Cyril Arrosteguy (BO) : « Il faut de la stabilité, une vision et fédérer autour » - Premium

Placéco : La saison précédente, le club a terminé 9e, avec une menace de relégation. Comment abordez-vous cette nouvelle saison, la première pour vous à ce poste ?Cyril Arrosteguy : J’ai fixé trois objectifs majeurs aux joueurs. Le premier, c’est de finir mieux classés que la saison passée, avec un minimum de 8e place. Le Top 6 serait ambitieux, surtout avec la pénalité de trois points qui nous a été infligée. Mais je pense que nous avons un effectif qui a vraiment gagné en qualité et qui peut nous permettre d’aller décrocher des sommets. Néanmoins, la saison sera longue. Montauban est monté, ce qui laisse en Pro D2 plusieurs gros clubs qui n’ont pas bougé, et un relégué avec l’ambition de remonter immédiatement. En termes de budget, ça se voit : le Top 5 de la division tourne entre 14,5 et 22 millions d’euros (Vannes, Grenoble, Aix-en-Provence, Oyonnax, Brive…), alors que nous, nous sommes bien en dessous.Concrètement, le BO, c’est combien de budget ? Tout dépend de ce qu’on appelle budget. En revenus, nous sommes à 9 millions. En charges, à 11,5. Donc il faut combler 2,5 millions de différence. On peut dire que le budget du BO est de 11,5 millions. Ce qui implique forcément des choix…Oui. Certaines personnes ont dû quitter le club. Mais là où nous nous sommes renforcés, c’est sur la qualité des joueurs. Nous en avons moins que l’an passé – 51 contre 54 – mais ils sont plus complets et plus compétitifs. Cela dit, nous restons fragiles sur certains postes, notamment avec des blessés longue durée.Vous parliez de trois objectifs : un meilleur classement, plus de victoires, et le troisième ?L’état d’esprit. Je veux une équipe irréprochable. L’an dernier, sur deux ou trois matchs, on n’est jamais sortis des vestiaires. Ce n’est pas acceptable. Aujourd’hui, le groupe vit bien, il y a de la concurrence, et c’est une bonne chose.« Pierre-Édouard Stérin ne se place pas comme un propriétaire, mais comme un investisseur » Financièrement, quelle est la situation du club ? On parle d’un éventuel repreneur, qu’en est-il ?Le propriétaire est Otium Capital, détenu par Pierre-Édouard Stérin, qui possède 85 % du capital. Mais il ne se place pas comme un propriétaire, mais comme un investisseur. Il ne sera jamais un Jacky Lorenzetti ou Mohed Altrad qui ont injecté des millions pour la survie du club. Il veut une société saine, qui ne perde plus d’argent. Dans le rugby, on gagne rarement d’argent. Contractuellement, il nous accompagne encore deux ans avec une garantie de 2,7 millions. Il se projette à une perspective de cinq à sept ans pour revaloriser le club et le vendre plus cher. C’est la première stratégie. La seconde serait de sortir plus vite si un acheteur met la somme déjà investie (3 à 3,5 M€). C’est une autre stratégie, la famille Bovis a montré un intérêt, mais aucune négociation n'est entamée. Une clause de confidentialité est signée. Mais rien n’a été fait. Un audit du club est en cours. Ou dernière stratégie : faire entrer des investisseurs minoritaires pour renforcer le capital, tout en gardant la majorité.Le budget est-il menacé à court/moyen terme par ces hypothèses ?La Ligue a retraité notre budget et exigé une garantie de 2,7 M€. Cela couvre les pertes prévues, mais on n'est pas à l'abri de frais non-anticipés : contentieux prud’homaux, dossiers fiscaux (autour des voitures), charges imprévues liées aux blessés… Ce serait faux de dire que le BO est sauvé. C’est pourquoi la priorité est de maîtriser les dépenses et surtout d’augmenter les revenus. Il faut qu’on prenne plus de temps pour justement augmenter ces revenus, et c’est pourquoi il y a la piste de faire entrer des actionnaires minoritaires.Qu’en est-il de ces 50.000 euros demandés à l’Aviron Bayonnais ? Le club ne peut plus subvenir à ses besoins ?Ce n’était pas une avance, contrairement à ce qui a été écrit. En réalité, nous devions initialement recevoir le Munster et Dax à Aguilera. Le match contre Dax a finalement eu lieu à Saint-Jean-de-Luz, ce qui a diminué nos recettes. En parallèle, la campagne de réabonnements a pris du retard à cause de la menace de rétrogradation. Nous avons dû attendre la décision définitive pour relancer la machine, et cela a décalé toute la facturation d’un à deux mois. Résultat : côté trésorerie, on n’avait pas de marge de manœuvre. J’ai donc demandé à l’Aviron Bayonnais que les recettes du match amical ne reviennent pas à 100 % à l’équipe qui recevait, mais soient en partie redistribuées au club visiteur. J’avais proposé 50.000 €, nous nous sommes accordés sur 20.000 €. C’était simplement une répartition des recettes, pas une avance. Chaque match amical se négocie entre clubs.