Vins de Bordeaux et Bordeaux Supérieur : « la priorité, c’est la régulation de l’offre » - Premium

Comment s’annonce le millésime 2022 ? Il arrive au terme d’une année encore un peu difficile. Elle a commencé par un gel printanier, certes moins important qu’au cours des dernières années, mais dont l’impact a été bien réel dans certains secteurs. La grêle a suivi, elle aussi assez localisée, mais avec des dégâts sur des surfaces conséquentes de plus de 10.000 hectares. La fin de campagne s’est, elle, traduit par un stress hydrique important. Le tout fait qu’on s’attend à un joli millésime, plein de concentration, mais avec des volumes plutôt à la baisse. Les médias se sont fait l’écho d’inquiétudes relatives aux goûts de fumée susceptibles de découler des incendies qui ont frappé le sud-Gironde cet été. Des inquiétudes pondérées mardi par la présentation des premières analyses réalisées sur le terrain. Ces goûts de fumée étaient-ils vraiment un sujet de préoccupation ? Non, nous n’étions pas inquiets. Il y a déjà eu des cas, bien sûr, en Australie par exemple, mais avec des incendies survenus dans des zones viticoles et des temps d’exposition beaucoup plus longs. La zone touchée en sud-Gironde est assez peu viticole, les incendies sont arrivés tôt dans la saison, et on a toujours eu la chance que les vents dominants amènent plutôt les fumées vers le sud. C’est très bien que nos instituts de recherche travaillent sur le sujet, mais la couverture médiatique qui en a été faite était un peu tapageuse. Dans les faits, l’impact sera sûrement très anecdotique à l’échelle d’un vignoble de 100.000 hectares, et je regrette l’effet d’image que peut avoir ce phénomène qui, s’il est avéré, concernera des surfaces très minimes, alors même que le millésime s’annonce qualitatif. Lors de votre précédent mandat, vous avez travaillé à la mise en place d’un plan stratégique à horizon 2025, où en êtes-vous de sa mise en œuvre ? Nous essayons de travailler par priorités. La première, c’est la régulation de l’offre, puisqu’aujourd’hui nous n’avons plus d’adéquation entre notre commercialisation et notre production, même si dame nature n’est pas toujours très généreuse. Ce n’est d’ailleurs pas uniquement lié à Bordeaux, on a vu que toutes les appellations souffraient, à part peut-être la Champagne et la Bourgogne, mais à Bordeaux, on a peut-être souffert un peu plus tôt. C’est lié au fait que nos plus gros marché sont la France, via la grande distribution, et la Chine. Or la pandémie et les problèmes politiques ont rendu le marché chinois compliqué, et le marché français, où nous étions majoritaire, n’est plus aussi régulier. La régulation de l’offre s’impose donc. D’abord, pour nous donner une bouffée d’oxygène. Ensuite, parce que les rapports de l’Insee confirment que notre population vieillit, avec beaucoup d’agriculteurs en âge de partir à la retraite sans succession identifiée. Il nous faut donc réduire le potentiel de production. L’autre grand chantier consiste à dynamiser la commercialisation et la promotion de nos vins, particulièrement à l’export. Ces dernières années, nous avons ouvert de nouveaux marchés, en Asie ou en Afrique par exemple, nous pensons qu’il y a de vraies pistes pour toucher de nouveaux consommateurs. Ce volet communication et commercialisation peut-il être adressé par votre seul syndicat ? Des actions isolées ont moins d’impact. Nous travaillons en collaboration avec le CIVB, en partant du principe que si chacun met 1 et qu’on avance ensemble, on a des chances que le résultat fasse 3. La collaboration donne des moyens plus importants, qui sont indispensables quand on veut aller chercher de nouveaux marchés. En face, il y a une concurrence étrangère, souvent soutenue par de grosses entreprises, il faut donc qu’on se donne les moyens de nos ambitions. Des membres de notre conseil d’administration participent par exemple à la commission promotion du CIVB. Le travail se fait aussi souvent avec d’autres appellations bordelaises. Il peut nous arriver d’être concurrents sur le marché français mais à l’export, on s’appelle tous Bordeaux. Parmi vos chantiers en cours, il y avait aussi la question d’une nouvelle segmentation de vos AOC, avec la création d’une appellation crus d’exception. Le dossier a-t-il avancé ? Nous y travaillons avec l’Inao depuis une dizaine d’années, c’est un chantier au long cours, dans la mesure où cette nouvelle segmentation pourrait être transversale sur l’ensemble des AOC. Nous avons bon espoir. En parallèle, nous étudions également, au sein de notre propre AOC, sur la classification de nos vins, qui n’est pas toujours claire pour le consommateur. Nous avons lancé un groupe de travail pour rendre cette offre plus lisible, surtout vis-à-vis des jeunes consommateurs, peut-être moins avertis quant aux nuances entre Bordeaux et Bordeaux Supérieur, Bordeaux rosé, Clairet, etc. Nous étudions aussi la segmentation de notre offre, sur la base d’études menées par le CIVB sur les profils de consommateur, avec l’idée d’aider nos viticulteurs à identifier et travailler des vins plus adaptés aux attentes du marché. La réhabilitation de Planète Bordeaux, désormais estimée à 6,5 millions d’euros, est-elle toujours sur les rails ? Oui, tout à fait, nous finalisons les appels d’offre, le permis de construire est déposé et en cours d’instruction, mais au vu de la crise viticole, nous prenons plus de temps, principalement parce que les chantiers de régulation passent en priorité. Notre maître d’œuvre nous alerte par ailleurs sur la disponibilité des matériaux et l’inflation, donc on attend de voir comment la situation se profile, mais sans urgence. Aujourd’hui, nous avons une population qui est dans une telle difficulté que concentrer tous nos efforts sur ce projet, par ailleurs indispensable pour dynamiser nos appellations et les rendre plus performantes, semblerait un peu indécent. La régulation de l’offre passe aussi par le sujet de l’arrachage primé, qui dépend de décisions politiques à l’échelle européenne. Vous avez échangé avec le ministère de l’Agriculture à ce sujet, à quel horizon espérez-vous obtenir les autorisations nécessaires ? Nous espérons une réponse au cours de la campagne 2023. On sait que certains de nos adhérents aimeraient que ce soit plus rapide, mais ça semble compliqué, ce son des sujets qui prennent beaucoup de temps. Cela dit, le gouvernement a été mis au courant du désarroi des viticulteurs, notamment grâce à des parlementaires comme la sénatrice Nathalie Delattre, et le temps politique au niveau français s’est déjà accéléré. En ce moment, nous travaillons avec le ministère à établir notre protocole de demande. Allan Sichel, nouveau président du CIVB, a semblé plus réservé, lors de son discours d’investiture, sur la question de l’arrachage que ne l’était son prédécesseur, Bernard Farges, le sujet fait-il consensus ?Je n’ai aucune inquiétude à ce sujet, je connais bien Allan, et même si ses propos ont pu être interprétés différemment, son discours était bien dans la même lignée. La démarche fait totalement consensus, que ce soit auprès des viticulteurs, des appellations et du négoce bordelais.

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