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Mobilité : « Les deux sujets capitaux sont les bornes de charge et la batterie »

Écosystème
vendredi 15 octobre 2021

Jean-Patrick Teyssaire, président d'Electric-Road. Crédits : Jean-Patrick Teyssaire

Le salon Electric-Road, « forum expert » de la mobilité électrique, se tient au parc des expositions de Bordeaux du 18 au 20 octobre prochain. Poids lourds, batteries ou encore bornes de charge, quels sont les enjeux de demain ? Éléments de réponse avec Jean-Patrick Teyssaire, président de l’événement.

Cette année, au-delà de la thématique générale de la mobilité électrique, sur quels sujets se positionnera Electric-Road ?
Nous traiterons beaucoup de sujets, mais il y en a notamment deux qui me paraissent capitaux : les bornes de recharge et les batteries. Ces deux piliers sont, en résumé, ce qui pourrait représenter le plus d’obstacles au déploiement massif de la mobilité électrique. Le changement d’énergie est un événement exceptionnel et d’une ampleur qu’on ne peut même pas imaginer aujourd’hui. Il y aura de nombreuses étapes, et des embûches à chacune d’elles.

Quelles sont les problématiques, aujourd’hui, autour des bornes de recharge ?
C’est un sujet compliqué, qui ne va pas assez vite car il n’y a tout simplement pas assez de bornes. Les constructeurs automobiles nous disent, « on veut bien continuer à faire de l’électrique, mais si on ne peut pas recharger les véhicules, personne ne va les acheter ». On devait avoir 100 000 bornes à la fin de l’année 2021, ce palier est repoussé car aujourd’hui on n’y arrive pas, il n’y en a que 45 000 en France. Une borne coûte 50 000 euros, comment les entreprises la rentabilisent-elles ? C’est très compliqué car il y a encore peu de temps on n’avait pas le droit de faire de l’électricité. Les marges dans ce secteur sont très faibles car l’électricité n’est pas vendue cher. Également, les bornes tombent trop souvent en panne ce qui a semé le doute parmi les consommateurs, il y a des problèmes de paiement aussi car il n’y a aucune standardisation des cartes de paiement.

Y a-t-il un manque de synergie entre les différents acteurs de la mobilité électrique ?
En fait, on constate qu’il y a plus de synergies entre les constructeurs et les industriels de la batterie, qu’entre les constructeurs et les réseaux de charges. À deux exceptions près, Tesla et Porsche, qui ont décidé d’investir dans la charge alors que ce sont les pouvoirs publics qui doivent financer les infrastructures. Jusqu’à nouvel ordre, on n’a jamais demandé aux constructeurs de voitures thermiques d’aller chercher le pétrole eux-mêmes. Mais ces deux constructeurs ont les moyens, on ne peut pas demander à Stellantis de créer son propre réseau de charge !

Rattraper le retard face à l’Asie

Pour revenir au deuxième enjeu, la batterie, où en est-on actuellement ?
À ce jour, on s’est complètement laissé distancer par l’Asie, qui fabrique 100 % des cellules qui composent une batterie. Nous, en Europe, sommes très forts en assemblage, mais les industries asiatiques se sont positionnées avant tout le monde, notamment en achetant des mines de minerais composant la batterie. Notamment le cobalt, au Congo. Finalement, le bouleversement climatique est le meilleur allié de la croissance chinoise, et le fait que l’Europe interdise la voiture thermique à horizon 2035, c’est du pain béni pour eux.

L’Europe et la France peuvent-elles rattraper ce retard ? Et surtout comment ?
Je dirais que oui, depuis le discours d’Emmanuel Macron, mardi 12 octobre [ndlr, durant lequel il a détaillé son plan d’investissement France 2030]. Le groupe Stellantis a monté un consortium avec Saft, nommé Automobile Cells Compagny. Ils ont été rejoints par Mercedes, et portent un projet énorme qui peut concurrencer l’industrie chinoise, avec une participation significative de l’Etat. Il s’agit de trois méga usines de batteries basée dans le nord de la France, en Allemagne et en Italie. C’est un bon signal que l’Europe rassemble ses forces, car cela va être très compliqué de rattraper le retard mais on peut peut-être y arriver sur le plan technologique. Historiquement, la Chine arrive à proposer des prix réduits, et sur ce plan-là, on aura du mal à la rattraper. Mais on pourrait être plus rapides qu’eux sur le sujet de la batterie à électrolyte solide, qui réunit à peu près tous les avantages : plus solide, moins chère, avec plus de cycles de charge, plus performante et moins dangereuse. En clair, le premier qui décrochera cette batterie gagnera le pompon. Et puis, je précise que tous les gens que je cite seront à Electric-Road la semaine prochaine ! On n’est pas là pour faire la fête, mais pour travailler tous ensemble.

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« Il commencer et faut essuyer les plâtres »

Quand on parle mobilité électrique, on pense généralement à la voiture, ou aux moyens de transports plus légers comme la trottinette ou le scooter. Est-ce difficile de les adapter à des véhicules lourds ?
Non, ça n’aurait aucun sens sinon. 90 % des transports de marchandises se font par la route, avec les problèmes que cela génère : pollution urbaine et microparticules, gaz à effet de serre… Il y a d’autres véhicules à développer que la voiture. Pour les transports en commun, ça fait des années que c’est en place avec Keolis ou Transdev par exemple. Pour les camions il va falloir trouver un système pour transporter un poids lourd avec une batterie, par exemple en l’alimentant par la route. C’est un vrai sujet, qui donnera lieu à une conférence durant Electric-Road, le mercredi 20 octobre. Et puis, le transport routier pose aussi la question de la balance commerciale du pays, pour ce que représente le pétrole ou le gaz en termes de guerre ou de terrorisme. Ces énergies sont toujours accompagnées de violence. Si demain, on peut trouver une autre forme d’énergie, plus locale comme l’électrique, ce serait beaucoup plus vertueux.

Pourtant, on connaît les problèmes liés aux mines notamment en Afrique, dans lesquelles on récupère les minerais nécessaires aux batteries…
Oui, mais c’est comme tout, il faut commencer et essuyer les plâtres. Aujourd’hui, on développe des batteries avec des métaux comme le zinc, le nickel ou le fer, qui sont beaucoup plus simples à trouver et deviennent recyclables à 80 %. Ces problèmes-là, on ne peut pas les régler d’un coup de baguette magique, après 1 demi-siècle de développement du moteur thermique. Ni décider que la batterie soit « clean » alors que ça ne fait que 10 ou 15 ans qu’on s’en occupe.

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