« À date, on projette 2,8 M€ de partenariats » Côté partenariats qu’en est-il ? Quelle est la stratégie ?Aujourd’hui, on n'a pas encore signé de partenaire maillot « principal » : Bella Collection a été partenaire maillot de journée sur les deux premiers matchs ; on a Penne et PBC « sur les fesses ». Le maillot, tout emplacements confondus, représente environ 1 M€ à aller chercher. À date, on projette 2,8 M€ de partenariats (vs 5,5 M€ de moyenne Pro D2), soit environ plus de 30 k€ que l’an dernier. Le sujet n’est pas que quantitatif : qu’est-ce qu’on vend à une entreprise nationale pour la faire venir à Biarritz ? Et à une entreprise locale, comment la faire passer son partenariat par exemple de 10 k€ à 20 k€ ? Notre job, c’est créer de la valeur pour ces partenaires : cohésion, business meetings, mises en relation par secteurs (exemples vus ailleurs), expériences au stade plus qualitatives — bref, de la valeur d’usage, pas seulement de la visibilité.Justement, quelles sont vos pistes pour développer ces revenus ?Il faut distinguer deux axes : le B2C, c’est-à-dire l’expérience supporters. Nous voulons que venir à Aguilera ne soit pas seulement assister à un match, mais vivre l’aventure, et donc une fête : musique, bandas, animations pour les enfants, food-trucks variés, DJ après-match… On a mis une boutique provisoire aussi. En parallèle, le maillot rappelle celui des années fastes du club, il y a toute une histoire à écrire autour. Ensuite, grâce à la mairie, nous avons une nouvelle pelouse synthétique qui est un atout : elle favorise le jeu et peut rendre les matchs plus spectaculaires. On a vu 80 points face à Béziers. Ça permet de voir des gestes exceptionnels.Le B2B, à destination des partenaires. Il faut dissocier les grands comptes des petites entreprises. Pour ces dernières, on va faire plus d’event. Là, nous devons faire mieux. Aujourd’hui, la moyenne des clubs de Pro D2 est à 5,5 M€ de partenariats, nous sommes à 2,8. Il faut proposer plus de valeur : impliquer les joueurs et les faire venir dans les salons et les loges pour des moments d’échanges avec les partenaires, organiser davantage d’événements business, créer des synergies entre entreprises. Il y a des réflexions en cours. On doit aussi développer le segment séminaires et CSE, où nous faisons 95.000 € par an, quand d’autres clubs sont à plusieurs millions. On a une marge de manœuvre gigantesque. Sur le national, il y a quelque chose à faire, parce qu’on a une ville qui vend. Il y a des partenariats à faire avec des hôtels biarrots par exemple. Il y a toute une stratégie à avoir là-dessus. Enfin, il faudra aller chercher un grand partenaire national. Il faut créer une histoire. Cela passe peut-être par le recrutement d’un business developper dédié. Avec une stratégie commerciale nationale à écrire.« Pierre-Édouard Stérin m’a dit d’appeler Antoine Dupont » Certains ont évoqué que le club voulait Antoine Dupont …Ce n’était pas le sujet en tant que tel, mais l’idée de « starisation ». Faire venir un ou deux joueurs très connus peut attirer du monde, et surtout des sponsors. Il y a trois modèles inspirants : Laurent Marty (l’approche entrepreneuriale), Mourad Boudjellal (l’économie de la star), Max Guazzini (le rugby-fête). Ce sont des stratégies différentes et il faut qu’on puisse s’en inspirer. Nous, le juste milieu, c’est un peu des trois : une ou deux stars, une vraie expérience festive à Aguilera, et une gestion d’entreprise rigoureuse. Donc le sujet n’était pas autour de Dupont, mais peut être de faire venir une star, et montrer de beaux gestes, et faire venir du monde. Et dans la conversation, le nom de Dupont a été abordé, mais à la fin, Pierre-Edouard Stérin m’a dit d’appeler Antoine Dupont.La question du stade revient souvent…Oui, parce qu’inexorablement, elle se posera. Sans un outil performant, nous ne pourrons pas atteindre les 22 M€ de budget nécessaires pour pouvoir monter. À court terme, nous pouvons monter entre 13,5 et 15 M€ en optimisant l’existant et en créant de nouveaux espaces premium (loges, hospitalités). Pour le stade, il faudra penser un modèle. Mais au-delà, il faudra repenser Aguilera, et imaginer un financement privé et institutionnel avec des banques ou des partenaires financiers. Le seul moyen que le privé y aille, c'est d'avoir un modèle économique viable et une rentabilité.Vous avez aussi augmenté les abonnements. Comment l’expliquez-vous aux fidèles ?Les tarifs n’avaient pas bougé depuis cinq ans, alors que tout augmente. Nous étions l’un des clubs les moins chers de Pro D2. Aujourd’hui, si on veut sauver le BO, chacun doit participer à l’effort. L’augmentation est de 5 à 15 % selon les places. Malgré cela, nous avons quasiment atteint le même nombre d’abonnés que l’an dernier.Les dernières années, il y avait justement moins de spectateurs dans le stade, quelle stratégie pour les faire revenir ?Déjà, il faut arrêter d’associer le BO aux polémiques et retrouver de la stabilité. Les joueurs doivent rester irréprochables. Au niveau de la gouvernance, il faut de la stabilité, une vision et fédérer autour. Cela fait plus de dix ans que le club est en Pro D2. Il est temps de redonner envie aux gens d’y croire. Mon rôle, c’est de fixer un plan, un objectif et une stratégie pour y arriver. C’est une stratégie globale. C’est ma priorité maintenant. Depuis notre arrivée, on n’a fait qu’éteindre les feux.

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