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La coutellerie Prince, une histoire de famille

Inspiration
jeudi 16 juin 2022

La coutellerie est dans la famille de Muriel Deuil depuis 1917. Crédits : MB

La coutellerie Prince, installée dans l’hypercentre de Bordeaux depuis plus de 100 ans, vient de rallumer sa forge. Une façon de faire renaître et reconnaître cette activité, oubliée au fil des ans sur le territoire.

Peut-être n’avez-vous jamais remarqué cette discrète boutique, dans la rue Sainte-Catherine près de Victoire, qui vend couteaux, ciseaux et rasoirs. Pourtant, la coutellerie Prince est en activité depuis 1882. Une histoire de famille, qu’entretient Muriel Deuil. « Ma famille a racheté la boutique à ses fondateurs en 1917, se remémore-t-elle. Depuis, nous la tenons de génération en génération. » Lorsqu’elle-même reprend les rênes de l’affaire familiale il y a trois ans, Muriel Deuil décide de dépoussiérer le magasin. Exit la moquette verte, présente « du sol au plafond », la décoration comme l’éclairage sont entièrement refaits. « À un moment, les coutelleries ont fait peur car on les a confondues avec des armureries. Soit les gens ne faisaient pas attention, soit ils n’osaient pas entrer. Ce qui est drôle, c’est que la boutique a toujours été tenue par des femmes, par ma mère et ma grand-mère avant moi ! »

En remettant le lieu un peu plus au goût du jour, tout en le conservant « dans son jus », la propriétaire veut montrer que le couteau est aussi un objet d’art comme un autre. Même si, ici, on vend toute sorte de modèles. De l’entrée de gamme à 50 euros, jusqu’à des produits de collection. « Je revends des couteaux d’artisans, ou de marques plus industrielles, mais la production reste à très petite échelle », précise-t-elle. Les trois-quarts des objets viennent de la région de Thiers, bassin coutelier français, mais aussi de pays alentours. « Pour les couteaux de cuisine, je me fournis au Japon car ils ont une réputation internationale, illustre notre interlocutrice. Dans tous les pays du globe il y a une tradition coutelière, car c’est le premier outil dont a eu besoin l’Homme. »

Donner une seconde vie à la forge

Ainsi, certains clients seniors de la coutellerie Prince viennent faire aiguiser des couteaux ou des ciseaux qu’ils ont depuis leur apprentissage. D’autres, collectionneurs, passent à la boutique pour dénicher des objets sortant de l’ordinaire. C’est d’ailleurs pour répondre à cette demande que Muriel Deuil a décidé, il y a peu, de relancer la vieille forge située dans l’arrière-boutique. Une forge « à l’ancienne », qui a fonctionné durant toute la première moitié du 20e siècle. « Ma famille avait choisi de l’arrêter car, comme tout, la fabrication s’est plus ou moins industrialisée. »


La forge a été arrêtée au milieu du 20e siècle. Crédits : MB

Mais lorsqu’elle rencontre Philippe Sanchez, un coutelier-forgeron exerçant à Bordeaux, mais n’ayant pas de vitrine pour vendre ses couteaux, Muriel Deuil et lui décident de mutualiser leurs savoir-faire. Ensemble, ils donnent une nouvelle vie à la forge. Au-delà des couteaux que Philippe Sanchez fabrique – il faut un jour de travail par objet – des initiations individuelles sont également proposées, quelques fois par mois. « On ne le fait pas pour être riche et heureusement, précise la propriétaire. Mais cela permet de faire renaître ce domaine d’activité un peu oublié à Bordeaux. » Même si, le reconnaît bien volontiers Muriel Deuil, la cuisine revient à la mode grâce à les émissions télévisées grand public telles que Top Chef. « Je ne m’appelle pas Etchebest, ce n’est pas grâce à moi ! Mais c’est comme tout, on travaille mieux avec des produits de très bonne qualité. »

Des produits concernés par la hausse des prix

La coutellerie Prince génère un chiffre d’affaires annuel de 130.000 euros. « Juste de quoi être à l’équilibre en sortant mon salaire. Je n’ai pas les mêmes marges qu’H&M », commente Muriel Deuil. Et si pour l’instant, la hausse du coût des matériaux ne concerne pas directement sa boutique, la situation pourrait évoluer dans les mois à venir. Hormis les délais de livraison qui se sont allongés, les marques chez qui la coutelière se fournit ont prévenu : « Il y aura des hausses de prix, même si tout ne sera pas répercuté sur la facture des détaillants. » Pour autant, Muriel Deuil reste sereine car un couteau, s’il est bien entretenu, peut avoir une espérance de vie de 20, 30 ou 40 ans. « On est plutôt sur un achat unique, pas comme la nourriture ou les vêtements », conclut-elle.

Coutellerie Prince
Basée à Bordeaux
CA : 130.000€

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