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Dans la librairie Georges, à Talence, « un mois équivaut à la période de Noël avant la crise » (4/4)

Écosystème
vendredi 12 novembre 2021

Ils sont libraires, éditeurs, ou travaillent dans l'insertion professionnelle via les livres de seconde main. Toute la semaine, Placéco vous emmenait à la rencontre des acteurs girondins de la filière livre.

Cécile Bory, dirigeante de la librairie Georges, est aussi présidente de l'association des librairies indépendantes de Nouvelle-Aquitaine. Crédits : MB

Un an et demi après le début de la crise sanitaire et économique, comment les librairies s’en sortent-elles ? Si certaines peinent à rester rentables, d’autres comme la librairie Georges, arrivent à fidéliser ces clients « récupérés » durant les confinements. Mieux, elle constate un rajeunissement de ses lecteurs.

Derrière les Halles de Talence se dressent les 400 m² de la librairie Georges, deuxième plus grande de l’agglomération bordelaise après Mollat. Assise à une table du coin café, au rez-de-chaussée, Cécile Bory fait les comptes. Arrière-petite fille du fondateur, elle dirige aujourd’hui ce commerce, qui a vu le jour en 1904. « Depuis la crise du Covid-19, nous constatons une hausse de fréquentation qui perdure jusqu’à présent, commente-t-elle. Certaines librairies ont vu leur fréquentation diminuer en septembre, mais pour nous, un mois équivaut à la période de Noël avant la crise. » Selon elle, ces nouveaux clients découlent des différentes périodes de confinement. Entre les livres, les jeux de société, et les achats en prévision des fêtes, « il y a eu un report du pouvoir d’achat sur nos produits ». Surtout, certains clients lui disent, ils ont délaissé des plateformes comme Amazon au profit de librairies de proximité, indépendantes. « Nous avons consolidé notre trésorerie mais maintenant que la vie reprend son cours, il faut voir comment cela va évoluer, dans quels domaines les consommateurs vont dépenser leur argent », réfléchit Cécile Bory.

Si elle doit tout de même dresser un constat, c’est un rajeunissement des lecteurs. Entre la rentrée littéraire et le pass culture mis en place par le gouvernement, « le public étudiant est omniprésent ». « Ce pass a eu les effets escomptés, soutient la directrice. Au début les jeunes n'achetaient presque que des mangas, comme cela a été souligné et polémiqué. Maintenant ça se diversifie, mais c’est un peu idiot de râler, à partir du moment où un jeune de 18 ans passe la porte d’une librairie. » Idem pour les lycéens de Nouvelle-Aquitaine, qui bénéficient via la Région de coupons pour acheter des livres loisirs. « Ce sont des lecteurs de demain, martèle Cécile Bory. Leur venue nous permet de leur faire découvrir un univers, de les sensibiliser. »

« Privilégier une entreprise qui paie ses impôts »

Et de la sensibilisation, il y en a encore besoin. Car si certains achètent sur des plateformes comme Amazon, « pour payer moins cher », ils méconnaissent une réalité : en France et depuis 40 ans, la loi Lang garantit le prix unique de chaque livre, où qu’il soit acheté. « Dans ce cas, autant privilégier une entreprise qui paie ses impôts en France », lâche la libraire. Pour encourager les achats en librairie, les députés ont adopté, le 6 octobre dernier, une proposition de loi permettant de fixer un « tarif plancher » de livraison, pour la vente de livres en ligne. Jusqu’à présent, Amazon facturait la livraison à 0,01 euros tandis que, pour les libraires, un envoi coûtait plutôt aux alentours de 4 euros. Si la loi est désormais renvoyée devant les Sénateurs, une fois qu’elle sera adoptée, les ministères de l’Économie et de la Culture réfléchiront au montant imposé. Le syndicat de la librairie française (SLF), de son côté, plaide pour un prix entre 3 et 5 euros. « Ce serait une grande avancée, espère Cécile Bory. On se battrait au même niveau, il n’y aurait plus de concurrence déloyale. Aujourd’hui, les clients qui le veulent vraiment achètent en ligne auprès d’une librairie indépendante, mais c’est clairement dissuasif. »

En attendant ce changement, les professionnels régionaux tentent d’attirer les clients, à l’ère du numérique. Depuis plusieurs années, l’association des librairies indépendantes en Nouvelle-Aquitaine, dont Cécile Bory est présidente, permet de réserver un ouvrage en ligne et de le retirer en magasin. D’après les chiffres du site, ce sont plus d’1,7 million de titres disponibles chez la centaine de librairies participantes, que les lecteurs peuvent réserver. « On a réalisé presque un million d’euros de ventes via cette plateforme en 2020, se remémore notre interlocutrice. Cette tendance est à la hausse, et cela équivaut aujourd’hui à près de 30.000 euros de réservations chaque mois. »

En septembre dernier à l’occasion de la conférence de la Banque de France à la station Ausone de la librairie Mollat, Denis Mollat est revenu sur la situation de son entreprise, première librairie indépendante de France. Si, avant la crise, les ventes en ligne ne représentaient que 5% du chiffre d’affaires, « nous avons connu jusqu’à 400, 500, 600% de hausse d’activité durant le deuxième confinement », a expliqué le patron de Mollat. Surtout, la clientèle n’était pas uniquement bordelaise ou néoaquitaine, mais venait aussi de région parisienne ou d’autres grandes villes de l’Hexagone. Une tendance lourde puisqu’aujourd’hui, le site mollat.com, qui fête ses 20 ans d’existence, génère 15% des revenus de l’entreprise. « C’est le pourcentage moyen du e-commerce en France tous secteurs confondus », a précisé Denis Mollat.

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