Nouvelle-Aquitaine : « Les carnets de commandes sont en hausse dans quasiment tous les secteurs » - Premium

Une économie robuste, malgré des tensions liées aux recrutements et aux matières premières. C’est, en très bref, ce qu’on peut retenir du bilan 2021 de la CCI Bordeaux Gironde et de la Banque de France. « Les carnets de commandes sont en hausse dans quasiment tous les secteurs, hormis dans la restauration ou dans l’événementiel », analyse Patrick Seguin, président de la CCIBG. Mieux, entre 2016 et 2021, la Gironde a enregistré 22.000 entreprises supplémentaires sur son territoire, passant de 76.000 à 98.000. Et depuis le 1er janvier, le département a dépassé la barre symbolique des 100.000 sociétés. Parmi elle des auto-entrepreneurs toujours plus nombreux, près de 15.000 aujourd’hui, avec « une durée de vie et une activité réellement économique très variables », souligne Patrick Seguin. Si au début de la crise, les défaillances d’entreprise étaient attendues et redoutées, force est de constater que plus les mois s’écoulent, moins cet effondrement n’a lieu. Selon le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, les procédures collectives sont en baisse, en Nouvelle-Aquitaine, de presque 12% entre 2020 et 2021. Les radiations d’entreprises dans la région sont en hausse, elles, de 35,5%, mais « près de la moitié sont le résultat d’une décision unilatérale du chef d’entreprise d’arrêter son activité, sans forcément subir de difficultés », relève Denis Lauretou, directeur régional de la Banque de France. « Ces radiations volontaires sont nouvelles et apparaissent depuis quelques mois, complète le président de la CCIBG. Elles concernent souvent des chefs d’entreprise d’un certain âge, qui en ont ras-le-bol. Pour certains tout est compliqué, ils ne peuvent pas forcément mettre en place le télétravail et ils baissent les bras. » Des entreprises pourtant en bonne santé, car cette procédure nécessite d’importantes dépenses pour se séparer des collaborateurs, payer les fournisseurs et « fermer la maison ». « On essaie de leur proposer des repreneurs mais ils n’ont pas envie de se lancer dans un rachat », conclut Patrick Seguin.Une industrie contrastée Comme lors de chaque présentation économique, la CCI Bordeaux Gironde et la Banque de France se penchent sur trois secteurs : les services marchands, la construction et l’industrie. Cette dernière représente aujourd’hui 6% des entreprises, et 15% de l’effectif salarié en Nouvelle-Aquitaine. Après une perte d’activité de 10% en 2020, « assez mécaniquement et finalement sans surprise, en 2021 nous avons constaté un rebond bien supérieur à celui anticipé », présente Jacky Phillips, chef du département des entreprises et des activités économiques régionales à la Banque de France Nouvelle-Aquitaine. Avec, en fin d’année, un chiffre d’affaires moyen en hausse de 10%. Mais si cette réalité est valable pour l’industrie alimentaire et notamment l’exportation de boissons alcoolisées comme le cognac, ce n’est pas le cas de tous les sous-secteurs. Les matériels de transport n’enregistrent une hausse de leur chiffre d’affaires que de 1,6%. « L’industrie automobile a par exemple été durement touchée par les difficultés d’approvisionnement, reprend Jacky Phillips. Quant à la filière aéronautique, et en particulier celle liée à l’aviation civile, elle s’est redressée en 2021 mais n’a pas retrouvé son niveau d’activité d’avant-crise. »Évolution des chiffres d'affaires par secteur (en %). Crédits : Banque de France Nouvelle-AquitaineLes perspectives 2022 semblent montrer que le rebond se poursuivra, de manière plus modérée, avec une hausse du chiffre d’affaires prévisionnelle de 6,6%. Pour autant le ciel n’est pas entièrement dégagé, et les incertitudes de trésorerie restent présentes. La faute aux difficultés que connaissent les industriels, comme le souligne Nathalie Wong-So, chef de projet Études économiques à la CCIBG. « Que ce soit l’approvisionnement, la hausse du prix des matières premières ou de l’énergie, qui vont fortement impacter le niveau de trésorerie. On constate que ce niveau à la fin de l’année 2021 est fortement négatif à -14 [NDLR, analyse réalisée sur la base d’une enquête auprès d’un panel d’entreprises par « solde d’opinion », soit la différence de proportions des réponses positives et des réponses négatives]. Les perspectives 2022 montrent tout de même une amélioration de cette trésorerie, qui restera néanmoins avec un solde d’opinion négatif, à -5. » Du côté des investissements, l’année 2021 a enregistré