Placéco Béarn, le média qui fait rayonner l’écosystème

Votre édition locale

Découvrez toute l’actualité autour de chez vous

Être dirigeant dans le monde d'après

Opinion
jeudi 30 septembre 2021

Jean-Michel Philippon, executive coach au sein du cabinet Praesta France, met à profit la rubrique Opinion réservée aux adhérents Placéco pour partager ses vues sur la façon dont la crise a transformé le rôle du dirigeant. 

L’année 2020 fut l’année du choc de la pandémie, pour tous et dans tous les domaines d’activité. Aucune personne et aucune entreprise n’a pu rester en dehors de cette tempête mondiale. Nous avons tous été touchés, en majorité négativement mais aussi positivement pour quelques-uns. Cette tempête a eu subitement et de manière totalement imprévisible de nombreuses conséquences fortes et inédites dans nos différents écosystèmes de vie, personnelle et professionnelle.

Elle a eu aussi cette particularité d’impacter en même temps les personnes, dans leur santé physique et psychique, ainsi que les périmètres de vie du quotidien, tels que la famille, les amis, les relations et le travail. Les dirigeants ont eux aussi été atteints à plusieurs titres.

Tout d’abord en tant que personne physique avec les risques pour leur propre santé physique et psychique et les contraintes liées aux confinements et aux diverses restrictions. Ensuite en tant que dirigeant d’un écosystème de personnes travaillant régulièrement ensemble, et donc toutes soumises aux mêmes risques pour leur santé. Enfin, en tant que responsable de la bonne gestion de l’entreprise en tant qu’entité économique et sociale.

En 2020, les dirigeants ont donc dû, de manière concomitante, gérer ces trois niveaux distincts : l’impact sur leur propre personne, sur les personnes de leur entreprise et enfin sur la structure même de leur entreprise. Craintes et angoisses pour soi, pour les autres et pour l’écosystème, furent le lot du quotidien des dirigeants depuis le début de la pandémie. A chacun de ces différents niveaux, en 2020, les dirigeants ont dû prendre des décisions qu’ils n’avaient jamais prises, dans un contexte qu’ils n’avaient jamais connu et tout cela, en n’ayant ni les bonnes informations ni le temps suffisant pour bien les prendre. Et pourtant ils les ont prises ! Ils les ont prises car n’en prendre aucune aurait été une prise de risque inconcevable et totalement mortifère.

Selon leur personnalité, certains dirigeants ont sauvé les meubles et d’autres ont saisi des opportunités de changer pour s’adapter ou innover. En tous cas, tous ont dû faire face à la vague. Certains sont passé par-dessous en retenant leur souffle et d’autres sont passé dessus en surfant et en essayant de trouver l’équilibre. Quelque soit le cas, aujourd’hui, je peux affirmer qu’ils sont tous « trempés »…

2020 : l’urgence des réponses

En 2020 la priorité des dirigeants a été de « répondre ». Répondre à tout ce qui arrivait et qui n’était pas planifié. Répondre à l’urgence, à la sécurité de tous et aux nouvelles normes du travail à distance. Répondre pour garder les liens dans les équipes, garder les liens avec les clients et les fournisseurs, eux aussi fragilisés. Répondre à l’inconnu de manière instinctive plutôt que par le biais d’un raisonnement assuré et d’une stratégie solide. Ce que je peux dire, c’est que tous ont répondu. Certes, chacun d’une manière différente, peut-être pas toujours la plus efficiente. Mais peut-on vraiment blâmer ceux qui ont fait des erreurs de jugement ou d’interprétation ? Sincèrement je ne le pense pas, tellement la situation était inédite et les informations contradictoires.

Dans l’impossibilité de prévoir, les dirigeants ont vu leurs responsabilités prendre la forme de tactiques de guérilla avec tout le lot de prises de risques et d’aléas qui les accompagne. Durant 2020, la stratégie, qui n’en était pas une, a été de répondre simplement à l’urgence de trouver les bonnes réponses à très courts termes ou du moins les moins mauvaises. Selon l’homme politique français Emile de Girardin « Diriger c’est prévoir et ne rien prévoir c’est courir à sa perte ». Un dirigeant ne peut diriger trop longtemps sans prévoir, s’il ne veut pas mener son entreprise à sa perte.

Dans ces années 2021 et suivantes, les dirigeants vont de nouveau être dans l’obligation de prévoir pour reprendre leurs pleines et entières responsabilités afin de servir leur écosystème et de le faire grandir pour le bien commun.

L’importance des questions

La tempête n’est pas encore terminée, loin de là, mais elle n’est plus inconnue. La pandémie a perdu deux de ses principaux fléaux : son aspect subit et son caractère inédit. Aujourd’hui, l’effet de sidération est passé et nous avons tous appris de nos propres expériences, de nos propres réussites comme de nos échecs. Ce retour à une forme de maitrise, si l’on peut dire, permet à nos dirigeants de se « pauser » et de se « poser ».

