Pour Marc Prikazsky, « nous sommes voués à vivre avec le virus » - Premium

On constate aujourd’hui un rebond de l’épidémie, est-ce inévitable qu’on ait une succession de vagues ? C’est probable. Je pense que nous sommes voués à vivre avec ce virus. En santé animale, ça fait plus de 50 ans que la bronchite infectieuse de la volaille existe et pourtant nous avons des vaccins très efficaces, nous contrôlons très bien la maladie. Je pense que ce sera pareil avec le Covid. Peut-être qu’on fera un rappel de vaccin comme avec la grippe par exemple. Le sujet aujourd’hui, c’est d’avoir un taux de vaccination suffisant, or il est encore trop faible. Le virus mute en permanence mais on est dans des mutations encore proches de celui de départ. Le variant anglais avait une variation génétique de 5 ou 6 %, c’est faible. En santé animale pour revenir sur la bronchite infectieuse, on constate des mutations de 30 %. Donc le virus du Covid va continuer de muter, de s’éloigner de celui de départ jusqu’à ce qu’il échappe au vaccin. Lorsqu’on a un taux de vaccination qui augmente, les gens qui ne le sont pas se contaminent et sélectionnent involontairement les souches de virus les plus contaminantes. C’est une course de vitesse car si le virus ne se multiplie plus, il ne mute plus. Quand vous êtes vaccinés vous pouvez être infectés, mais le taux d’excrétion est beaucoup plus faible, c’est le propre des épidémies.Au début de la pandémie il était question d’immunité collective. Aujourd’hui on a l’impression de ne plus en entendre parler, pourquoi ? Effectivement certaines épidémies s’arrêtent toute seule car on les laisse « traverser », elles contaminent tout le monde et si cette vague est suffisamment rapide, les gens développent une immunité collective. Je pense que dans la situation actuelle, c’est compliqué d’atteindre cette immunité. On voit bien que certains ne veulent pas se faire vacciner et malheureusement, ils seront rattrapés par l’épidémie. Si ça continue, on risque même de vivre ce qu’on a vécu pour la volaille, c’est-à-dire que l’immunité conférée par le vaccin ne soit plus efficace.Trop peu de travaux communs entre médecins et vétérinaires Selon Ceva Santé Animale, 75 % des nouvelles maladies humaines sont d’origine animale. Quel est le travail à mener pour lutter contre ces nouveaux virus ? Il faut préciser que dans ces maladies animales, plus de deux tiers sont issues de la faune sauvage. L’animal porteur est sauvage, il transmet le virus à l’animal domestique qui, souvent, le transmet à l’homme car ils sont proches. Malheureusement, il y a trop peu de travaux communs entre les médecins et les vétérinaires. Maintenant un vétérinaire fait partie du haut conseil scientifique d’Emmanuel Macron [ndlr, Thierry Lefrançois, spécialiste de l’immunologie, du diagnostic et de l’épidémiologie des maladies infectieuses animales tropicales], mais le gouvernement allemand a intégré les vétérinaires dès le départ. Car l’épidémiologie est d’abord vétérinaire, on la connaît très bien. En santé animale, notre logique est de d’abord travailler sur le groupe. Concernant les animaux de ferme on travaille le groupe, les grandes épidémies, on a ces réflexes-là. Ça, ça n’a pas été assez utilisé en France.Pourquoi ? Parce qu’il y a beaucoup de corporatisme. Vous avez vu les polémiques au moment de sortir les vaccins des cabinets de médecins ? Pourtant vous n’avez pas besoin d’être médecin pour vacciner les gens. Les vétérinaires sont autorisés à vacciner par exemple. Ça me semble tellement évident… L’innovation est souvent issue d’une mise en commun de compétences et d’expertise différente. C’est d’ailleurs ce qui se fait dans les IHU [ndlr : instituts hospitalo-universitaires], qui sont innovants parce que vous mettez plusieurs corps de métiers ensemble. Nous, en France, on est organisé par corporatisme… C’est triste mais c’est comme ça, et chacun défend ses intérêts.Ceva Santé Animale est présente dans 42 pays à traves le monde. Crédits : Ceva Santé Animale« La solidité d’un pays passe par ces ETI » En tant que président du club des ETI, comment abordez-vous cette rentrée sur le plan économique ? D’abord, j’ai été surpris car les ETI ont été extrêmement résilientes. Elles sont le poumon d’un pays et on n’en a pas assez. Selon une étude, l’impact de la crise sur le business des ETI est inférieur à 6 %. On voit bien qu’on n’a pas du tout abordé le premier et le deuxième confinement de la même façon, on a appris, on a continué de faire fonctionner nos entreprises. Pour moi les ETI vont rebondir très vite.Bon nombre d’entre elles sont tout de même très endettées, certaines depuis la crise économique de 2008… Comment vont-elles faire pour continuer d’investir, d’innover ? Je pense que les PGE ont servi à beaucoup d’ETI, et qu’il faut en faire des quasi-fonds propres. Un PGE sur un an ou deux est une ligne de dette court terme, et ce n’est pas viable pour une entreprise. Si on donne à ce fonds une visibilité sur 10 ans on donne de la perspective au patron, qui peut utiliser cet argent pour investir. Il y a aujourd’hui une prise de conscience de tous les politiques du rôle majeur des ETI, parce qu’elles sont accrochées au territoire, elles sont résilientes. Pour moi la reprise économique, la solidité d’un pays passent par ces ETI.Pensez-vous que le plan France Relance est suffisant pour les mois à venir ? Je pense qu’il y en aura d’autres. On ne peut sortir de cette crise que par le haut, c’est-à-dire en boostant l’économie. Derrière cette relance, derrière la réduction du chômage, forcément il y a un enrichissement de la société et en particulier des fonds publics, c’est évident. Le chômage coûte extrêmement cher, il n’y a pas de cotisation, etc. Il faut sortir de ça et il faut accepter que l’Etat s’endette, même lourdement. Cet endettement est massif, commun à l’ensemble des pays. Donc il faudra bien à un moment qu’on sanctuarise cette dette ! Que l’on considère qu’une partie est sur du très, très long terme. Tous les pays font des plans de relance, sinon on tue l’économie. Il vaut mieux que l’Etat s’endette. Parier sur la forte croissance des économies et de l’inflation pour rembourser la dette. Il faut aussi faire le pari de l’innovation, de la croissance. Mais avec des notions de durabilité et de local.Marc Prikazsky sera l’invité de notre prochain Live Placéco-Banque Populaire, lundi 27 septembre à 9h. Les adhérents Placéco sont conviés sur place, chez Ceva Santé Animale à Libourne. Pour s'inscrire: services@placeco.fr

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