RSE et océans : « Il faut reconnecter les entreprises au vivant » - Premium

« Toutes les entreprises ont un lien avec l’océan, qu’elles en aient conscience ou non. » Le ton est direct, presque alarmé. En quelques années, Véronique Alaton a fait de la protection de l’océan son cheval de bataille. Sa structure, Action Océan, propose ateliers de sensibilisation, fresques pédagogiques et accompagnement RSE sur mesure. Son objectif : reconnecter les entreprises à ce vaste système vivant, dont dépend en grande partie leur activité. Si les entreprises ont largement intégré les enjeux carbone, la dimension « eau et biodiversité » reste le parent pauvre des stratégies RSE. « Les fleuves vont à la mer : tout ce que l’on fait sur terre finit par rejoindre l’océan », rappelle-t-elle. Pollution plastique, rejets chimiques, destruction des habitats littoraux… autant de pressions sur le milieu marin dont les impacts économiques restent souvent invisibles. Les épisodes de sécheresses et d’inondations commencent toutefois à éveiller les consciences : « Les entreprises voient désormais l’eau comme une ressource fragile et stratégique. »Des leviers concrets existentCertaines pratiques ont déjà fait leurs preuves : réduction du plastique, réutilisation et mise en circuit fermé de l’eau dans les process industriels, limitation des rejets d’eaux usées, choix de transports maritimes moins carbonés… « L’océan est un puits de carbone : toute baisse d’émissions de gaz à effet de serre agit positivement sur lui », insiste Véronique Alaton. Dans la viticulture, notamment en Cognac, certaines maisons réduisent leur consommation d’eau ; dans le tourisme, des groupes comme Club Med ou Ponant se sont engagés via l’association Respect Océan, dont elle fait partie, à limiter leur impact sur la biodiversité. Même les banques commencent à s’y intéresser : la Société Générale a ainsi formé ses équipes à l’analyse de l’empreinte océanique des projets qu’elles financent. D’autres secteurs s’y mettent aussi, de l’industrie cosmétique - qui développe des crèmes solaires sans effets toxiques sur les coraux - aux fabricants de matériel sportif, qui conçoivent désormais des combinaisons de plongée et des planches en matériaux recyclés. Une approche systémique indispensableMais ces bonnes pratiques restent éparses. « Ce qui ne fonctionne pas, ce sont les actions ponctuelles, déconnectées du reste. » Car préserver l’océan suppose une approche globale : intégrer l’eau, la biodiversité et le carbone dans toute décision, de la conception à la fin de vie d’un produit. Une logique encore rare : « Beaucoup d’entreprises pensent ne pas être concernées. Mais toutes utilisent de l’eau, de l’énergie, des transports, et dépendent d’une biodiversité en bonne santé. »Cette méconnaissance, plus que le coût ou la réglementation, constitue selon elle le principal frein. Et freine d’autant plus les PME, souvent démunies : « Elles peuvent commencer petit, en sensibilisant leurs équipes, en communiquant sur leurs premières actions, en s’appuyant sur des ONG ou des associations. » Pour ces structures, souvent sans service RSE, elle recommande de choisir une action simple et concrète - limiter les plastiques à usage unique, recycler l’eau, revoir l’emballage d’un produit - puis d’en mesurer les effets pour progresser pas à pas, sans interrompre l’activité.De contrainte à levier de compétitivitéAu-delà de l’enjeu environnemental, la protection de l’océan peut devenir un avantage concurrentiel. « Ces démarches réduisent les risques : opérationnels quand les matières premières se raréfient ; financiers, face à des investisseurs plus attentifs ; réglementaires, avec des lois qui se durcissent ; et commerciaux, car les consommateurs exigent des produits écoresponsables. » À condition d’adopter une véritable stratégie : évaluer ses dépendances à l’océan (eau, biodiversité), mesurer ses impacts, identifier ses parties prenantes, analyser le cycle de vie de ses produits, puis décider des actions prioritaires. Quitte, parfois, à renoncer à un produit trop impactant.L’enjeu est vital : l’océan fournit 50% de l’oxygène que nous respirons, régule le climat et abrite une biodiversité qui s’effondre. Acidification, pollution plastique et chimique, hausse des températures, destruction des habitats littoraux… « L’océan est en très mauvais état, alerte Véronique Alaton. Notre survie en dépend. » Elle plaide pour un sursaut collectif : « On protège ce qu’on connaît. Il faut reconnecter les entreprises à l’océan. »

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