De se « pauser » en faisant une pause, en s’arrêtant de répondre à l’urgence, puisque cette dernière semble relativement maitrisée. Cette pause, les dirigeants vont pouvoir la mettre au service de leur recentrage sur ce qu’ils souhaitent vraiment, sur l’essentiel de leur mission. Ils vont pouvoir, après toutes ces secousses, prendre le temps de se réaligner sur leurs vraies valeurs et sur celles qu’ils souhaitent faire vivre dans leur entreprise.

Ensuite, ils leur faudra se poser. Se poser les bonnes questions pour demain, pour eux, pour leurs équipes, leurs collaborateurs et leur organisation toute entière. Nous entendons beaucoup, ici et là, le terme de résilience. A mon avis, nous ne l’entendons pas tous de la même façon et nous ne voyons pas, derrière ce mot, la même signification. A l’origine, la résilience est la capacité que possède une entité quelconque à revenir à son état initial, après avoir subi une situation visant à la transformer voire à la détruire.

La résilience d’un dirigeant d’entreprise ressemblera probablement plus à une métamorphose qu’à un retour à la normalité d’hier. Plus encore qu’à l’ordinaire, il est évident que le monde de demain ne sera plus le même que celui d’hier. Un retour aux mêmes normes, aux mêmes comportements et aux mêmes systèmes de pensées, serait donc inadapté et inefficient.

Le dirigeant doit entrer dans un nouveau paradigme que lui-même devra se construire. Et pour construire son nouveau paradigme dans ce nouveau monde, il doit, dès maintenant se poser les bonnes questions avant d’engager les bonnes actions.

Le dirigeant changera de paradigme :

• Il prendra le temps de se reconnecter aux valeurs qu’il estime essentielles pour lui et ses écosystèmes de vie et dont il s’est peut-être éloigné au fil des ans. « Qu’est-ce qui est essentiel pour moi et que je désire faire naître par mes responsabilités de dirigeant dans ce nouveau monde ? 

• Il écoutera tout ce qui se dit sans préjugés, il sera curieux des mouvements émergents et sera prêt à saisir toutes les opportunités du nouveau monde. « Quels sont mes leviers pour écouter plus attentivement ce que je n’ai pas l’habitude d’entendre et accueillir ce que je n’ai pas assez accueilli jusqu’à maintenant ? »

• Il regardera tout ce qui se passe au-delà de son périmètre habituel et osera aller rencontrer ceux qui avancent comme lui, non pas pour les copier mais pour s’en inspirer. « Comment m’enrichir des expériences des autres pour construire mon propre chemin ? »

• Il prendra soin de lui, physiquement et psychiquement pour mieux prendre soin des autres, mieux les comprendre et mieux répondre à leurs vrais besoins. « Comment me réaligner mentalement, émotionnellement et physiquement pour mieux m’harmoniser au monde extérieur et mieux le servir ? »

• Il fera confiance de manière inconditionnelle aux personnes avec lesquelles il travaille et auxquelles il désire donner de l’autonomie afin que leurs talents puissent s’exprimer pleinement. « Comment lâcher prise sur mes propres peurs à faire confiance, afin de libérer toutes les énergies créatrices d’un bien commun ? »

• Il ressentira ses propres émotions, saura les partager en toute authenticité et ne craindra de parler de sa propre vulnérabilité. « Comment passer d’une image rigide de pouvoir et d’invincibilité à une réalité vivante de proximité et de sincérité ? » Se poser ces grandes questions est essentiel pour les dirigeants, pour qu’ils soient d’authentiques dirigeants, pour qu’ils appartiennent au monde dans lequel ils agissent afin qu’ils deviennent ceux dont les entreprises et le monde de demain ont vraiment besoin.

Pour y réfléchir, les dirigeants auront besoin de sortir de leur solitude limitante et de répondre à une question préalable à toutes les autres : « De quel espace d’échange et d’aide à la réflexion je dispose pour me poser les bonnes questions ? »

Le dirigeant n’est plus seul

Plus que jamais, les dirigeants qui souhaitent de manière volontaire et ambitieuse, s’engager dans un cheminement de réflexion sur leurs responsabilités dans le nouveau monde, se feront accompagner. Ils se feront accompagner car le chemin peut être difficile et parfois très déstabilisant.

Ils se feront accompagner car l’accouchement de nouveaux schémas de pensées et de nouveaux comportements peut être douloureux et décourageant. Peu importe les compétences de l’accompagnateur. Il peut être coach, psychologue, mentor ou sparring partner, pourvu que deux conditions essentielles soient respectées :

Tout d’abord l’accompagnateur ne doit avoir aucun enjeu personnel direct ou indirect dans les questions et les réponses du dirigeant. L’expérience de l’accompagnateur est uniquement au service de l’écoute et de la compréhension du dirigeant, pour mieux marcher à ses côtés. L’accompagnateur n’agit ni en ami, ni en pair, ni en membre de la famille, son rôle est « à part ». L’accompagnateur ne juge pas, il facilite l’avancement.

Ensuite, le dirigeant choisira son accompagnateur en fonction d’un niveau d’alliance relationnelle et de sa capacité à le confronter de manière bienveillante afin de « maximiser » son être profond.

Commentaires - 1
Jean Philippe Guillard - 01/10/2021 09:32
Une belle prise de conscience pour évoluer avec des valeurs nouvelles et enthousiastes