Liquidation judiciaire : « Ce qu’il reste, ce sont les gens » - Premium

« Le redressement ou la liquidation judiciaire, pour un dirigeant, c’est une remise en question totale de son identité. Moi, je l’ai vécu comme ça. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je là et fais-je suffisamment les choses ? De toute façon, on n’a jamais l’impression de faire assez bien. » Cinq mois après le placement de son entreprise, Kairos Agency, en liquidation judiciaire, sa dirigeante Shirley Jagle a le besoin de raconter son histoire 14 ans après avoir commencé à l’écrire. Historiquement positionnée comme agence de design web, et plus largement de communication, Kairos était notamment connue pour son engagement dans l’écoconception. « Sur une optimisation de site, nous pouvons réduire l’empreinte carbone de 50% et atteindre 70% lorsque nous le construisons nous-mêmes », expliquait à Placéco Shirley Jagle, en 2023. À cette époque, elle décide d’aller « au bout du concept », en développant un produit sollicité par plusieurs clients. Un logiciel SaaS baptisé Kairos Blue, un extranet permettant des actions basiques comme la gestion de documents ou la consultation d’un annuaire ; pouvant être agrémenté de briques spécifiques aux métiers des clients. « Pour industrialiser ce produit, on a levé 220.000 euros en dette bancaire et auprès d’investisseurs, reprend l’entrepreneuse. Finalement, ce n’était pas beaucoup par rapport à nos besoins, et nous avons financé le reste en “bootstrap” avec notre activité principale. Ce que je n’avais pas anticipé, c’est que j’aurais besoin de plus de marge de manœuvre. »Prendre des décisions suffisamment tôt Les mois de travail s’enchaînent, et les coûts pour développer et maintenir Kairos Blue sont importants. L’entreprise recrute, passe de cinq à dix salariés. La dirigeante sollicite le crédit d’impôt innovation (CII) et le crédit d’impôt recherche (CIR) pour un montant global de plus de 120.000 euros. « Ça a été une partie du problème, se remémore-t-elle. On n’a jamais reçu l’argent car il y a eu des retards administratifs, et n’ayant plus de trésorerie, en novembre 2024, j’ai placé la société en redressement judiciaire pour me permettre de ralentir et de prendre les décisions qu’il fallait. » Sauf que voilà. Lorsqu’une telle procédure est ouverte, les Impôts suspendent le versement des crédits en attendant sa fin, et le serpent se mord la queue. Pour Shirley Jagle, les galères s’enchaînent. Une commerciale spécialiste dans le logiciel BtoB recrutée, dont la grossesse se complique ; et le contexte économique chahuté. Sans parler de l’intelligence artificielle qui vient bouleverser le secteur. « J’ai dû sous-traiter la commercialisation, ça m’a coûté très cher, et je n’ai pas eu les relais de financement que j’avais les années précédentes », résume l’entrepreneuse. Après huit mois de redressement judiciaire, l’entreprise est placée en liquidation le 3 juin. « Je pense que ma décision de passer en RJ est arrivée un peu trop tard. S’il y a bien une chose que j’ai apprise durant ces 14 ans, c’est qu’on se dit toujours que ça va aller car si on n’est pas optimiste, on n’est pas entrepreneur. C’est vrai, mais des fois il faut prendre les décisions un peu plus tôt pour se donner plus de marges de manœuvre », analyse la dirigeante.Maintenant, transmettre Pour surmonter cette période, Shirley Jagle s’est entourée de coachs, tant sur le physique que sur le mental. Un enseignement qu’elle a retenu d’une précédente période durant laquelle les soucis étaient, cette fois, de santé. « Je sais qu’en cas de crise il faut réagir, ça m’a donné les ressources pour tenir et peut-être rebondir plus vite car psychologiquement, c’est la moulinette. C’est impressionnant d’être dans un tribunal, de devoir se défendre en cinq minutes lorsque la situation peut basculer à pas grand-chose. » Consciente que certains dirigeants auraient préféré d’autres choix que les siens, comme licencier l’intégralité de l’équipe et externaliser, elle affirme ses convictions et ne regrette pas son choix. « Quand son identité est liée à une structure qu’on n’a plus, on se rend compte que ce qu’il reste, ce sont les gens. Entre mon équipe et beaucoup de clients qui m’ont témoigné leur soutien, ça m’a vraiment tenue durant la procédure. » Aujourd’hui, l’entrepreneuse veut transmettre son expérience à d’autres, pour leur éviter de se retrouver dans la même situation. Si elle devait refaire ces choix, Shirley Jagle se tournerait plus rapidement vers le redressement judiciaire, « voire vers d’autres leviers comme la sauvegarde ou le mandat ad hoc, que je connaissais mal et qui peuvent être utiles ». Professionnellement, elle entend aider de nouveaux projets à émerger. Au sein d’une structure, elle aide des startups à lever des fonds, à commercialiser leur solution ou leur faciliter des mises en contact. « Profondément, j’ai un cerveau câblé en mode entrepreneur. J’aime l’innovation à impact, c’est ce qui m’a le plus plu ces cinq dernières années », conclut Shirley Jagle.

Liquidation judiciaire : « Ce qu’il reste, ce sont les gens » - Premium

Sur le même sujet

Tehtris renforce sa gouvernance après le limogeage de son ex-PDG

Souveraineté numérique - Nicolas Leroy-Fleuriot : « Ne pas livrer ...

Jeux et paris en ligne : Betclic se rapproche du leader allemand ...

Chez Ideclap, « la preuve par l’exemple »

Le SeSAM réunit les entreprises du Médoc

Masterclass #7 : immobilier d’entreprise, à quoi ressembleront ...

Le Pôle Habitat de la FFB se rassemble autour d'un débat

Deux accompagnements pour aider les entreprises à intégrer les ...

Comment le logement social peut-il s’adapter au mieux aux évolutions ...

Les Forces Vives du Territoire de retour pour une deuxième édition

Bordeaux Invest Day #11 ce jeudi 9 octobre

Benjamin Salah, PDG de Human Immobilier sera l'invité du Live ...

« Dans la crise, l'enjeu premier est de conserver les clients »

« Sans visibilité, on allie court et long terme pour sécuriser l'activité »

IA plus qu'à. Comment utiliser QuillBot, une IA pour, notamment, humaniser un texte...

Management. Audrey Martin 4/5 : petits conseils pour faire une critique constructive

IA : détourer une photo en quelques clics

CFPPA-OFA de Bazas : « On sent un regain d’intérêt pour cette filière »

Management. Audrey Martin 3/5 : prévenir les conflits et fluidifier le travail interpersonnel