Redressement judiciaire : VoltAero, victime collatérale d’un effet domino industriel - Premium

Le 7 octobre, le tribunal de commerce de La Rochelle a placé VoltAero en redressement judiciaire. La société, fondée en 2017 par Jean Botti, ancien directeur de l’innovation d’Airbus, développe une gamme d’avions hybrides-électriques. Son premier modèle, le Cassio 330, un appareil cinq places fonctionnant sur le principe d’une voiture hybride rechargeable, devait entrer en production à Rochefort. Mais la start-up, et ses 35 salariés, a été rattrapée par une crise de trésorerie imprévue. « On devait finaliser les accords d’investissement en septembre. Après huit mois de négociations, on allait enfin pouvoir respirer. Et puis tout s’est effondré en quelques jours », raconte Jean Botti.Un effet domino financierÀ l’origine de cette chute, la défaillance d’un investisseur clé. VoltAero devait boucler un accord de financement avec deux partenaires : le groupe français ACI, spécialisé dans l’ingénierie industrielle, et SEDC Energy, une entité publique du gouvernement malaisien du Sarawak dédiée aux énergies nouvelles. Chacun devait injecter cinq millions d’euros, une somme suffisante pour lancer la production et déclencher, par effet levier, des aides publiques conditionnées à un cofinancement privé. Mais mi-septembre, ACI a elle-même été placée en redressement judiciaire, sans que VoltAero n’en soit informée. « Je l’ai appris par la presse, alors que c’était déjà le cas depuis le 16 septembre. C’est ubuesque. Nous sommes des victimes collatérales », déplore le dirigeant.Lire également : VoltAero au coeur d'un contrat tripartite avec ACI Group et SEDCLa mise en redressement d’ACI mi-septembre a fait dérailler le calendrier : le fonds du Sarawak n’avait pas encore signé le term sheet mais devrait le faire sous peu. Privée de ces investissements, VoltAero n’a plus pu faire face à ses échéances. « Je supportais seul le pont financier entre l’arrivée des fonds et le paiement des salaires. Il a fallu se mettre sous protection du tribunal, non pas à cause d’une mauvaise gestion, mais pour protéger les employés », explique Jean Botti.Une startup industrielle fragiliséeCette situation met en lumière la vulnérabilité structurelle des jeunes sociétés industrielles tricolores, particulièrement dans les technologies de rupture. Contrairement aux startups du numérique, les projets de l’aéronautique verte nécessitent des capitaux lourds, des délais longs et des garanties multiples. « Les startups industrielles ne sont pas bien établies, et il est très difficile d’attirer des investisseurs privés. Ce n’est pas comme aux États-Unis ou en Asie » analyse Jean Botti. Il pointe aussi la rigidité du modèle européen : « Pour chaque euro d’argent public, il faut un euro privé. C’est une règle très défavorable pour les petites structures comme la nôtre. »Lire également : Salon du Bourget, VoltAero prend son essor VoltAero avait pourtant réussi à s’inscrire dans plusieurs dispositifs publics - France 2030, fonds FEDER, programmes régionaux - mais ces soutiens restaient conditionnés à la participation d’acteurs privés. Résultat : « L’État a de bonnes idées, il veut relancer l’industrie. Mais ce qui manque, c’est la relation entre le public et le privé pour activer les bons leviers. »Une technologie prometteuse toujours sur les rails Malgré la tempête, VoltAero garde espoir : « On certifie un avion, on est en phase finale. Ce n’est pas fini, il faut juste retrouver des investisseurs. » VoltAero dispose d’un mois de période d’observation avant que le tribunal ne statue à nouveau sur sa situation. D’ici là, le PDG dit avoir déjà été contacté par de nouveaux partenaires, et espère signer de nouveaux investisseurs. L’objectif reste fixé à fin 2027, avec déjà 250 précommandes enregistrées. Derrière le cas VoltAero, c’est tout un pan de l’innovation aéronautique française qui vacille. Les acteurs du secteur plaident pour un meilleur ancrage industriel et un accès plus souple au financement privé. Jean Botti, lui, en fait une question de souveraineté : « Je veux garder VoltAero en France. Sécuriser et développer notre industrie ici, c’est essentiel. Il faut éviter qu’une société comme la nôtre soit reprise par des étrangers. »

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