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lundi 25 novembre 2024


« Transmettre, c'est comme passer le flambeau d'une course de relais : chaque génération doit courir sa propre course, mais la clé réside dans la fluidité du passage du témoin. » 8% des PME et ETI françaises sont des entreprises familiales, et 50% d’entre elles seront transmises à horizon 2033. Placéco Béarn est allé à la rencontre de dirigeants béarnais pour savoir comment ceux-ci vivent leur statut d’héritiers. À travers une demi-douzaine de portraits d’hommes et de femmes évoluant dans les secteurs de l’agroalimentaire, des travaux publics... ils évoquent les problématiques auxquelles tous se retrouvent un jour confrontés.

Qu’y a-t-il de singulier dans une société familiale ? « C’est la volonté farouche de mettre les liens du sang au cœur de l’aventure entrepreneuriale, répond le Cercle des Enfants Dirigeants d’Entreprises Familiales (Cedef). Ce choix (…) est la clef de voûte d’un maillage subtil, complexe et exigeant entre les sphères privées et professionnelles. Chacun porte en lui une histoire, des valeurs qui font partie intégrante de la destinée de l’entreprise et qui déterminent sa trajectoire à venir. » Et les dirigeants, assure le Cedef, poursuivent souvent les mêmes objectifs, à savoir : « cultiver ses racines et l’ancrage local », « créer et maintenir des emplois », « promouvoir leur territoire », « soigner le lien avec leurs partenaires et prestataires », et « investir sur le temps long ».

« Je n’arrive pas à prendre la place du patron ! »

La coach professionnelle Marie Gatesoupe anime le Cedef 64 (qui compte actuellement 4 membres, et peut en accueillir jusqu’à 12). Le cercle vise à « construire un réseau de rencontres, d’échanges, d’outils et de savoirs spécifiques pour contribuer, en apportant tout son soutien aux jeunes dirigeants, à la pérennité des entreprises familiales ». Avec un leitmotiv emprunté au Cid de Corneille : « La valeur n’attend pas le nombre des années ». Mais pour les nouvelles générations, se saisir du flambeau entrepreneurial peut s’avérer lourd, voire relever du parcours du combattant. La coach se souvient : « La première dirigeante que j’ai accompagnée était en train de reprendre l’entreprise de transport de son père, il y a dix ans. Elle me disait : "Je n’arrive pas à prendre la place du patron !" Il y avait là visiblement un besoin. »

Fossé générationnel

Ces défis particuliers, c'est par exemple le fossé générationnel, pas forcément infranchissable, mais qui peut se révéler une source de tensions et d’incompréhensions. C’est ce qu’exprime Jean-Baptiste Dupuy, 37 ans, directeur général de l’entreprise familiale de salaisons à Sault-de-Navailles à propos de son oncle Michel Dupuy, 75 ans, président : « Des fois on n’est pas d’accord avec Michel. Mais parce que lui n’a pas d’enfants, malheureusement. Il n’a pas la même vie : il a vécu que pour son entreprise. » Et au-delà d’aspects existentiels, les écarts d’âge ont souvent un impact sur les modalités de travail. C'est ce dont témoigne le commentaire mi-agacé mi-amusé de Muriel Ébérard à propos de son père, à qui elle a succédé à la tête des pompes funèbres Ébérard à Pardies, mais qui est toujours présent dans l’entreprise : « Il ne sait pas où s’allume un ordinateur, et ne veut pas savoir. Il fait tout à la main...»

Par ailleurs, pour un passage de flambeau réussi, la nouvelle génération se doit d’affirmer ses propres choix... tout en restant fidèle à ceux de ses prédécesseurs. Et ce, sans se mettre trop de pression en termes de résultats. Un casse-tête on vous dit ! Illustration avec Marie Michaud, qui a pris la suite de son père à la direction générale de Famille Michaud Apiculteurs, à Gan. Elle confie : « Ce n’est pas facile de passer derrière quelqu’un qui a l’expérience et la réussite. C’est une chance parce qu’on hérite d’une entreprise magnifique, mais le challenge est important pour Julie et moi. On ne souhaite pas qu’il y ait un échec à notre génération. L’objectif c’est d’assurer la pérennité. »

Prendre sa place

Autre thématique incontournable, l’intégration des fils et filles au sein des équipes. Beaucoup sont tombés dans la marmite de l’entreprise familiale quand ils étaient petits. Guy Laborde, par exemple, fils du fondateur du groupe de BTP Laborde, à Oloron : « De toujours je voulais faire comme mon père : conduire les machines, explique-t-il. À 10 ans je conduisais un chargeur. Je ne faisais pas mes devoirs : je partais avec mon père sur les chantiers, ou au garage avec les mécanos. C’était ma passion, j’ai appris sur le tas. »

Point commun récurrent encore : les descendants découvrent et occupent divers postes d’exécution avant de devenir dirigeants, ce qui aide à asseoir leur légitimité auprès des employés. Ce fut le cas pour Joséphine Daniel, PDG du Groupe Daniel spécialisé dans l’extraction et le concassage de granulats : « Je suis passée par tous les postes, rapporte-t-elle. J’ai fait de l’informatique, de la communication, j’ai été commerciale. J’ai produit du béton, à côté de l’agent de fabrication, pour qu’il m’explique. J’ai fait des tirs d’explosifs en gravière… énormément d’années de production, sur le terrain. »

Comment se prennent les décisions stratégiques lorsque plusieurs générations y participent ? Gérer les crises en famille, c'est plus facile ? Quid des démarches de transmission ? Autant de thèmes abordés dans nos portraits-témoignages.

Retrouvez mardi l'épisode 1 - Marie et Julie Michaud : « Avoir sa sœur jumelle dans l’entreprise, c’est vraiment une force »

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