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Incendie de la Charcuterie bordelaise : "la façon dont j’ai été traité n’est pas acceptable"

Stratégie
mardi 11 mai 2021

Arnaud Chedhomme -photo YB

4 ans après l’incendie de son usine, Arnaud Chedhomme, a été relaxé par la cour d’appel qui précise qu’il « n’est pas certain que cette destruction ait pour cause un acte volontaire ». Pour Placéco, il raconte ses 4 années de combat judiciaire et annonce qu’il veut relancer son activité.

Le 29 avril, la cour d’appel de Bordeaux a prononcé votre relaxe concernant l’incendie la Charcuterie Bordelaise. Quelle a été votre réaction à l’écoute des attendus du jugements ?

Arnaud Chedhomme: Ce matin-là, et les jours précédents, je n’étais pas stressé car j’étais sûr que la justice serait rendue et que mon innocence serait reconnue. Puis en arrivant au tribunal, l’appréhension est montée. Je me suis dit : « on n’est jamais sûr de la justice ». En apprenant ma relaxe, mon corps est devenu léger. Le cauchemar démarré 4 ans plus tôt était terminé.

En première instance, vous aviez été condamné à 3 ans de prison ferme, une interdiction définitive de gestion et à verser plus de 3 millions d’euros aux parties civiles, le mandataire liquidateur et l’assureur Axa. Qu’est-ce qui a convaincu la justice de revoir sa décision ?
Je n’ai jamais douté de la présidente du tribunal. Ce second procès a été mené avec un grand professionnalisme et j’ai eu l’impression que tout n’était pas fait pour instruire à charge. Lors du premier procès, j’ai été traité comme un sous-homme, avec un mandataire liquidateur qui m’a fait subir des sévices moraux et des humiliations permanentes. A tel point que le tribunal de commerce m’a payé un soutien psychologique pour m’aider à faire face à cette pression. La façon dont j’ai été traité n’est pas acceptable dans un Etat de droit. Je vais donc porter plainte au pénal et au civil contre ce mandataire liquidateur. Le procès en appel a également permis d’approfondir de nombreux éléments. Par exemple, il y a enfin été décidé de mener une expertise judiciaire sur les causes de l’incendie.

Comment avez-vous traversé ces 4 années ?
Je n’avais pas de revenu, qui aurait voulu embaucher un incendiaire ? Je n’avais pas droit au chômage alors que j’avais cotisé aux Assedic, car le mandataire liquidateur avait refusé de valider mon dossier. Je n’avais même pas droit au RSA. Je suis donc devenu agent commercial. J’ai vivoté, j’ai vendu mon élevage de moutons, j’ai restreint mon niveau de vie. Mais il fallait tout de même que je paye mes frais d’avocat et d’expertise judiciaire. Heureusement, j’ai pu compter sur l’aide de copains et sur les revenus de mon épouse. Et nous nous sommes battus pour garder notre maison. En fait, tout est fait pour te pousser au suicide.

Vous pensez que le système judiciaire est trop dur ?
Le problème, ce n’est pas l’institution ni un quelconque système. Le problème, ce sont les hommes et les femmes qui ont du pouvoir et qui en abusent impunément. La majorité des policiers ou magistrats font correctement leur travail et sont très consciencieux. J’ai rencontré des personnes parfois dures mais avec de grandes qualités. Mais j’ai aussi eu affaire à des incompétents qui ne maîtrisaient pas leur métier ou leur dossier. Parfois les deux. Je me suis rendu compte que les vrais professionnels avaient confiance en eux et n’abusaient pas de leur fonction. A l’inverse, certains policiers ou magistrats oublient tout discernement, avec la volonté d’obtenir des aveux à tout prix. Quitte à transformer la vérité.

En quoi cette épreuve judiciaire vous a-t-elle changé ?
Je ne crois plus en l’indépendance de la justice. Je vais déposer plainte à l’IGPN contre les abus de pouvoir de certains policiers. J’ai assez d’éléments et de preuves pour attaquer ceux qui ont voulu me nuire, ceux qui ont menti.

Pourquoi certains policiers ou magistrats auraient-ils voulu vous nuire ?
C’est la question à se poser. Et c’est ce que les enquêtes révéleront. En ce qui me concerne, je ne vois que deux hypothèses : soit ils étaient incompétents, soit ils étaient aux ordres.

Aux ordres de qui ?
L’enquête le dira. Mais je pense que l’affaire de la listeria n’a pas aidé (l’usine avait été fermée par arrêté préfectoral en janvier 2017, décision suspendue par le tribunal administratif quelques jours plus tard, ndlr).

Le délai pour le pourvoi en cassation du parquet étant dépassé, la décision de la cour d’appel est désormais définitive. Comment entrevoyez-vous votre avenir ?
Je veux récupérer mes sous, reconstruire l’usine, resservir mes clients. La marque « Charcuterie bordelaise » ne m’appartient plus, il faudra donc trouver un nouveau nom. Mais surtout, je souhaite qu’Axa honore sa signature. Nous avons rendez-vous au tribunal de grande instance de Bordeaux le 18 juin pour régler ce contentieux. Axa a tout loisir de discuter et de payer ce qu’ils me doivent. Par ailleurs, je compte sortir un livre dans lequel je raconte mes 4 dernières années. Il s’agira d’un roman qui racontera le parcours d’un chef d’entreprise face à la justice. Ce bouquin, j’ai eu besoin de l’écrire. Il ne me reste plus qu’à trouver un éditeur !

Dates clés

27 novembre 2000 : création de la Charcuterie bordelaise

30 juillet 2015 : l’entreprise est placée en redressement judiciaire

25 janvier 2017 : un arrêté préfectoral suspend la production et la commercialisation des produits suite à la découverte de listeria et de « manquements graves »

1 février 2017 : l’arrêté préfectoral du 25 janvier est suspendu et la préfecture de Gironde est condamnée à verser 1.500 € à la Charcuterie bordelaise.

16 février 2017 : un incendie ravage les locaux de l’entreprise située à Villenave-d’Ornon

12 avril 2017 : liquidation judiciaire de la Charcuterie bordelaise

30 janvier 2019 : Arnaud Chedomme est condamné à 3 ans de prison, une interdiction définitive de gérer une entreprise et le versement de 3 M€ au mandataire liquidateur, et de 150.000€ à la compagnie d'assurance Axa, qui s'était portée partie civile

6 mars 2020 : la cour d’appel de Bordeaux ordonne une expertise « pour rechercher les causes de l’incendie »

29 avril 2021 : la relaxe d’Arnaud Chedhomme est prononcée en appel.

« S’il est établi que l’usine a été détruite le 16 février 2017 par un incendie il n’est pas certain que cette destruction ait pour cause un acte volontaire, une mise à feu accidentelle induite par la dérive de l’énergie électrique constituant une cause probable que l’enquête incomplète ne permet pas d’écarter. Il ne peut donc être reproché à Arnaud Chedhomme d’avoir volontairement détruit le bien d’autrui par l’effet d’un incendie, ni d’avoir trompé la société d’assurances Axa par l’emploi de manœuvres frauduleuses résultant d’une déclaration mensongère d’un sinistre qu’il aurait lui-même provoqué », précise l’arrêt de la cour.

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