Réemploi et recyclage des panneaux solaires : un site de pointe à Saint-Loubès - Premium
Venue du Japon, cette machine unique en Europe sépare les différentes couches du panneau solaire pour en extraire les composants clé, qui seront ensuite traités par électrochimie en Isère - photo AL
Envie et Soren ont inauguré jeudi à Saint-Loubès un centre technique dédié à la seconde vie des panneaux photovoltaïques. Doté d’un équipement technique de pointe, il revendique une double approche innovante, centrée à la fois sur le réemploi des panneaux solaires et sur leur recyclage, grâce à une machine de délamination unique en Europe.
Longtemps consacré au démantèlement de TV à tubes cathodiques, le site Envie de Saint-Loubès était à l’arrêt depuis trois ans. Jeudi, il a vibré d’une effervescence nouvelle, à l’occasion de l’inauguration du premier centre français dédié à la fois au réemploi et au recyclage des panneaux solaires. « Avec ce site, c’est toute la filière photovoltaïque française qui prend une longueur d’avance. Nous amenons sur le territoire deux innovations, avec une chaîne industrielle de contrôle et de remise en service des panneaux solaires, mais aussi une chaîne de délamination, alternative au broyage, qui va permettre de venir racler les panneaux pour en récupérer les métaux », résume Frédéric Seguin, directeur général d’Envie 2E Aquitaine, l’une des antennes régionales de ce réseau de l’économie sociale et solidaire, spécialisée dans le traitement des déchets électroniques.
Réemployer avant de recycler
À Saint-Loubès, Envie estime pouvoir traiter à terme de 3.000 à 4.000 tonnes de panneaux solaires par an, avec l’objectif de revendre au moins 5% de ce volume en seconde main. Sous réserve de n’avoir été ni brisés, ni fissurés, tous les panneaux commencent par passer sur la ligne de contrôle, après avoir été désencadrés de leur structure en aluminium. Plusieurs tests y sont menés pour vérifier non seulement leur bon fonctionnement de l’appareil, mais surtout leur puissance, censée diminuer au fil du temps, de l’usure des cellules et de l’exposition aux intempéries. « On part du principe qu’un panneau solaire est fait pour durer 20 ans, avec une perte de puissance de l’ordre de 1% par an, mais on teste parfois des panneaux anciens qui n’ont perdu que quelques dixièmes de pourcents de leur puissance initiale », remarque Xavier Daval, président de SER-Soler, la branche solaire du Syndicat des énergies renouvelables (SER).
Un premier banc de test, ici présenté par Frédéric Seguin, fait appel à des caméras thermiques pour repérer d'éventuelles ruptures dans un panneau mis sous tension
Pour les panneaux recalés, direction la machine de délamination : une ligne capable de venir au plus près des composants cœur du panneau solaire pour les séparer des panneaux de verre et du polymère dans lequel ils sont encapsulés, sans détériorer ces derniers. Principale cible de l’opération : le silicium de la cellule photovoltaïque et les fils d’argent qui servent aux liaisons électriques internes. « Ces deux métaux constituent 60% de la valeur entrante d’un panneau solaire. L’argent à lui seul compte pour 20% de la valeur, alors qu’il ne représente que 0,08% du poids total », illustre Nicolas Defrenne, directeur général de Soren, l’éco-organisme agréé par les pouvoirs publics pour la collecte et le traitement des panneaux photovoltaïques usagés en France. Cette ligne de délamination est présentée comme une première non seulement française, mais européenne, sur un marché du recyclage qui se limitait jusqu’ici au broyage. La machine, venue du Japon, coûte à elle seule 1 million d’euros. Elle doit permettre d’atteindre un taux de recyclage de l’ordre de 95% sur l’ensemble des composants d’un panneau.
Le premier centre d'une longue série ?
En sortie, les laminés qui contiennent les métaux clés du panneau solaire seront expédiés vers l’usine, en cours de construction, de Rosy Solar en Isère. Fondée en 2017 par deux chercheurs, cette startup a élaboré les technologies qui permettront de séparer les différents composés de la cellule photovoltaïque pour isoler des métaux purs, susceptibles d’être revendus sur le marché. « C’est l’un des grands enjeux de la transition énergétique. On passe de l’âge du fossile, où l’on consomme de la ressource, à l’âge des métaux, dans lequel on mobilise de la ressource, avec la possibilité d’en faire autre chose en fin de cycle », estime Nicolas Defrenne, pour qui ce premier centre doit devenir le premier d’une longue série, de façon à répondre aux enjeux de recyclage des panneaux solaires installés sur le territoire depuis les années 90. « On estime qu’il faudra traiter 150.000 tonnes de panneaux d’ici 2030 », ajoute-t-il.
A l'extérieur du centre, 20 000 panneaux solaires déjà désencadrés attendent d'être testés, puis éventuellement recyclés
Le site de Saint-Loubès devrait quant à lui prendre son rythme de croisière d’ici quelques semaines, le temps que les ingénieurs japonais venus en Gironde pour assurer la mise en œuvre de la délamineuse procèdent aux derniers ajustements. Les opérations y seront assurées par une équipe de 25 personnes tournant en trois-huit, avec un effectif principalement féminin. Le projet représente un investissement total de 2 millions d’euros, porté principalement par Envie, avec le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine (400.000 euros), de l’Ademe et de l’Etat (100.000 euros chacun).
