Après le Japon, Sushi Robots vise l’espace - Premium

Et si l’ambroisie moderne n’était qu’une question de chimie ? À Aytré, Sushi Robots sort du strict cadre de son domaine d’expertise pour se lancer sur le secteur émergent de la lyophilisation, cette méthode qui prolonge la vie des aliments de plusieurs décennies. Depuis plus de dix ans, l’entreprise a su se tailler une place singulière sur un marché confidentiel : celui des équipements pour la gastronomie nippone. Importation, distribution et maintenance de robots à sushi ou à makis : la PME d’Aytré est devenue un acteur reconnu sur ce créneau pointu. Mais sa dirigeante, Alice Touchais, avait envie d’élargir l’horizon. « On voulait se diversifier, tout en restant sur une niche et en capitalisant sur ce qu’on sait faire », explique-t-elle. La cible idéale ? Lyo Robots, une jeune société unipersonnelle spécialisée dans les machines de lyophilisation. Un marché encore balbutiant en France, mais promis à un fort développement. « C’était plus une opportunité qu’un rachat d’envergure : la société n’avait pas de chiffre d’affaires significatif, mais le potentiel était immense », résume-t-elle.Objectif : démocratiser la lyophilisationPour piloter ce nouveau segment, la dirigeante a confié les rênes à Sébastien Subtil, jusqu’ici technico-commercial chez Sushi Robots, désormais entièrement dédié au développement de Lyo Robots. Un véritable intrapreneur, au sein d’une boîte qui assume sa volonté d’innovation. Encore peu connue du grand public, la lyophilisation est un procédé de conservation qui consiste à retirer l’eau d’un produit par sublimation : on le congèle, puis on abaisse la pression atmosphérique pour que la glace passe directement de l’état solide à l’état gazeux, sans passer par l’état liquide. Résultat : un produit allégé, stabilisé, dont les nutriments et vitamines sont préservés à plus de 95 %. « C’est la meilleure méthode de conservation existante, bien plus efficace que la déshydratation à chaud », souligne Sébastien Subtil. Et elle a un atout de taille : des durées de conservation pouvant atteindre 25 ans, sans réfrigération. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les aliments destinés à l’espace sont généralement lyophilisés : pour réduire leur poids et garantir leur longévité.Les kiwis jaunes et les bananes gardent le même aspect visuel, même une fois lyophilisés. Crédits Photo : Laurie Ferrère.Un marché aux applications multiplesLes champs d’application sont vastes. Dans la restauration, la lyophilisation permettrait de lutter contre le gaspillage alimentaire : plats invendus, ingrédients en surplus ou non calibrés pourraient être transformés et stockés à température ambiante, avant d’être réutilisés. Elle ouvre aussi des possibilités créatives : poudre d’huîtres, fruits croustillants, sauces concentrées. Au-delà de la gastronomie, les débouchés foisonnent : agroalimentaire, cosmétique, CBD et pharmaceutique, ou encore le marché du « survivalisme » et du trekking, où la légèreté et la longévité des aliments sont des atouts clés. Même les bonbons lyophilisés, devenus viraux sur les réseaux sociaux, s’invitent dans leur catalogue. « Aux États-Unis, certains entrepreneurs achètent 100.000 euros de Skittles par mois, les lyophilisent et les revendent sous leur propre marque », sourit Sébastien Subtil.Lire également : Léa Nature accélère sa croissance externe et devient majoritaire chez Berdoues Parfums & CosmétiquesSushi Robots n’entend pas rester simple distributeur. Aujourd’hui multi-marques, l’entreprise souhaite développer à terme son propre modèle de lyophilisateur, en partenariat avec un fabricant. Les prix varient fortement : 7.000 à 25.000 euros pour les petites machines professionnelles (restaurateurs, primeurs), et jusqu’à 1 million d’euros pour les modèles industriels capables de traiter 500 kg/jour de produits frais. Un marché encore embryonnaire en France, mais déjà en pleine effervescence : Sushi Robots reçoit des demandes de toute l’Europe (Belgique, Suisse, Italie, Espagne, Pays-Bas) et même d’Amérique du Sud.RSE et sobriété alimentaire en ligne de mireL’argument économique s’accompagne d’une forte dimension environnementale et RSE. La lyophilisation permet de réduire drastiquement le gaspillage, de limiter les émissions de méthane liées aux déchets organiques, et de consommer moins d’énergie que la conservation au froid, puisque les produits se stockent à température ambiante. À terme, Sushi Robots rêve d’installer des points d’accès à la lyophilisation dans les communes ou les cuisines centrales : des sortes de « mini-déchetteries alimentaires » où restaurateurs et collectivités pourraient venir transformer leurs invendus plutôt que de les jeter.Lire également : Sushi Robots se lance dans de nouvelles activitésPour l’instant, la priorité reste la pédagogie. La société mise sur les réseaux sociaux, avec des vidéos didactiques montrant la transformation de bananes, kiwis ou carambars, et accompagne ses clients dans la prise en main des machines. « La lyophilisation est un procédé long et délicat, qui nécessite un vrai apprentissage. Mais les bénéfices sont énormes », insiste Alice Touchais, convaincue d’avoir mis la main sur un marché d’avenir. Après avoir conquis le Japon, Sushi Robots semble bel et bien prête à partir à la conquête de l’espace — et à réinventer notre façon de consommer.

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