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Biotech : enjeu d’industrialisation pour Kapsera et sa techno de micro-encapsulation - Premium

Demain
vendredi 17 novembre 2023

La biotech girondine est capable de produire avec une extrême régularité des micro-sphères dont la taille varie d'une centaine de micromètres à quelques millimètres. Crédit : Kapsera

Kapsera se prépare à créer à Bordeaux les premières unités pilotes mettant en œuvre sa technologie de micro-encapsulation. Celle-ci s’adresse aux sociétés et grands groupes développant des ingrédients naturels actifs, pour l’agriculture mais aussi l’alimentation animale ou humaine. Des marchés dynamiques où la montée en puissance industrielle sera capitale. La jeune pousse ne doit pas perdre de temps.

De l’extérieur, nichés au cœur de la vieillissante zone industrielle de Bordeaux Nord, les locaux ne paient pas de mine et n’inspirent pas vraiment l’ultra-modernité scientifique. A l’intérieur, l’espace de près de 1.000 m² où phosphorent une petite vingtaine de cerveaux dispose encore de vastes zones où, bientôt, se déploieront les premières unités industrielles pilotes, porteuses de la très prometteuse technologie développée par Kapsera. Fondée à Paris tout début 2018, ayant déménagé son siège et ses forces vives sur les rives de la Garonne en mars 2022, celle-ci compte parmi ses fondateurs et actionnaires le physicien Jérôme Bibette. C’est lui qui, au début des années 2000, aidait Thierry Marx dans la maîtrise de la sphérification, adaptation à la gastronomie du principe de micro-encapsulation : des petites billes avec un cœur liquide contenu dans une fine paroi gélifiée.

« Nous travaillons pour des sociétés qui développent des ingrédients actifs, naturels en général, et donc fragiles, biodégradables. Elles veulent un moyen de stabiliser et protéger cet ingrédient et de le préparer aux conditions de sa diffusion », explique Antoine Drevelle, cofondateur et président de la startup. « Ces principes actifs sont destinés à être appliqués sur des êtres vivants », ajoute-t-il, évoquant les nutritions animales ou humaines, l’agriculture, mais aussi des débouchés qui commencent à émerger vers la cosmétique. Le savoir-faire de Kapsera tient donc dans sa capacité à recouvrir des micro-gouttelettes de molécules d’intérêt (un probiotique, un extrait de plantes, une phéromone pour lutter contre des insectes, un biofertilisant ou biostimulant…) avec de l’alginate liquide et de les immerger immédiatement dans une solution au calcium, ce qui provoque la gélification. Et surtout de le faire à un rythme industriel !

Brevets or not brevets ?

Pour cela, Kapsera développe des injecteurs maison. « Leur qualité, c’est le cœur de notre techno, ils sont la clef », tranche Antoine Drevelle, qui évoque pour ses injecteurs une capacité « à haut débit, plus d’un litre par heure. Dans l’industrie classique, c’est petit, mais en microfluidique c’est énorme ». La jeune pousse a d’ailleurs déjà réalisé de sérieux progrès en la matière mais, si elle pense pouvoir encore faire mieux, sera tout ou tard limitée par des contraintes physiques incontournables. Reste qu’elle dispose désormais d’injecteurs fiables et de capacités significatives. « Un avantage compétitif qu’on a sur tout le monde »… qu’elle a choisi de ne pas breveter ! « Si on le décrit et qu’on le publie dans un brevet, ça voudrait dire qu’au bout de 18 mois tout le monde a accès à l’information », explique le dirigeant, qui préfère conserver ce secret telle la recette du Coca Cola et a établi des process de fabrication qui font appel à trois sous-traitants différents (chacun une partie de l’injecteur), aucun n’ayant accès à l’entièreté de l’information.

