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Parole aux entreprises : que faut-il faire pour faciliter le « made in France » ?

Écosystème
vendredi 11 mars 2022

Le salon du Made in France se tient jusqu'au 13 mars au palais des congrès de Bordeaux. Crédits : MB

Au salon du Made in France, installé dans le palais des congrès de Bordeaux jusqu’au 13 mars, de nombreuses entreprises girondines sont présentes pour exposer leurs savoir-faire. Beaucoup rencontrent des difficultés – plus ou moins importantes - pour produire localement. Alors, selon elles, que faut-il faire pour faciliter le « fabriqué en France » ?

Il y a encore quelques jours, plusieurs candidats à l’élection présidentielle étaient attendus aux assises du Produire en France, organisées par la certification Origine France garantie. Eric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel… Si les douze étaient conviés à l’événement, ce vendredi 11 mars, seuls trois d’entre eux sont venus en personne passer le grand oral : Yannick Jadot, Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan. Durant une trentaine de minutes, chaque candidat ou représentant est venu présenter son programme – et répondre aux questions de Natacha Polony, rédactrice en chef de Marianne, et d'Anthony Vitorino, rédacteur en chef de Fait en France. On y a parlé réindustrialisation, formation, environnement aussi. Les uns voulant augmenter la part d’entreprises françaises dans la commande publique, les autres arguant que la politique de zéro artificialisation des sols (ZAN) sera un « boulet » que l’on traînera.

En parallèle, et à quelques mètres de là, des dizaines d’entreprises françaises, produisant sur l’Hexagone, étaient elles aussi présentes ; venues rencontrer les visiteurs et pourquoi pas trouver de nouveaux clients. Parmi elle, une vingtaine de sociétés girondines. Placéco est allé à leur rencontre, pour comprendre ce qui freine le « fabriqué en France » aujourd’hui. Et, selon elles, ce qu’il faudrait mettre en place pour permettre de relocaliser plus facilement.

« Faciliter les prêts bancaires pour financer la trésorerie au démarrage »

Roseline Gauchet et Jean-Noël Rivière sont directeurs de Milan Noir. Une entreprise bordelaise créée en 2017, qui conçoit et commercialise des trousses de toilette de voyage et des accessoires haut de gamme. Les produits sont prototypés à Bordeaux, et la fabrication est sous-traitée à un atelier basé à Espelette. « Nous les formons aux techniques de maîtrise de la maroquinerie », précise Roseline Gauchet. Le cuir y est tanné, et les tissus sont confectionnés à Lartigue dans le Pays Basque. « Ce qui nous manque aujourd’hui, ce sont des ateliers pour fabriquer nos produits », présente la directrice. « Je pense qu’il y a une carence de personnes capables de produire nos objets, poursuit son collègue. Car ouvrir un atelier est très onéreux au départ, et il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui se lancent. » Si Milan Noir assume son positionnement haut de gamme et des prix élevés, l’entreprise veut internaliser la production « pour des raisons de qualité ». « Il faudrait faciliter les prêts bancaires pour financer la trésorerie au démarrage, imagine Jean-Noël Rivière. C’est impossible aujourd’hui de trouver des fonds pour constituer un stock, pour lancer la production. Cela nous a demandé beaucoup d’énergie et de fonds propres pour lancer la marque, alors que des banques auraient pu faciliter cela. » 

« Défiscaliser partiellement les salaires »

Bénédicte Lull, est responsable de la marque de mobilier design Belull, développée par l’entreprise Epsilon Composite. Pour produire tables et meubles designés à Bordeaux, Belull fait appel à plusieurs corps de métiers travaillant le marbre, le métal ou le bois. « Je pense qu’il faudrait développer un réseau d’entreprises de divers secteurs qui se complètent, pour faciliter le fabriqué en France, réfléchit Bénédicte Lull. Nous, on essaye de créer une zone d’activité autour d’Epsilon Composite. Pour attirer, justement, des entreprises qui seraient désireuses de démarrer une activité qui complète la nôtre… Et éviter que les métiers s’exportent ailleurs. Ce n’est pas l’éloignement géographique, le problème, aujourd’hui. C’est que beaucoup de productions sont artisanales et non industrielles. Ce ne sont pas les mêmes coûts, les mêmes process de fabrication et les mêmes volumes traités. Il est important que des industries se développent ! » Autre frein, selon notre interlocutrice, les taxes appliquées aux employeurs pour leurs salariés. « Un ouvrier par exemple, nous coûte 50 euros de l’heure. Tout le monde ne peut pas se permettre de débourser ce montant, et je pense que si le gouvernement défiscalisait partiellement l’emploi, ce serait plus simple de recruter pour fabriquer en France. »

« Il faut un marketing plus encadré, car le "fabriqué en France" doit être honnête »

Joachim Di Dio est responsable de développement au sein de l’entreprise Adam Pack, basée à Sainte-Hélène et spécialiste de caisses en bois pour les vins et spiritueux. Habituée aux clients haut de gamme tels que Mouton-Rothschild, elle se lance dans le marché du BtoC. Pour faciliter le fabriqué en France, Joachim Di Dio voudrait un marketing plus encadré. « On voit parfois des entreprises qui jouent sur le "made in France", alors que leur matière première vient de loin, ou que c’est un pourcentage minime des produits. Pour moi, le "made in France" doit être propre, honnête. Même si pour certains secteurs il peut être très compliqué d’avoir une matière première française, je suis sûr que dans un grand nombre de cas, il est possible de réimplanter des filières françaises. Il y a des questions de coût, d’accord, mais c’est assez classique comme réponse. » Car si Adam travaille avec des scieries locales, basées autour de son usine, elle connaît une concurrence étrangère. « Il y a d’importantes scieries espagnoles qui, en termes de coût, sont inatteignables pour nous. Le fabriqué en France, doit aussi être un choix assumé. Dire "ok, c’est plus cher, mais c’est plus respectueux". Il faut prendre conscience que c’est aussi pour servir la cause environnementale. »

« Il y a un problème, car on n’a pas les moyens d’acheter les vêtements qu’on fabrique »

Si fabriquer en France relève pour beaucoup de valeurs, de choix, d’autres réalisent qu’une production hexagonale n’est pas forcément tenable. Lisa Rivière a créé sa marque de prêt-à-porter, The Other Side, en 2020. Les vêtements sont aujourd’hui confectionnés à Eysines, les accessoires à Bordeaux et les sacs à dos dans la région nantaise. « Pour moi, c’était une démarche écologique, explique l’entrepreneuse. Mais je me rends compte que c’est très compliqué d’arriver à faire des vêtements abordables. Je visais au départ une clientèle jeune, entre 25 et 30 ans, qui démarre dans la vie active. Je me suis retrouvée à l’opposé de ce que je voulais, car aujourd’hui je vends un top entre 110 et 190 euros. C’est cher ! 50 euros me paraîtrait un juste prix, mais ce n’est pas possible. » Lisa Rivière pense désormais à délocaliser sa production, en Inde ou au Népal. « Mais il ne faut pas que ce soit au détriment des personnes qui travaillent, précise-t-elle. Je me dis qu’en me fournissant en tissus fabriqués sur place à base de chanvre, ma marque restera écoresponsable et sera plus accessible. Ce sont deux éléments difficiles à allier aujourd’hui, et il y a un vrai problème quand en France, on n’a pas les moyens d’acheter les vêtements qu’on fabrique. »

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