Interdiction de pêche : les professionnels vivent cette décision comme une injustice
Pendant un mois les bateaux de pêche sont interdits dans le golfe de Gascogne. Crédits : Pexels
Pendant un mois, pour protéger les cétacés, la pêche est interdite à tous les navires de plus de huit mètres entre le mercredi 22 janvier et le 20 février. En Nouvelle-Aquitaine, ce sont plusieurs centaines de bateaux qui vont devoir rester à quai. Serge Larzabal, président du comité régional des pêches a répondu à Placéco.
Placéco : L’interdiction de pêche vient d’entrer en vigueur. Pouvez-vous nous préciser quels engins sont concernés ?
Serge Larzabal : Cette interdiction s’applique aux navires utilisant des engins dits « à risque ». Cela comprend l’ensemble des filets fixes, quel que soit leur type, ainsi que le chalut pélagique.
Concrètement, combien de navires sont touchés au Pays basque ? Et en Nouvelle-Aquitaine ?
L’an dernier, dans le 64-40, 45 navires avaient été contraints de s’arrêter. Cette année, on estime que ce chiffre pourrait monter jusqu’à 55 ou 60. Tout dépendra des décisions individuelles des armateurs : certains choisiront de stopper leur activité, d’autres essaieront d’adopter d’autres techniques de pêche autorisées, comme la pêche aux casiers ou à la ligne. Sur l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine, on recense environ 150 navires potentiellement concernés. En 2024, on a eu 112 navires arrêtés sur 189.
Quelles sont les conséquences économiques de cette interdiction pour les professionnels ?
Derrière chaque navire, il y a plusieurs marins et donc plusieurs familles concernées. On estime qu’un bateau de pêche, c’est en moyenne trois à quatre marins à bord. Donc si 150 navires s’arrêtent, c’est autant de familles impactées. Au-delà des chiffres, il y a un ressenti très fort dans la profession : les pêcheurs vivent cette interdiction comme une injustice, avec des conséquences regrettables. Ce sont des décisions de justice portées par certaines ONG sur des lectures de rapports que chacun interprète à sa façon.
Vous considérez donc que cette mesure est inefficace ?
Quand on regarde le rapport du GIEC, effectivement parmi les mesures possibles, il y a l’interdiction, mais ce n’était pas une mesure d’urgence, puisque le même rapport dit que de toute façon la population des petits cétacés est stable depuis 20 ans. En effet, quand on regarde les chiffres, on est environ à 1% de prise accidentelle, qu’il faut évidemment diminuer. On demande à être équipés. Mais pas d’interdiction. On se rend compte que pendant la période de fermeture, les échouages liés à des bateaux de pêches diminuent. Mais dans la même période, il y a eu plus d’échouages de petits cétacés, malgré la fermeture de février 2024. Donc nous ce qu’on demande, c’est « de quoi sont morts les autres » ? Nous pensons qu’au lieu d’interdire brutalement la pêche, il faudrait travailler ensemble sur des solutions alternatives, et tester du matériel pour avoir le moins d’impact possible. Mais pas en imposant une fermeture d’un mois qui est une catastrophe économique. Quand on regarde l’ensemble de la filière et l’impact sur la Criée de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure par exemple, on note une baisse entre 80 et 85% de chiffre d’affaires. Elle a d’ailleurs prévu de supprimer des ventes cette année encore pour diminuer les pertes économiques.
« Il faut mettre en place un plan d’action pour clore ce chapitre qui n’aurait jamais dû être ouvert »
Y a-t-il des indemnisations prévues pour compenser cette fermeture ?
Oui, quand le Conseil d’Etat a ordonné la fermeture, il y avait l’assurance d’une indemnisation des pêcheurs à 100%. C’est toujours en fonction des prises en charge de l’Union européenne. Donc quand on parle de 100%, pour les fileyeurs, c’est 85% de leur chiffre d’affaires habituel sur la période concernée, et les chalutiers à hauteur de 80% sur la même période. Mais ces indemnisations ne couvrent pas la totalité des charges fixes d’un bateau : il y a toujours du carburant à payer, des frais d’entretien, des cotisations sociales… On peut les qualifier de raisonnables. En revanche, ce qui met en difficulté les professionnels, ce sont les délais. L’an dernier, certaines entreprises ont dû attendre entre trois et six mois pour recevoir leur indemnisation. Pour des pêcheurs qui vivent au mois le mois, c’est un vrai danger économique.
Craignez-vous que ces fermetures deviennent récurrentes ?
Il y a des inquiétudes à moyen terme. On sait qu’on s’arrêtera en 2026 aussi. Mais maintenant il faut mettre en place un plan d’action avec des tests de dispositifs, de répulsifs et autres, pour clore ce chapitre qui n’aurait jamais dû être ouvert. Il faut qu’il n’y ait plus d’arrêt en 2027. Il y a quand même une confiance qui s’est rompue, donc il faut la reconstruire, en collaborant, et en nous écoutant. Gérer la pêche dans les tribunaux, ça n’est plus possible.
Cette question écologique est pourtant un sujet de société important. Pensez-vous que la pêche soit devenue une cible facile ?
La protection de l’environnement est évidemment un enjeu majeur, et nous, pêcheurs, sommes les premiers concernés. Nous avons besoin d’une mer d’une qualité excellente pour travailler ! Cela fait 20 ans que nous demandons à ce que les eaux de la côte basque soient considérées comme sensibles aux eutrophisations, ce qui demanderait d’être plus rigoureux notamment autour des nitrates, mais personne n’agit.