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Khiko : une startup girondine face aux défis du fabriqué en France

Stratégie
lundi 24 janvier 2022

Pascal Lavaur, fondateur de Go4ioT - Khiko, a développé un antivol connecté 100% fabriqué en France - crédit Go4ioT

Et si le soutien au made in France n’était pas qu’une affaire de fonds propres en direction des technologies de rupture ? Le créateur de Khiko, un antivol connecté destiné aux véhicules, met en lumière les difficultés que rencontre sa startup pour maintenir sa fabrication 100% française.

« Nous faisons un point d'honneur à fabriquer en France mais ce n'est pas simple... Aidez-nous !! », interpelle Pascal Lavaur, fondateur de Go4ioT, dans un message publié sur LinkedIn. Au même moment, la ministre déléguée à l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, est en visite dans le nord de la France, pour saluer la levée de fonds record d’Exocet et annoncer la mise en place d’un plan de 2,3 milliards d’euros sur cinq ans pour favoriser l’émergence de startups industrielles. « C’est un hasard du calendrier », précise Pascal Lavaur à Placéco. La simultanéité est fortuite, mais elle souligne la diversité des problématiques liées à la question du fabriqué en France.

Fondée en 2018 à Saint-Médard-d'Eyrans, Go4ioT développe un antivol connecté destiné aux véhicules, d’abord professionnels, puis de loisirs. Ce « tracker », intégralement conçu et fabriqué dans le sud-ouest de la France, prend la forme d’un petit boîtier, dissimulé à bord, capable de donner l’alerte et de transmettre sa position dès qu’un mouvement suspect est détecté. Présenté pour la première fois au CES de Las Vegas en 2019, Khiko est commercialisé l’été suivant, d’abord en B2B, en direction d’une clientèle de professionnels, désireux de sécuriser leurs remorques, leurs engins de chantier ou leurs machines agricoles. Après une présentation réussie sur le salon Rétromobile début 2020, Go4ioT ajoute une corde grand public à son offre commerciale, en ciblant les propriétaires de véhicules de collection, puis le marché – très en vogue – des vans et des camping-cars. À la différence des trackers GPS grand public les plus populaires, vendus à bas prix mais associés à une formule d’abonnement, Go4ioT a fait le choix de ne facturer son antivol qu’à l’achat, avec un prix public conseillé fixé à 468 euros TTC.

Pourquoi avoir fait le choix de fabriquer en France ? « J’avais dès le départ la volonté de travailler en local. D’abord parce qu’avec 20 ans d’industrie derrière moi, je connais les risques qu’il peut y avoir, en termes de qualité ou de logistique, quand on travaille avec l’autre bout du monde, et je ne voulais pas que ces risques puissent tuer dans l’œuf ma société et mon produit. Ensuite, parce que le fait d’avoir tous mes fournisseurs à moins de deux heures de voiture me permet de gagner en réactivité. C’est enfin une volonté plus citoyenne de créer de l’emploi et de valoriser le territoire », explique Pascal Lavaur. La décision n’est cependant pas sans impact sur le plan financier. « Sur la création du moule utilisé pour l’injection plastique, on est sur un ratio de 4 par rapport à la Chine. Et sur les autres composants, on se situe sur un ratio entre 2 et 3 », estime-t-il.

« On me répond d’augmenter mes prix ou d’aller faire fabriquer en Chine »

Reste à valoriser cette « exception française », sur un marché où la concurrence grand public fait majoritairement appel aux usines chinoises. « Au niveau du consommateur final, on sent bien que la fabrication française est un argument, mais uniquement dans la limite du portefeuille, commente l’entrepreneur. En B2B, c’est un peu pareil. On a par exemple des réseaux de distribution dans le monde agricole qui y sont sensibles, et se montrent prêts à faire des efforts ». Sur d’autres marchés, Go4ioT se heurte aux logiques de marges successives, qui compromettent la viabilité de son produit. « J’essaie d’être agile, d’accorder une marge au magasin, de lui faire du dropshipping pour éviter de peser sur le stock, ou de le rémunérer en apporteur d’affaires. On me répond d’augmenter mes prix ou d’aller faire fabriquer en Chine. C’est d’autant plus frustrant que les distributeurs qui testent le produit sont convaincus, et considèrent que le sans abonnement est un vrai plus », regrette Pascal Lavaur. D’où ce billet, mi coup de gueule, mi cri du cœur, publié sur LinkedIn, pour appeler ses interlocuteurs à plus de souplesse.

Aux négociations commerciales s’ajoutent les difficultés liées à l’approvisionnement, particulièrement sensibles dans le monde de l’électronique, avec un appel lancé cette fois en direction des partenaires bancaires et institutionnels de la startup. « Ça fait des mois que j’essaie de constituer un stock de composants stratégiques, pour éviter de nous retrouver face à une accélération de commandes que nous ne pourrions pas honorer », explique le fondateur de Khiko, qui prend bien soin de préciser qu’il ne s’agit pas de stocker des produits finis ou semi-finis, difficiles à valoriser en cas de défaillance de l’entreprise. « Je parle de résistances, de microprocesseurs, de composants standard qui devraient même plutôt prendre de la valeur par les temps qui courent, mais on n’y arrive pas. Les banques nous financeraient pour un bâtiment ou une machine, mais pour un stock elles ne veulent pas », estime Pascal Lavaur, qui dans l’idéal aimerait pouvoir sécuriser 100.000 euros de composants, sous forme de prêt ou d’avance remboursable. « Tout le reste de la chaîne de valeur est local, donc on maîtrise, il s’agit juste de sécuriser les chemins critiques en termes d’approvisionnement, histoire d’éviter le paradoxe d’avoir des commandes et de ne pas pouvoir délivrer ».

Go4ioT - Khiko
Fondée en 2018
3 personnes
CA 2021 : 130k€