Dionymer va lever des fonds pour ses polymères biodégradables - Premium
Antoine Brège, Guillaume Charbonnier et Thomas Hennebel, cofondateurs de la startup. Crédits : Dionymer
Dionymer, startup implantée à Bordeaux, développe une solution utilisant des biodéchets pour produire des polymères biodégradables. Une alternative à l’utilisation de pétrole, dont la pré-industrialisation est prévue en 2024. Deux levées de fonds seront nécessaires, dont la première dès la fin de l’année.
Transformer des biodéchets en polymères à haute valeur ajoutée. Telle est la solution à laquelle s’attellent, depuis octobre 2021, les trois fondateurs de la startup Dionymer. Thomas Hennebel, Antoine Brège et Guillaume Charbonnier se sont rencontrés à l’école de chimie de Bordeaux, L’ENSCBP. « Après nos études je suis parti à Paris, pour évoluer dans le conseil en stratégie et management, mais Antoine et Guillaume sont restés dans le secteur de la chimie et en particulier des polymères, présente Thomas Hennebel. On a souvent discuté ensemble de l'envie de lancer quelque chose, et il s’avère qu’on est passionné de biomimétisme. » En clair, ils partent du principe, « réel », que la nature, avec ses milliards d’années d’expérience, fait les choses mieux que les humains. Alors, le trio s’est demandé comment cette nature s’y prenait pour fabriquer des polymères, sans utiliser de pétrole. « Quand on vulgarise ce terme, polymère, on le résume souvent en disant que c’est du plastique. En fait, cela désigne tous les matériaux organiques, en opposition aux matériaux inorganiques que sont les minerais par exemple. Et souvent, ces polymères sont dérivés du pétrole, utilisés pour les colles, les textiles, les encres, les cosmétiques… »
En menant des recherches, les chimistes se penchent sur un certain type de polymère : le polyhydroxyalcanoate, appelé PHA. Ce dernier est produit par certaines bactéries, présentes dans la nature, qui consomment la matière organique autour d’elles et accumule de la graisse dans leurs cellules. « Cette graisse, la base du plastique », complète Thomas Hennebel. Ce procédé est connu depuis quelques années, et les fondateurs de Dionymer se demandent s’ils ne pourraient pas produire des PHA dans une démarche d’économie circulaire.
Une POC réussie
Depuis le début de l’année 2022, la startup est hébergée au sein de l’école de chimie, mais aussi dans les locaux de l’ENSTBB, l’École Nationale Supérieure de technologies des biomolécules de Bordeaux. « On s’est mis à construire une technologie qui utiliserait des biodéchets pour faire pousser des bactéries, puis en extraire le plastique », développe le cofondateur. Et en quelques mois, Dionymer a pu réaliser une preuve de concept de sa solution, grâce à un soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine (40.000 euros) et de la SATT Aquitaine Science Transfert (20.000 euros). Dans un volume de 500 mL de déchets et d’eau, l’équipe a produit quelques grammes de polymère. Aujourd’hui, elle entame une montée à échelle, en travaillant sur des volumes de 2 litres. « L’idée, d’ici 2023, c’est de pouvoir passer sur une dizaine de litres, et produire quelques centaines de grammes, voire un kilo. Avec l’ambition d’avoir un pilote préindustriel d’un mètre cube d’ici la fin 2024 », affirme notre interlocuteur.
Pour s’assurer un approvisionnement stable en biodéchets, la jeune société s’appuie sur des partenariats. Avec la distillerie vinicole Douance, qui récupère les déchets industriels viticoles à Bordeaux, et avec Bicycompost, startup spécialisée dans la collecte de biodéchets. « Nous n’avons pas des besoins énormes pour le moment. Mais nous réfléchissons dès maintenant à la suite, à plusieurs stratégies envisageables. Pourquoi pas une collecte centralisée, en s’installant près de méthaniseurs ou de coopératives agricoles par exemple ; ou des unités de production décentralisées, sur des sites agroindustriels plus petits… Notre choix n’est pas encore arrêté », précise Thomas Hennebel.
La matière produite par Dionymer est de la poudre blanche, transformable et biodégradable. Crédits : Dionymer
Lever des fonds dès 2022
Une fois sa solution industrialisée, Dionymer vise un rendement de 10%, c’est-à-dire obtenir 1 tonne de polymères pour 10 tonnes de biodéchets. Le produit final sera sous la forme d’une poudre blanche, du bioplastique, qui aura un certain nombre d’applications. De façon brute, il pourra être fondu et utilisé dans la plasturgie, dans l’impression 3D ou pour des packagings solides. Mais aussi, dans le textile ou les cosmétiques. « Le grand public ne le sait pas forcément, mais dans toutes les formulations cosmétiques, il y a des polymères utilisés pour donner de la viscosité au produit. Donc les industriels du secteur sont très intéressés, ce sont nos principaux prospects aujourd’hui, se réjouit Thomas Hennebel. Car notre PHA est biodégradable. » Mieux, ces industriels seraient intéressés pour utiliser leurs propres déchets dans la fabrication de polymères. Un modèle « idéal, pour boucler la boucle », souligne le cofondateur.
Mais pour cela, l’entreprise a besoin de financements. D’ici la fin de l’année, elle bouclera une première levée de fonds de 300.000 à 400.000 euros, pour « atteindre certains jalons stratégiques et technologiques ». Ensuite, en 2024, Dionymer tentera de boucler un second tour de table, de l’ordre de 2 à 3 millions d’euros pour financer son pilote préindustriel. « On va vite, mais on a un projet qui est dans l’air du temps, qui correspond aux enjeux sociétaux et industriels actuels. Nous avons une technologie qui fonctionne, tous les voyants sont au vert de notre côté pour l’industrialiser. » En attendant, dès l’année prochaine, la startup commencera à enclencher des pré-commandes de son produit. Ses premiers clients pourront financer une phase de R&D adaptée à leurs biodéchets et demandes. De quoi générer, pour Dionymer, un premier chiffre d’affaires.
Dionymer
Basée à Bordeaux
3 fondateurs