une forte proportion d’entreprises ayant investi, une dynamique qui devrait se confirmer au premier trimestre 2022 avec 30% d’intentions d’investir, selon la CCIBG.Des perspectives frileuses pour les restaurateurs Les services marchands (transports, hébergement, intérim ou encore activités spécialisées) représentent, eux, 20% des entreprises et des effectifs salariés en Nouvelle-Aquitaine. S’ils ont connu « un énorme trou d’air » en 2020, le rebond été – comme pour l’industrie – très fort, avec une hausse de chiffre d’affaires de presque 10%. « Les effectifs se sont renforcés avec une hausse de 3,5%, mais de manière insuffisante, souligne Jacky Phillips. Les services marchands sont vraiment confrontés à des difficultés de recrutement extrêmement importantes, qui concernent tous les types de profil et pas seulement les postes spécialisés. » Ces difficultés ont bridé en 2021 l’activité des entreprises, et devraient se poursuivre en 2022. La Banque de France prévoit une hausse en début d’année de 3,3%, pour une hausse attendue de chiffre d’affaires de 4,2%. Dans le détail l’hébergement a enregistré une hausse de près de 20% du chiffre d’affaires en 2021, due au retour progressif de certaines clientèles comme les touristes étrangers et les touristes d’affaires. Cette dynamique devrait se poursuivre cette année avec une hausse de presque 16%.Évolution des chiffres d'affaires et des effectifs dans les services marchands. Crédits : Banque de France Nouvelle-AquitaineL’analyse de la CCIBG est quant à elle différente de celle de la Banque de France, car elle intègre la restauration et de nombreuses sociétés de moins de trois salariés. « Dans notre enquête, on constate que ça a été les montagnes russes en 2021, présente Nathalie Wong-So. Avec un troisième trimestre plutôt bien orienté [NDLR, solde d’opinion de 4] et une forte chute du chiffre d’affaires sur le dernier trimestre [NDLR, -18] qui s’explique essentiellement par une forte baisse de la fréquentation, surtout dans le domaine de la restauration. » Les perspectives restent mesurées voire frileuses, avec à peine un point de plus en solde d’opinion. La trésorerie reste sans surprise fragile, et un restaurateur sur deux explique avoir connu une baisse de la fréquentation, « ce qui a engendré un nouvel effondrement de cette trésorerie ». Le solde d’opinion au dernier trimestre, de -24, est similaire au début de l’année 2021 (-26). « On devrait, en ce début d’année, avoir une amélioration de la trésorerie mais avec un indicateur encore négatif », conclut Nathalie Wong-So.Construction : vigilance sur les appels d’offres Dernier secteur scruté par la Banque de Franc et la CCIBG, celui du bâtiment, qui représente 13% des entreprises, et 10% des effectifs salariés en Nouvelle-Aquitaine. Après une année 2020 compliquée, le secteur a connu, en 2021, une production en hausse de 13%. « Les effectifs se sont renforcés, 0,9%, mais comme pour les services marchands ils se sont renforcés de manière insuffisante, détaille Jacky Phillips. Cela concerne tous les corps de métier, mais ces difficultés existaient déjà avant la crise. » Si les chefs d’entreprise ont eu beaucoup recours à l’intérim l’année dernière, la Banque de France souligne qu’en 2022 ils aimeraient salarier une main d’œuvre plus pérenne. Les carnets de commandes dans le bâtiment semblent très bien garnis, atteignant en 2021 des niveaux historiques tant pour les travaux de rénovation énergétique que pour les chantiers de maisons individuelles. Évolution des chiffres d'affaires et des effectifs dans la construction. Crédits : Banque de France Nouvelle-Aquitaine Les travaux publics enregistrent une très forte croissance de la production, de 21%, « un effet report car en 2020 de nombreux programmes ont été reportés ». Pour autant, Patrick Seguin tire la sonnette d’alarme. Selon lui, le manque de main d’œuvre et le prix des matériaux influent sur ce marché public, avec la multiplication des appels d’offres infructueux. « On a une difficulté actuellement, car les carnets de commandes sont pleins et on ne répond plus à certains appels d’offres ; ce qui fait que l’opération est reportée. Dans six, huit mois, on risque d’avoir un trou d’activité car si on n’a pas répondu à des appels d’offres, on n’aura pas de marché en dehors du privé qui, à un moment donné, ne suffira pas. » Pour autant, les perspectives semblent encourageantes dans le secteur du BTP, avec un solde d’opinion de 11 sur l’évolution du chiffre d’affaires.

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