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« Le développement de l’entrepreneur individuel a désacralisé le risque d’échec », selon Philippe Nauche

Écosystème
mardi 12 avril 2022

Philippe Nauche, vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine, en charge du tourisme, de l’économie territoriale et de l’intelligence économique.

L’engouement pour l’entreprise individuelle, quel que soit le statut retenu, souligne une évolution dans notre rapport au travail. À la veille des Solo&co Days, dédiés aux entrepreneurs indépendants, quels enseignements en tirer ? Le point de vue de Philippe Nauche, vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine, en charge du tourisme, de l’économie territoriale et de l’intelligence économique.

On a beaucoup lu, ou entendu, que la crise avait encouragé la conversion d’anciens salariés à l’entreprise individuelle. Que révèle cette accélération du phénomène ?
La crise a certainement eu un impact, mais le principal moteur reste l’aspiration des gens à plus de liberté, à savoir la possibilité de faire ce qui les intéresse ou les passionne, en alliant plus efficacement leur vie personnelle et leur vie professionnelle. À cette envie s’ajoute le fait que l’on ne se retrouve pas toujours complètement dans les fiches de poste des offres d’emploi. Quand on a des compétences et qu’on souhaite les valoriser, il est donc légitime de se dire qu’on va se lancer. Le développement de l’entrepreneur individuel a désacralisé le risque d’échec. Aujourd’hui, beaucoup de particuliers y vont pour voir, en se disant que si ça ne marche pas, ils feront autre chose. C’est la relation à la création d’entreprise qui change.

Pour en savoir plus sur le salon : Solo&co Days revient pour sa version présentielle

La création d’entreprise est un choix, mais ce dernier ne vous semble-t-il parfois subi, par exemple dans des secteurs comme la livraison, via les grandes plateformes de type Uber ?
Il existe aussi des offres d’emploi dans des secteurs plus classiques. D’une certaine façon, prendre un travail compliqué, ou un poste sur lequel la clarification n’est pas faite entre le statut d’indépendant ou celui de salarié, est un choix, qui peut conférer une certaine forme de liberté. Mais sur le principe, l’indépendance s’applique à deux niveaux, dans l’exercice du métier bien sûr, mais aussi vis-à-vis de la clientèle. Ces métiers sont à la limite, puisqu’on travaille pour un donneur d’ordre unique, et il serait certainement sain de les requalifier un jour en salariat, mais ça dépendra de la prochaine législature. Cela dit, et nous le voyons dans nos activités d’accompagnement à la Région, il arrive que la création d’entreprise apparaisse comme un choix par défaut. Quelqu’un qui estime avoir des compétences mais n’a pas l’expérience ou les formations qui lui permettraient de trouver ce qui lui convient dans le salariat se lancera peut-être par défaut. À l’inverse, beaucoup se lancent dans l’optique d’être libres à la fois dans leur façon d’exercer et dans le choix de leurs clients.

« Quand on fait un choix, parfois on se trompe »

Depuis dix ans, on entend des commentateurs prophétiser la fin du salariat, souscrivez-vous à cette idée ?
Pas du tout ! Au contraire, la crise a bien renforcé l’importance de la dimension collective et de la cohésion d’équipe, dont l’absence a souvent été douloureusement ressentie avec le télétravail, ou les modifications d’habitude de présence en entreprise. Ceux qui choisissent l’indépendance privilégient un autre modèle, mais ça reste un choix, avec des allers et retours possible. Ce qui m’inquiète en revanche, c’est le risque de précarisation et d’isolement qui peut frapper un certain nombre d’indépendants. Derrière les aspects positifs, il y a aussi la contrainte du chiffre d’affaires et les risques d’échec. Quand on fait un choix, parfois on se trompe, et l’entreprise individuelle n’échappe pas à la règle.

L’ampleur du phénomène vous fait-elle craindre des risques sociaux ?
L’un des prix de la liberté offerte par l’indépendance est une moindre protection de la personne, ce qui reste vrai malgré les récents changements législatifs, et c’est logique puisque ce sont les cotisations sociales qui font la protection du salarié, tout ça va de pair. Si on considère que les indépendants doivent bénéficier de meilleures protections, il faudrait qu’ils participent plus largement à l’effort collectif, et je ne suis pas sûr que tout le monde le souhaite, mais le problème ne date pas d’aujourd’hui !

Comment le conseil régional intègre-t-il les indépendants dans son action de développement économique ?
L’accompagnement de la région se fait en fonction du code NAF, autrement dit du domaine d’activité, dans des secteurs comme l’artisanat ou le commerce de proximité. Il intègre également une dimension géographique, puisque nous accompagnons plus largement les entrepreneurs dans les zones dites vulnérables, notamment en milieu rural. Celui qui souhaite ouvrir un salon de coiffure comme travailleur indépendant dans une ville qui en compte déjà 35 ne sera pas aidé. À l’inverse, le même projet dans un centre-bourg isolé sera soutenu au titre de l’aménagement du territoire.