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Papeterie de Bègles : les ex-salariés ne lâchent pas leur projet de reprise

Stratégie
mercredi 05 janvier 2022

Évincés de la course suite à la signature d’un protocole d’accord entre Etex et l’EPA Bordeaux Euratlantique, les ex-salariés de la papeterie de Bègles défendent toujours le bien-fondé de leur projet de reprise. S’ils se disent déçus de l’action des pouvoirs publics locaux comme de l’opacité de la transaction en cours, ils souhaitent désormais collaborer avec le repreneur désigné pour le site, le groupe Global Hygiène, à qui ils promettent synergies et économies d’échelle.

Tous l’assurent, il ne s’agit pas d’un baroud d’honneur. « Le projet Origami continue et continuera à vivre, tout simplement parce qu’il s’agit de conserver un outil industriel de plus de cent ans d’existence, de conserver des savoir-faire et d’innover avec la capacité à créer des matériaux biosourcés, en traitant jusqu’à 100.000 tonnes de vieux papiers par an », résumait mercredi matin Claude Duthil, contremaître fabrication, aujourd’hui président de l’Association avenir papeterie de Bègles, qui œuvre depuis plus de neuf mois à un projet de reprise de ce site industriel fermé et mis en vente par son actuel propriétaire, le groupe belge Etex.

L’association, montée par d’ex-salariés d’Etex et leurs soutiens, vient tout de même de subir un revers significatif : peu avant Noël, le groupe belge a annoncé la signature d’un protocole d’accord avec l’EPA Bordeaux Euratlantique – en charge de l’aménagement de la zone à laquelle appartient le site, selon les termes duquel l’aménageur allait se porter acquéreur du foncier de la papeterie, en vue de permettre la concrétisation du projet industriel porté par le groupe bourguignon Global Hygiène sur une partie du site.

Une vraie déception pour l’association, qui avait présenté mi-décembre une nouvelle version de son projet, assortie de lettres d’engagement de la part de partenaires bancaires et supervisée par le cabinet TAS by Concorde, spécialiste des accords transactionnels. « Nous avons formulé trois propositions avec des intentions différentes, c’est peut-être ce qui nous a décrédibilisés auprès d’Etex, alors que nous avons répondu à toutes leurs interrogations », analyse Claude Duthil. Etex, de son côté, indique avoir privilégié Global Hygiène pour la « robustesse financière et technique » de sa proposition de reprise, jugée supérieure à celle du projet Origami.

Un accord tripartite qui interroge

Tout en prenant acte de cette décision, l’association s’interroge tout de même sur le mode opératoire finalement retenu, avec un accord tripartite impliquant l’EPA Bordeaux Euratlantique, au lieu d’une simple transaction de gré à gré. « Nous avons fait trois rencontres avec l’EPA. À la dernière, nous leur avons proposé qu’ils reprennent le foncier et nous l’outil industriel, ils nous ont dit que ce n’était pas possible. Ce qui nous a été refusé, c’est ce qui est en train de se passer avec Global Hygiène », plaide Claude Duthil.

Quelle est la nature exacte du protocole d’accord passé entre l’EPA, Etex et Global Hygiène, et quelle place laisse-t-il à des projets satellite, à l’image du projet de création d’un Centre de formation des apprentis (CFA) porté par l’association pour contribuer à mieux valoriser l’outil industriel de la papeterie ? « Le maire de Bègles attend de connaitre précisément les termes de l’accord de reprise et l’évolution de l’ensemble du site », indiquait sa mairie au lendemain de l’annonce de l’accord, alors que l’élu siège au conseil d’administration de l’EPA.

Même son de cloche du côté de la CCI Bordeaux-Gironde, qui dispose pourtant elle aussi d’un siège autour de la table. « Avec Alain Anziani et Clément Rossignol-Puech, nous avons demandé à Etex et à Euratlantique de préciser les conditions de l’accord, dans lequel l’EPA semble avoir joué un rôle prépondérant. Du côté de la CCI, nous ne voulons pas que la promesse de libérer du foncier pour la création d’un CFA papeterie soit oubliée, et nous regrettons de n’avoir jamais pu discuter directement avec Etex, c’est regrettable », estime Patrick Seguin, son président, qui ne souhaite pas voir se reproduire un scénario similaire à celui de Ford à Blanquefort. Du côté de l’EPA, contacté mercredi par Placéco, on botte pour l’instant en touche, en promettant tout de même une déclaration sur le sujet dans les prochains jours.

Faire cohabiter les deux projets sur le même site ?

En attendant, l’association Avenir papeterie de Bègles n’entend pas baisser le rideau. Après avoir rencontré le maire de Bègles et le président de la région mardi, elle se dit prête à engager les discussions avec Luc Brami, PDG de Global Hygiène, pour le convaincre de l’intérêt à porter de front leurs deux projets. Avantage : les deux activités ne sont pas concurrentes, puisque Global Hygiène élabore des produits d’hygiène et d’essuyage, là où Origami se concentrerait sur la production de matériaux d’isolation à partir de papiers et cartons de recyclage.

« Toutes les installations dont Global Hygiène ne veut pas sont celles dont nous avons besoin pour Origami. En associant nos deux projets, on passerait de 30.000 à plus de 100.000 tonnes de papier traitées par an, et de 30 ou 40 emplois à plus de 100 », fait valoir Claude Duthil. Les synergies seraient également intéressantes du point de vue de l’outil industriel, avec la possibilité de mutualiser les consommations d’énergie, la production de vapeur ou l’épuration. « Ça coûterait moins cher à Global Hygiène, et ça lui permettrait d’être opérationnel plus rapidement, puisqu’il n’y aurait pas besoin de démanteler l’outil existant ».

S’ils assurent avoir toujours reçu une oreille attentive et un soutien de principe des pouvoirs publics, les membres de l’association regrettent que ces derniers ne se soient pas engagés plus formellement à leurs côtés. « L’architecture de notre projet est crédible. Peut-être que nous, nous ne l’étions pas, mais à partir du moment où on répond à un besoin public et où on offre une solution concrète pour créer de l’emploi et préserver un outil industriel, la puissance publique nous regarde-t-elle essayer de ne pas couler ou essaie-t-elle au contraire de nous aider ? », s’interroge Jean-Jacques Bordes, l’un des animateurs de l’association.