Papeterie de Bègles : tout comprendre des projets de reprise - Premium

Au cœur de Bègles depuis presque 100 ans, la papeterie trône, sur près de sept hectares. D’une capacité de production de 77.000 tonnes de papiers par an, elle compte 91 salariés. D’abord dédiée à la production de « big bags » à sa création en 1929, elle s’est réorientée vers le papier stratifié ou le papier pour plaques de plâtres. Au grès de ses repreneurs et clients. En 2011 le groupe belge Etex rachète l’usine à la société Lafargue, propriétaire depuis 1986, et en devient l’unique client.Octobre 2020 : Etex souhaite vendre C’est en octobre 2020 que Etex, groupe spécialisé dans les solutions de construction, annonce se désengager de la papeterie de Bègles le 31 mars 2021. Dès ce moment, le groupe entre dans une phase de recherche d’un repreneur. « Nous étions une papeterie monoproduit et monoclient, explique Claude Duthil, ancien contre-maître fabrication et président de l’association Avenir papeterie de Bègles. On ne produisait du papier que pour la plaque de plâtre que vend Etex. » Spécialisée dans le papier recyclé comme matière première, l’usine traitait environ 100.000 tonnes de vieux papier par an.Février 2021 : début du PSE Quatre mois après l’annonce de la vente, Etex ne trouve pas de repreneur. La direction décide alors d’enclencher un PSE, plan de sauvegarde de l’emploi. « On a alors entamé la deuxième phase : la recherche de réindustrialisation. Dès février nous savions que nous ne ferions plus de papiers pour plaques de plâtres, poursuit Claude Duthil. Mais on nous a demandé de maintenir la production pour garder l’outil en état de fonctionnement. » Les salariés s’exécutent jusqu’au 31 mars dernier, date effective de désengagement pour Etex. Deux clients potentiels s’intéressent au projet de réindustrialisation : Global Hygiène, groupe français spécialisé dans les produits d’hygiène et d’essuyage unique ; et un industriel souhaitant garder son anonymat. « Il y a eu des échanges entre eux et la direction mais finalement, cet industriel a préféré se retirer. Il savait que notre papeterie pouvait avoir une troisième vie, raconte notre interlocuteur. Alors, il a décidé de rétrocéder l’intégralité de son projet aux salariés. »Mars 2021 : les salariés montent au créneau Le 8 mars dernier, l’association Avenir papeterie de Bègles voit le jour. Constituée d’anciens salariés, elle porte un projet de réindustrialisation visant à conserver la masse salariale, réaliser des produits à valeur ajoutée et – évidemment, conserver l’usine. « D’autres personnes sont venues se greffer à notre groupe, reprend Claude Duthil. Des spécialistes de la finance, qui travaillaient notamment chez Secafi, mais aussi un industriel, des cabinets d’avocats. » « Nous nous sommes créés rapidement car le 15 mars était la date de signature du contrat d’exclusivité entre Etex et Global Hygiène. Nous avons déposé notre dossier en demandant de l’équité entre les deux projets, mais le contrat a tout de même été signé. J’ai le sentiment que l’on ne nous a pas pris au sérieux, que la direction nous a considéré comme une association de salariés souhaitant leur casser les pieds avant de partir. » Conséquence : jusqu’au 31 juillet prochain, le groupe Etex ferme toute communication avec l’association. Le projet de Global Hygiène se fonde sur la production de ouate de cellulose recyclée, qui nécessiterait d’installer une nouvelle machine sur le site.Le projet d’Avenir papeterie de Bègles De son côté l’association prévoit une réindustrialisation en plusieurs étapes, utilisant uniquement du papier recyclé comme matière première. « Nous avons plusieurs secteurs d’activités en vue, mais d’abord il faut trouver une activité capable de libérer de l’argent rapidement, développe le président d’Avenir papeterie de Bègles. Nous proposons de produire de la pâte à papier pour la vendre en Chine, pays qui manque de cette matière première. » Au bout de deux ans s’enclencherait la deuxième phase : utiliser cette même pâte à papier pour la transformer en matériaux d’isolation et notamment en ouate de cellulose, « car on sait qu’il y a une forte demande à ce niveau ». Enfin troisième et dernière phase, les anciens salariés réfléchissent à une diversification d’activité pour ne pas reproduire le même schéma que précédemment. « Nous serions prêts à redémarrer dès janvier 2022, martèle Claude Duthil. Mais nous sommes tributaires des négociations en cours. » Depuis octobre dernier le maire de Bègles et vice-président de Bordeaux Métropole, Clément Rossignol-Puech, souhaite que le site reste à vocation industrielle papetière. « C’est extrêmement important car on est là au cœur du projet Euratlantique, où la ville a plusieurs fonctions. »Maintenant, attendre Désormais les anciens salariés doivent patienter jusqu’au 1er août prochain, date de la fin de la négociation entre Etex et Global Hygiène. Si les deux parties ne trouvent pas de terrain d’entente, le groupe propriétaire devra reprendre contact avec l’association. « A ce moment nous pourrions avoir accès aux chiffres précis de l’usine, car pour l’instant nous n’avons rien. Mais nous avons estimé qu’un redémarrage du site nécessiterait 10 millions d’euros. Pour obtenir cette somme nous pensons à des fonds privés d’investissement, des fonds de mutualisation ou à des industriels prêts à nous aider. » Bordeaux Métropole a récemment voté une subvention de 15.000 euros au projet, et la mairie de Bègles leur a alloué 1.500 euros. « C’est un très beau projet de reprise, reprend Clément Rossignol-Puech. Ils proposent, en plus de l’aspect coopératif, un volet formation avec l’ouverture d’un CFA papetier. Nous les rencontrons régulièrement aux côtés de la Région pour que leur projet murisse. » L’édile a également stipulé à Etex que si ce dernier souhaitait vendre le terrain à un promoteur, il demanderait au président d’Euratlantique et à la Métropole d’user de leur droit de préemption pour acquérir le site au prix du marché. D’ici 15 jours Claude Duthil et ses anciens collègues espèrent se rendre à Bercy pour défendre leur projet, et tenter d’obtenir une subvention. « Nous sommes allés à la mairie, à la Région. Si l’on doit aller jusqu’à Bruxelles au Parlement européen, nous irons. »

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