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« Un schéma des mobilités sans infrastructures, c’est se foutre du monde »

Écosystème
mercredi 22 septembre 2021

Point d’orgue de la rentrée politique métropolitaine, le « schéma des mobilités » dévoilé par la majorité suscite un vent de colère chez les élus d’opposition. Et si ceux qui espéraient bénéficier de l’extension du réseau de tramway se montrent les plus virulents, tous dénoncent en chœur l’absence d’investissements dans des infrastructures structurantes, ainsi qu’une approche discriminante de l’aménagement du territoire.

« Demandez autour de vous, avez-vous l’impression que le projet ait provoqué des réactions extatiques ? ». Sans aller jusqu’à invoquer l’extase, la question, posée mercredi par un élu d’opposition, rappelle à quel point il est difficile de faire l’unanimité sur un projet des mobilités à dix ans, à plus forte raison dans une métropole qui figure au troisième rang des agglomérations les plus congestionnées de France.

Une chose est sure : l’opposition métropolitaine de droite et du centre, réunie au sein du groupe Métropole Commune(s), a décidé de faire front contre le « schéma des mobilités » présenté début septembre par le président Alain Anziani comme un plan sur dix ans, faisant la part belle aux bus express, au vélo et à la marche. « Ce schéma n’est pas sérieux, c’est un plan d’immobilité qui ne répond pas aux grands enjeux qui nous attendent. On ne pourra pas voter un tel projet, qui ne s’appuie sur aucune infrastructure sérieuse, et se résume à balancer aux orties tout ce qui a été fait avant », attaque Patrick Bobet, maire LR du Bouscat, et ancien président de la Métropole.

Ne pas renier les engagements pris sur le tramway

Sujet de crispation numéro un : le tramway, symbole de l'ère Juppé, qualifié d’échec par Alain Anziani, qui dans son projet propose d’abandonner les projets d’extension vers Gradignan et Parempuyre, au profit du développement d’un réseau de bus express (autrement appelés Bus à haut niveau de service, ou BHNS). « Peut-on parler d’échec alors que le tramway transportait 105 millions de passagers par an en 2019 ? Le bus représente 73% du déficit de TBM pour seulement un tiers des passagers transportés », oppose Patrick Bobet, soulignant qu'il aurait été opportun d'attendre les propositions du futur délégataire de service public avant de formuler un plan métropolitain. 

La pilule est encore plus difficile à avaler pour Michel Labardin, maire centre-droit de Gradignan, qui au-delà de son cas particulier, tient à souligner l’absence de projets d’infrastructure structurants dans le projet Anziani. « Il n’y a pas de schéma des mobilités sans le pivot central qu’est l’infrastructure. Ne pas construire cette colonne vertébrale maintenant, c’est s’exposer au risque d’avoir une ou deux guerres de retard en 2030, et ça va se payer cher », assène-t-il. Bien que l’extension du tramway vers Saint-Médard-en-Jalles reste à l’étude, Jacques Mangon, maire sortant, n’y croit plus, et dénonce l’absence de prise en compte du quadrant nord-ouest de l’agglomération bordelaise dans le schéma Anziani alors que le sud Médoc est en pleine expansion démographique, et que des engagements avaient été pris dans cette direction. « Un projet de mobilité sans infrastructure, c’est vraiment se foutre du monde », lance-t-il.

Les élus d’opposition fustigent par ailleurs l’absence de projet visant à réconcilier les deux rives de Bordeaux, qu’il s’agisse d’un métro ou d’un nouveau pont et balaie le téléphérique comme un outil anecdotique – « 10.000 passagers par jour, c’est l’augmentation du trafic sur la ligne A du tramway en un an », fait remarquer Christophe Duprat, maire LR de Saint-Aubin de Médoc. Ils regrettent enfin, pêle-mêle, le dogmatisme autour du vélo et de la marche, la non prise en compte des besoins d’aménagement des boulevards ou d’accès au campus universitaire, et l’absence de proposition visant à fluidifier le trafic de transit sur la rocade bordelaise, soit par la création d’un tronçon de délestage reliant Langon à Limoges, soit par le passage à 2x4 voies en exploitant la bande d’arrêt d’urgence.

Du tramway au métro, un « choc des mobilités »

En réponse, les élus d’opposition proposent de maintenir les projets d’extension de tramway ayant déjà fait l’objet d’une concertation et d’un vote, ainsi que le renforcement du réseau existant. « Notre réseau de tram a 25 ans. Aujourd’hui, on peut le rendre plus efficace et développer de nouvelles origines destinations. Il suffirait par exemple d’installer un aiguillage pour permettre d’aller de la Gare Saint-Jean à l’aéroport », illustre Christophe Duprat. A cette première réponse, calibrée à l’échelle temporelle de la mandature, ils ajoutent la réalisation d’une « étude opérationnelle » sur un chantier de métro susceptible d’être lancé à horizon 2030.

Récusant l’argument, avancé par Alain Anziani, selon lequel le métro ne servirait qu’aux habitants du centre, ils avancent l’objectif de soulager les flux de desserte convergents tout en irrigant les nouveaux quartiers. Le plan de l’opposition, présenté comme un « choc des mobilités », justifierait une enveloppe annuelle de 400 millions d’euros, dont une partie pourrait être réservée pour préparer le financement du métro lors de la prochaine mandature. « Plutôt que de s’occuper de tous les sujets de façon tentaculaire, la Métropole doit mettre son curseur principal sur l’aménagement des territoires. Si on ne répond pas à ça, on va droit dans le mur », appelle Emmanuel Sallaberry, maire de Talence.

La ZFE, sujet de crispation politique

Dernier sujet de tension, et non des moindres : la mise en œuvre prochaine d’une Zone à Faible Emission (ZFE) à Bordeaux, dont les contours ont été dévoilés par Pierre Hurmic et sa première adjointe à la mairie de Bordeaux, Claudine Bichet, sans réelle concertation préalable avec les maires de l’aire métropolitaine, alors que selon les termes de la loi, le périmètre de la ZFE doit nécessairement dépasser celui de la simple ville de Bordeaux pour couvrir 50% de la population de l’agglomération. « J’imagine les réactions si c’est moi qui avais fait ça », grince l’ancien maire LR Nicolas Florian. « La ZFE est dans la loi, nous n’avons pas de problème avec ça, mais nous ne sommes pas d’accord avec la méthode. C’est l’incarnation emblématique de l’écologie punitive », s’agace Emmanuel Sallaberry, alors que se pose la question du transfert des compétences et prérogatives des maires en la matière au président de l’EPCI. « Je ne m’oppose pas au transfert, mais je m’oppose à une règle du jeu qui n’est pas fixée », ajoute-t-il. « Les plages horaires, les conditions d’exemption et les limites géographiques sont à définir pendant la concertation », précisait Claudine Bichet mi-septembre lors de sa présentation.