En revanche, Kapsera développe des trésors d’ingénierie et de matière grise pour adapter au cas par cas de nombreux paramètres, dont le diamètre des micro-billes, l’épaisseur de la coque gélifiée… qui vont dépendre du milieu dans lequel sera utilisé le produit et conditionner une partie de l’efficacité de la molécule, ou la protégeant de l’environnement ou en contrôlant sa libération. Des travaux facturés en partie aux clients, générant environ 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires depuis la création de la SAS et qui, eux, donnent lieu à de précieux dépôts de brevet. « Des brevets forts, car ce sont des brevets de composition, souligne le président, également biochimiste, et donc indépendamment de la manière dont on obtient la capsule, il suffira d’analyser le produit vendu par le concurrent, c’est facile, à la différence des brevets de procédés, qui relèvent du secret des usines. »

Passer du laboratoire à l’usine

« On a un plan d’affaires qui est ambitieux et notre stratégie, c’est de devenir des industriels. Donc notre développement en termes de chiffres d’affaires reposera sur deux choses. D’un côté signer des contrats d’encapsulation avec des acteurs ayant des ingrédients actifs et qui ont accès au marché. Et, en face, implémenter la capacité industrielle nécessaire. Le chiffre d’affaires sera directement proportionnel à notre capacité industrielle, car les marchés sont extrêmement dynamiques », résume le président. Kapsera se prépare à mettre en œuvre deux premières unités pilotes, faisant chacune fonctionner 30 injecteurs en parallèle. L’une pour des capsules à cœur aqueux et l’autre pour des cœurs huileux, en fonction des molécules à enrober. Chaque unité aura une capacité initiale de 30 tonnes par an, en tournant dix heures par jour et cinq jours par semaine. Manière de former les équipes et de tester les process en conditions réelles, avant une première montée « à des cadences plus industrielles » jusqu’à 70t/an, puis encore une échelle supérieure, 600 tonnes en 2026. Et enfin des premières usines à grandes capacités en 2027-2028. « L’objectif c’est d’avoir plusieurs milliers de tonnes à la fin, car on vise des marchés de volume. L’agriculture c’est énorme, on parle de 10.000 ou 20.000 tonnes par an, ce sont des ingrédients qui vont être appliqués entre 100 grammes et un ou deux kilos par hectare, donc mécaniquement des volumes très importants », déroule Antoine Drevelle.

Le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine vient d’apporter une aide de 200.000 euros pour la création de ces deux unités pilotes. Kapsera espère finir les travaux avant mi-2024, pour une mise en service pendant l’été ou l’automne. « On a des clients potentiels qui nous demandent d’être prêts dès le 3e ou 4e trimestre de l’année prochaine, il faut ne faut pas perdre de temps. » Trois ou quatre personnes devraient être embauchées l’année prochaine (profils ingénieurs et techniciens) et autant en 2025, avec également un poste de responsable de production. Ces deux unités devraient permettre d’aller chercher du chiffre d’affaires récurrent d’environ 1 à 1,5 million par an en fonction des marchés. « On valorise beaucoup mieux les capsules sur de la nutrition humaine, car ce sont des ingrédients à très forte valeur ajoutée. Sur de la fertilisation agricole, c’est très low-cost », mais il y a l’effet volume.

La première grosse usine sera en Nouvelle-Aquitaine

Ayant déjà réalisé un tour de financement d’amorçage au printemps 2019 de 700.000 euros auprès du fonds Agrinnovation de Demeter, la jeune pousse girondine planche très activement au montage d’un nouveau tour de table. Cette série A, dont le montant est pour l’heure tenu confidentiel, devrait être réalisée auprès d’un fonds déjà identifié, qui prendrait le lead sur ce tour et avec lequel des négociations exclusives seraient imminentes. Le fonds régional NACO serait également dans la boucle, ainsi que les précédents investisseurs. L’opération devrait aboutir fin 2023-début 2024 : « on a investi en avance de phase sur la partie industrielle donc il faut aller vite », avertit le dirigeant.

« D’ici fin 2025, l’idée c’est de monter à 30-35 personnes et de rester là où nous sommes. Ça va vraiment accélérer quand on mettra en place l’unité de 600 tonnes, puis les grandes usines, avec 30 à 40 emplois à chaque fois. Pour la première, la route est tracée et c’est une des raisons pour laquelle on est venu ici. Elle sera en Nouvelle-Aquitaine. Les suivantes, ça dépendra de notre déploiement international. En 2026-2027, on sera probablement 100 ou 150 personnes », annonce-t-il. Selon les éléments auxquels nous avons pu accéder, Kapsera se projette sur un chiffre d’affaires potentiel d’une quarantaine de millions en 2026 et le double un an plus tard. « L’objectif c’est d’avoir d’ici 2029 plus d’une quarantaine de produits en marché. On en a déjà une quinzaine en développement aujourd’hui », se projette Antoine Drevelle.

Kapsera
SAS créée le 16 janvier 2018
Siège social : Bordeaux
Effectif : 17 personnes
CA : NC

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