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Nicolas Foucard, UIMM : « l’initiative R2ID va renforcer l’écosystème industriel local »

Écosystème
jeudi 03 décembre 2020

Nicolas Foucard - photo UIMM

Soutenue par le plan de relance et les mesures d'activité partielle, l'industrie girondine se met en ordre de marche pour la reconquête, avec le lancement de l'initiative Résilience industrielle et industrie durable (R2ID). Etat des lieux et perspectives avec Nicolas Foucard, président de l'Union des métiers et industries de la métallurgie (UIMM), Gironde-Landes et Nouvelle-Aquitaine.

L’UIMM soutient historiquement l’apprentissage comme tremplin vers l’emploi dans l’industrie, dans quelle mesure la crise a-t-elle freiné la dynamique engagée ces dernières années ?
Nous avons pris, avant la crise du Covid, l’engagement d’augmenter de 40% sur cinq ans le nombre d’apprentis dans l’industrie métallurgique. Cet engagement aurait pu être mis à mal avec la crise, mais l’ensemble du tissu industriel, à commencer par les chefs d’entreprise, a fait preuve de responsabilité en prenant des jeunes en apprentissage et en renouvelant des contrats, alors même que la situation offre une visibilité très limitée sur l’avenir. Je me réjouis que l’industrie ait su relever ce défi, avec un niveau d’apprentissage quasiment équivalent en 2020 à celui de 2019. En tant que chef d’entreprise, président de fédération mais aussi père de famille, je me réjouis que l’industrie n’abandonne pas les jeunes.

Pourquoi l’attractivité en direction des jeunes est-elle si importante ?
L’industrie sort d’une période compliquée, après 15 ou 20 ans pendant lesquels on a observé une désaffection au sens large pour les métiers de l’industrie. Cette situation a conduit la France à reculer par rapport à d’autres pays européens. Nous avons réussi ces dernières années à redresser la barre en matière d’image, en faisant valoir auprès des jeunes que nos métiers sont de beaux métiers, plutôt bien payés et bien loin de l’image d’Epinal à la Germinal. La pyramide des âges est relativement défavorable, il y a donc beaucoup d’opportunités pour les jeunes dans les années à venir.

A l’échelle de la Gironde, quel est l’état d’esprit des adhérents de l’UIMM ?
Je retiens plusieurs éléments positifs, à commencer par l’attitude proactive des pouvoirs publics avec la mise en place d’outils qui nous aident à traverser la crise. Les mesures de chômage et d’activité partielle de longue durée, pour lesquelles un accord cadre a été rapidement signé dans la métallurgie, ont pu être utilisées massivement. En parallèle, les chefs d’entreprise ont fait preuve d’un sens aigu des responsabilités dans la mise en place des protocoles sanitaires. J’ai pu constater directement en rendant visite à certains de nos adhérents à quel point les entreprises avaient réussi à s’organiser, qu’il s’agisse de la mise en place du télétravail pour les métiers compatibles, de la création de sens de circulation dans les ateliers ou des masques.

Aujourd’hui, environ deux tiers des entreprises ont recommencé à fonctionner comme avant la crise. Le sentiment est donc plutôt favorable, même s’il reste bien sûr un tiers des entreprises pour lesquelles la situation est encore complexe. Les investissements reprennent, mais de façon modérée. La principale difficulté reste la très faible visibilité sur 2021, avec à ce jour une réelle atonie des exportations. J’espère que les campagnes de vaccination vont favoriser la reprise de l’activité pour que l’on puisse rattraper une partie du chemin perdu, mais il faut être conscient que ça va être long. Les raisons de la crise étaient très différentes, mais à titre de comparaison il a fallu attendre 2019 pour que les chiffres de l’emploi dans l’industrie métallurgique en région Nouvelle-Aquitaine retrouvent un niveau supérieur à celui de 2008. Espérons donc que cette nouvelle crise se résorbe plus rapidement !

La santé de la filière aéronautique en Nouvelle-Aquitaine suscite-t-elle des craintes particulières ?
La filière régionale a pour caractéristique d’être assise sur deux piliers, avec l’aéronautique civile, frappée par une baisse assourdissante, et des activités défense qui permettent d’amortir une partie de baisse. Le trafic aérien a décru d’environ 80% au niveau mondial. Cette chute entraîne une baisse d’activité d’environ 40% sur l’aéronautique civil, avec un impact réel sur l’emploi dans un certain nombre de grands groupes, largement médiatisés, mais aussi chez les principaux fournisseurs de la filière présents en Nouvelle-Aquitaine comme Stelia, Latécoère et d’autres. Derrière, l’ensemble de la chaîne de sous-traitance est aussi concerné, avec des conséquences sur l’emploi pour tout le tissu des petites, voire très petites, entreprises. L’activité partielle de longue durée a permis de limiter l’impact sur l’emploi, mais toute la chaîne de valeur a subi l’impact de la crise.

Comment l’UIMM soutient-elle la relance industrielle au niveau local ?
L’UIMM Nouvelle-Aquitaine, en lien avec le comité France Industrie et avec le soutien du conseil régional, a mis en place une initiative baptisée Résilience industrielle et industrie durable, ou R2ID. Elle a pour objectif d’accompagner les entreprises industrielles sur le terrain, au plus près de leur bassin d’emploi, pour favoriser l’éclosion de leurs projets de relance et les aider à mobiliser si nécessaire les leviers financiers du plan de relance national. Cette action collective, qui mobilise dix branches professionnelles, doit renforcer l’écosystème local en favorisant les échanges B2B, qu’il s’agisse de signer de nouveaux marchés ou de se prêter de la main d’œuvre.

Le fait de mobiliser des filières industrielles différentes permet de gommer les difficultés liées à une éventuelle concurrence. Un acteur de la métallurgie sera par exemple plus enclin à laisser ses salariés travailler chez une entreprise de la filière bois ou du recyclage. La démarche permet à la fois à l’entreprise initiale de garder ses compétences et à la personne concernée de travailler sur son bassin d’emploi. Pour porter cette initiative, nous allons mettre en place des chefs de projet et des animateurs territoriaux qui vont aider les entreprises à mettre en place leurs projets d’innovation, soutenir la création de marchés inter-filières, et mettre en place l’ingénierie financière nécessaire pour aller répondre à des appels d’offre plus ambitieux.

Demandez-vous un assouplissement de la législation sur le travail ?
Je me réjouis en premier lieu qu’un accord ait enfin été trouvé sur le télétravail, en sachant qu’il est indispensable que les outils soient au plus près de la réalité du terrain, très différente selon les secteurs d’activité. Pour le reste, il faut garder en tête que la crise est mondiale, avec des réponses sanitaires et un accompagnement économique propres à chaque pays. Dans ce contexte, je demande simplement que l’on n’aille pas créer des contraintes nationales qui n’existent pas dans d’autres pays. La concurrence autour de la reprise risque d’être féroce, il faut donc veiller à ne pas alourdir notre sac à dos au moment où l’on souhaite recommencer à courir vers la croissance. Ne rajoutons pas de l’insécurité juridique à un environnement déjà marqué par le manque de visibilité sur les perspectives économiques, au risque de susciter un comportement attentiste et des investissements en berne. 

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