». L’embauche est aussi compliquée dans l’industrie : il y a une inadéquation entre les besoins et les profils disponibles. Autre décalage : « des exigences salariales vraiment très fortes de la part des candidats et qui ne sont pas admissibles pour les entreprises », constate Nathalie Wong-So, chef de projet Etudes économiques à la CCI de Bordeaux-Gironde.
Focus girondin, le commerce doit se réinventer
« Nous sommes dans une économie d’instabilité permanente. Les plans à cinq ans, c’est maintenant impossible. Il faut désormais s’adapter en permanence », ouvre Patrick Seguin, président de la CCI de Bordeaux-Gironde. S’appuyant sur les chiffres des tribunaux de commerce, il constate une hausse de 40% des ouvertures de procédure. « Les entreprises arrivent toujours trop tard, 70% vont directement en liquidation car il n’y a plus d’actifs », déplore-t-il. Et d’espérer un inversement de tendance, le nombre d’entreprises en activité, en baisse, revenant à son niveau de 2019. « Le commerce ne va pas bien, les soldes ont été très décevants. Il faut revoir leur mode car ils ne correspondent plus aux attentes des acheteurs. Nous allons faire une grande proposition avec les associations de commerçants et les collectivités, pour faire une grande fête du commerce, pour animer et convaincre que le commerce de proximité a son importance ». Enfin, prenant l’exemple de l’imminent salon Vinexpo Paris qui sera « plein comme un œuf », il annonce la tenue prochaine d’un Vinexpo Mumbai. « C’est le marché de l’avenir, il y a là-bas une classe moyenne riche et qui s’intéresse aux produits européens et français. Il y a des marchés à prendre ! ». Marie-Agnès de Montbron confirme : « l’Inde est en passe de détrôner la Chine ».