Usine Magna à Blanquefort : les syndicats mobilisés contre le rachat par l’allemand Mutares - Premium
À Blanquefort, l'usine de Magna jouxte l'ancien complexe industriel de Ford, qui accueillera bientôt l'usine d'Hydrogène de France (HDF) - photo AL
Les élus du CSE de l’usine Magna, à Blanquefort, dénoncent une forme d’irrégularité « concernant l’information consultation du projet de cession » à l’allemand Mutares. Outre le délais pour rendre leur avis, qu’ils jugent trop court, ils pointent « des éléments surprenants » dans cette offre de rachat. Comme le loyer annuel qu’ils devraient verser à une société civile immobilière, dont l’actionnaire est Mutares.
Ils étaient une cinquantaine, salariés et syndicalistes de l’usine Magna (Blanquefort), rassemblés lundi 28 novembre devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. Tous s’étaient donné rendez-vous pour soutenir le comité social et économique (CSE) de l’usine, qui a saisi la justice pour « absence d’information et de consultation concernant le processus de recherche de repreneurs », et pour « irrégularité concernant l’information consultation du projet de cession de l’entreprise à Mutares ». En septembre, l’allemand Mutares avait dévoilé une « offre irrévocable » d’achat faite au canadien Magna, à peine un an après le rachat de l’usine par ce dernier, à Getrag Ford Transmissions (GFT).
« Magna aurait dû faire une offre à plusieurs entreprises, mais on nous a imposé Mutares, qui est un fonds de retournement », fustige Vincent Teyssoneau, délégué syndical CGT Magna. Le groupe est spécialisé dans le redressement d’entreprises en difficulté, et indiquait, après l’annonce de son offre de rachat, que le site de Blanquefort compléterait son segment Automobile & Mobilité, créé via plusieurs opérations de croissance externe, menées en Europe depuis trois ans. Le site de Blanquefort emploie plus de 700 salariés, pour un chiffre d’affaires annuel de 200 millions d’euros ; qui repose sur la production de boîtes de vitesses manuelles (MX65) pour son principal client : le constructeur automobile Ford.
Un rapport qui ne passe pas
Suite à cette annonce, le CSE de Magna avait désigné, à l’unanimité, un cabinet d’expertise indépendant pour les « accompagner dans ce projet de cession ». Et dans un récent communiqué, diffusé sur ses réseaux sociaux, le CSE affirme avoir découvert « des éléments surprenants ». Notamment, la vente du terrain à une société civile immobilière, dont l’actionnaire est Mutares. « On sera obligé de payer un loyer tous les mois », s’énerve Vincent Teyssoneau. Le loyer annuel pourrait aller de 3 à 6 millions d’euros par an, selon le rapport. Autre sujet évoqué, les 78 millions d’euros provisionnés en cas de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), dont la moitié pourrait être récupérée par Mutares, « s’ils ne se servent pas de tout », poursuit le délégué syndical. « On a fait appel à ce cabinet indépendant pour y voir plus clair, mais il nous manque beaucoup de documents encore… Ce qu’on a pu voir, c’est qu’ils [NDLR, Mutares] sont là pour détourner de l’argent légalement. Il n’y a aucun projet de signé, aucune étude de lancée. »
Suspens jusqu'au 12 décembre
Ce que dénonçait aussi le comité social et économique de Magna, c’était le délai restreint qui lui était imposé pour rendre son avis sur l’offre de reprise. « Nous avons été informés de l’offre le 29 septembre, et le cabinet d’expertise nous a remis son rapport le 25 novembre, recontextualise Vincent Teyssoneau. On nous demandait de rendre un avis le 30 novembre… C’est impossible d’éplucher un document de 130 pages en si peu de temps. » Après deux heures d’audience, le tribunal judiciaire de Bordeaux a finalement annoncé qu’il rendra sa décision le 12 décembre prochain. Une « victoire », pour le délégué syndical : « Soit le tribunal dira que le CSE a raison, et nous donnera un délai supplémentaire pour rendre notre avis, soit il dira qu’on a tort, et dans ce cas ce sera un avis négatif de la part du CSE. Nous espérons évidemment que le tribunal tranchera en notre faveur, et nous donnera la possibilité de rendre notre avis en 2023, car la vente doit obligatoirement se faire au 31 décembre 2022... Or, pour qu'elle aboutisse, il faut l’avis du CSE. On pense que la vente se ferait quand même, mais on passerait sur deux exercices comptables donc ça leur ajouterait du travail », conclut Vincent Teyssoneau.
