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Les transporteurs girondins face à la flambée des prix du carburant

Stratégie
lundi 28 mars 2022

La "taxe gasoil", qui permet en principe aux transporteurs de répercuter les surcoûts en pied de facture, se révèle difficile à appliquer

Trésoreries et marges en berne, négociations âpres et journalières avec les clients, arrêt des camions pour ne pas travailler à perte… Les transporteurs subissent de plein fouet la hausse historique, ce mois de mars, des prix du carburant.

« Nous avons vécu un véritable tsunami avec des prix du gazole à 1,30€ en janvier puis à 1,40€ en février et désormais à 1,72€. Le carburant est devenu le premier poste de charges après les salaires, presque à équivalence. On ne peut pas absorber une telle évolution en si peu de temps », s’exclame Nicolas Guyamier à la tête des Transports Guyamier, société basée à Ambés employant 270 salariés et une flotte conséquente de 250 véhicules. De fait, pour cette profession, qui a accusé des hausses progressives des prix du carburant depuis un an, celle historique enregistrée en mars fait l’effet d’un coup de grâce. « Ce mois-ci, le surcoût par véhicule est de 2000€, soit un surcoût mensuel pour ma société de 150.000€. Désormais, nous vendons à perte », s’alarme Franck Teyssou, président notamment des Transports Cazaux implantés à Sainte-Hélène, rassemblant 120 véhicules et 95 salariés.

Même les transporteurs ayant opté pour des véhicules GNV (Gaz Naturel Véhicule) se trouvent acculés. « Le prix du gaz, avec la flambée de l’indice PEG, a été multiplié par 4 ou 5. J’ai dû mettre à l’arrêt certains de mes véhicules car j’arrivais à un surcoût de 5000€ sur chacun par rapport à un véhicule gazole », témoigne un autre transporteur girondin, Nourrédine Ziane, dirigeant de MTS Transports à Bassens et président en Gironde de la Fédération nationale des Transports routiers, qui a cependant réussi à négocier désormais un prix fixe intéressant avec un fournisseur lot-et-garonnais.

De multiples voyants sont au rouge

Ce serait ainsi l’ensemble de la profession, quelle que soit la taille de l’entreprise, qui serait touché par cette flambée des prix de l’énergie. « Dans ce secteur, en effet, les marges sont très faibles, en moyenne de 1 à 2%. De ce fait, toutes les entreprises connaissent des difficultés pour absorber ces surcoûts », indique Caroline Augé, déléguée régionale Nouvelle-Aquitaine de l’Organisation des Transporteurs Routiers Européens. Selon elle, plusieurs voyants sont au rouge : des trésoreries ponctionnées, le recours à l’activité partielle pour certains, des départs en retraite anticipés, des demandes de report de charges auprès de l’Urssaf, la crainte de manquer de garanties pour obtenir l’autorisation de transport… « On voit également que certains, faute de trésoreries, sont obligés d’acheter du carburant au coup par coup et non plus à la cuve; les vendeurs réclamant des garanties de paiement ou même de payer comptant », ajoute Caroline Augé.

Un pied de facture parfois difficile à appliquer

Faute d’alternative, les transporteurs tentent dès lors de répercuter ce surcoût sur les factures. « Le temps de facturation étant habituellement d’un mois, nous nous sommes mobilisés pour revaloriser les tarifs avec effets immédiats en expliquant à nos clients que c’était ça ou la mort », explique le dirigeant du groupe Guyamier, contraint parfois désormais de refuser des prestations, « ce qui est désastreux commercialement. »

Actuellement, chez tous les transporteurs, les négociations battent leur plein, instituant souvent des rapports de force. « Elles sont journalières et particulièrement difficiles, notamment pour revenir sur des accords-cadres qui fixaient un engagement de prix à l’année. Même si l’indexation sur le prix de l’essence fait partie de la loi, dans les faits, cela reste la loi de l’offre et de la demande », abonde Frank Teyssou, des Transports Cazaux et également président de l’OTRE-Gironde. Pour le dirigeant de MTS Transport, qui a appliqué une hausse sur les factures d’environ 8 à 9%, -le carburant représentant en moyenne 25 % du coût de revient-, « même si l’indexation a été prévue préalablement dans des contrats avec des clients réguliers, il n’en reste pas moins les contrats one shot pour lesquels on doit négocier au jour le jour. »

De fait, si la loi de 2006 permet aux transporteurs de répercuter sur leurs factures un prix indexé sur celui du carburant, le fameux « pied de facture », la réalité est plus compliquée. « Cette loi d’ordre public n’est pas automatique, laisse libre cours à la négociation et créé des inégalités entre transporteurs. Ce sont les petites entreprises qui ont en effet le moins de marge de manœuvre pour négocier, s’opposer, défendre leurs intérêts auprès du donneur d’ordre », analyse ainsi Caroline Augé.

Des aides étatiques jugées insuffisantes

Vécue comme un « véritable bol d’air », la décision mi-mars du gouvernement, de verser des aides (400 M€), allant de 300 à 1300€ par véhicule -selon le tonnage de celui-ci-, n’en reste pas moins jugée insuffisante. « Sur un tracteur routier, même avec une aide de 1300€ par véhicule, le delta différentiel sera encore de 700€. C’est de plus une aide ponctuelle qui ne compense pas les pertes depuis janvier », estime Franck Teyssou. De même l’annonce d’une remise de 15 centimes par litre à partir d’avril, laisse les transporteurs dubitatifs, ne sachant pas comment fluctueront les prix.

Tous réclament des mesures plus radicales et ciblées sur leur profession. « Pourquoi le gouvernement n’applique-t-il pas le plancher autorisé européen de 33 centimes de récupération de la TICPE, contre 12 centimes actuellement, ce qui serait une aide en phase avec notre métier ? », défend ainsi le transporteur Franck Teyssou. Pour Caroline Augé de l’OTRE, « il faut aussi revoir la loi de 2006 en rendant l’indexation réellement automatique et ne laissant pas de place à la négociation. Sur le long terme, il faut travailler sur le recours à des énergies alternatives comme le biogaz, avec des prix non indexés sur ceux du pétrole et plafonnés ». Le représentant régional de la FNTR, Nourrédine Ziane, lui, plaide pour une méthode de calcul du coût du carburant simplifié. « Il faudrait un prix fixe du carburant professionnel sur six mois pour éviter cette folie et ces coups de poker. »

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