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Pour Ernesto Benado, « un patron de gauche n’exploite pas, il travaille »

Écosystème
lundi 28 mars 2022

À l’approche de l’élection présidentielle, Placéco est allé à la rencontre de patrons girondins ou néoaquitains, parlant ouvertement de leur vote. Pour comprendre leurs attentes en matière d’économie, et leur soutien à l’un des candidats.

Ernesto Benado, chef d'entreprise, soutient Jean-Luc Mélenchon (LFI). Crédits : MB

Ernesto Benado, « patron de gauche », soutiendra Jean-Luc Mélenchon, le 10 avril prochain. Entre les mesures fiscales ou environnementales que propose l’Avenir en Commun, mais aussi la question de la dette française, ce chef d'une entreprise de charpentes, nous explique ses motivations.

Dans la commune de La Brède, au sud de Martillac, Ernesto Benado tient son entreprise de charpente et de menuiserie - Atelier Bois Production - depuis 2003. Sur son bureau, le programme l’Avenir en Commun de Jean-Luc Mélenchon est posé non loin d’un flyer à l’effigie du candidat. « Je suis un patron ouvrier, tient à préciser le chef d’entreprise qui emploie trois salariés. Car je suis un ouvrier sur le terrain, tous les jours, avant d’être patron. » Ernesto Benado, fils de réfugiés politiques chiliens, affirme haut et fort son appartenance politique. « On est de gauche jusque dans la moelle, chez moi. » Pour lui, les notions de partage et de progrès social sont primordiales. Celle de transmission aussi. « Je crois que j’en suis au dixième apprenti formé, compte le maître artisan. J’essaye d’en former tous les ans ou tous les deux ans ; car j’ai eu la chance de découvrir mon métier lorsque je suis allé au Chili en 1992. C’est une rencontre qui a changé ma vie, j’ai toujours eu à cœur de recevoir les jeunes. »

Quand on lui demande ce qu’est un « patron de gauche », Ernesto Benado répond sans ambages. « C’est un patron qui n’exploite pas, qui travaille. Qui partage les bénéfices lors des bonnes années, aussi. » Lui, a reversé à « ses gars » une prime de 2.500 euros en fin d'année dernière. Des gars qui travaillent 40 heures sur quatre jours ; et voient leurs cinq heures supplémentaires payées, justement, en heures supplémentaires. Dans son programme, Jean-Luc Mélenchon prévoit de rétablir la durée légale hebdomadaire à 35 heures, en majorant les « heures supp' » – cotisations incluses. À 25% pour les quatre premières, puis à 50% ensuite. Si le candidat La France Insoumise est élu, Ernesto Benado paiera donc plus. « Oui, ça ne serait pas évident. Cette mesure serait peut-être même bloquée. Mais en même temps, je ne vois pas comment faire, si on ne génère pas d’argent public avec les cotisations sociales. »

« C’est le public-privé qui fait du mal en France »

Lorsqu’il s'est tourné vers la France Insoumise, en 2017, l’Avenir en commun lui a immédiatement parlé. « Sur la révolution qu’il faudrait opérer dans cette vieille société française, dans laquelle je ne me suis jamais retrouvé. Surtout, dans le rôle de l’entrepreneur. » Pour lui, les politiques – y compris ceux de son parti – ne parlent pas assez des très petites entreprises comme ABP. Une « carence » à ce niveau, tandis que les PME ont, surtout depuis la crise, le vent en poupe. « Pourtant, je pense que nous, les patrons de TPE, sommes représentatifs d’un vrai tissu économique et social. Nous avons vraiment un rôle à jouer en local. »

Et parmi les difficultés qu'il rencontre à la tête de sa très petite entreprise, il y a les rouages administratifs. Sa dernière expérience en date concerne une demande de subvention auprès de la CARSAT, pour investir dans un appareil réduisant les troubles musculosquelettiques. « Après m’être renseigné, il s’avère qu’il faut faire appel à un ergonome agréé pour réaliser une étude – dont le devis s’élève à 2.100 euros. Et même après cela, je ne suis pas sûr d’obtenir la subvention. En France, tout est comme ça. Avant de passer par la case "service public", il faut passer par un petit privé. » Pour lui, « il y a un détournement d’argent public ». « Je le dis, ce n’est pas honnête, reprend Ernesto Benado. C’est ce public-privé qui fait tant de mal, en France. Et ça appauvrit le pays. » 

Pour un impôt plus progressif

Autre enjeu pour Ernesto Benado, l’environnement, l’un des axes majeurs du candidat Mélenchon. Ce dernier prône le principe de la « règle verte », qui consiste à ne pas prélever à la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer. « Ça semble être un concept un peu global, mais ce sera très concret pour les métiers du bâtiment en général, souligne le chef d’entreprise. Il faut refonder toutes nos manières de construire en France. » Surtout, notre interlocuteur défend une transition écologique progressiste, urgente et génératrice d’emplois. Il défend le mix énergétique 100% renouvelable à horizon 2050 ; et soutient l’une des propositions de l’Avenir en Commun, qui est de geler à court terme le prix des énergies, de l’électricité au carburant. « Avec un plein à 2,39 euros, un petit artisan, il fait quoi ? Bientôt, notre clientèle ne pourra plus suivre. Je rêverais de pouvoir travailler pour des gens plus modestes, faire des toits moins chers et pour tout le monde. On ne peut pas continuer de monter les prix ! »

Lui, arrive difficilement à atteindre la rentabilité dans son entreprise. Sur un chiffre d’affaires 2021 de 300.000 euros, Ernesto Benado a réalisé un bénéfice de 3.000 euros. « J’ai calculé, ça fait 27 euros de bénéfice par jour. » Chaque mois, il se verse 2.000 euros de salaire ; et avec deux enfants à charge, il ne paye pas d’impôts. L’une des mesures de l’Avenir en Commun - rendre l’impôt sur le revenu plus progressif en instaurant 14 tranches au lieu de 5 aujourd’hui - a retenu son attention. « Ça ne me paraît pas bien qu’un mec comme moi ne paie pas d’impôt. Je pourrais verser 50 euros par mois, et une personne au SMIC, 5 euros ? C’est important pour sa dignité, je trouve, pour faire partie de la société. Avec les 14 tranches tout le monde paierait, y compris les très riches. Et ce n’est pas vrai qu’ils partiront de France, car on voit bien que le pays est un refuge pour les ultra-riches. » La suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) ? « Un crachat au visage du monde ouvrier ». Le 10 avril prochain, Ernesto Benado ira mettre un bulletin dans l’urne en suivant ses convictions. « Le vote utile, pour moi, n’existe pas. On défend un programme ; on ne vote pas contre quelque chose, on vote pour. » 

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