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Incendies en Gironde : sera-t-il possible de récupérer le bois brûlé ?

Écosystème
mardi 23 août 2022

Les pompiers sont toujours à l'œuvre et certaines parcelles forestières sont encore inaccessibles. Crédits : SDIS 33

Cet été, les violents incendies ont ravagé plus de 26.000 hectares de forêt, en Gironde et dans les Landes. Alors que l’heure est encore à la vigilance, et que des sapeurs-pompiers s’activent toujours pour éteindre les souches et racines brûlantes, la filière bois s’organise elle aussi. Pour diagnostiquer l’ampleur des dégâts, mais aussi pour sauver la production calcinée. Explications avec Christian Ribes, président de l’interprofession Fibois Nouvelle-Aquitaine.

Plusieurs jours après les incendies, arrivez-vous à dresser un bilan plus précis des dégâts ?
La seule chose que l’on connaît aujourd’hui, c’est le nombre d’hectares brûlés. Il faudra des semaines voire des mois pour dresser l’inventaire par catégorie et classe d’âge, du bois brûlé, car il y a encore des parcelles sur lesquelles nous ne pouvons pas entrer. Ce sera long car il y a des jeunes plantations mais aussi des forêts qui étaient à maturité et qui allaient être récoltées. Ce diagnostic sera le premier travail à mener, car en fonction de la classe d’âge et de l’intensité du feu, les débouchés ne seront pas les mêmes.

C’est-à-dire ?
S’il s’agit de très jeunes plantations, vraisemblablement le bois ne sera pas récupéré car les parcelles seront remises en état pour être reboisées directement avec un bulldozer. Donc le bois sera poussé et finira en compost. Par contre, si les forêts étaient à maturité et si l’intensité du feu n’était pas trop importante, on essayera de récupérer un peu de bois. Mais le travail sera difficile, délicat, car nos machines sont conçues pour couper du bois sain, vierge, et non calciné. Dès que les lames passent dans du bois calciné, cela crée une pâte qui les encrasse et les casse. Donc on mettra beaucoup, beaucoup plus de temps. Si le bois est très atteint il partira dans des chaufferies industrielles et servira de bois-énergie. S’il n’est pas trop abîmé, une fois qu’il aura été purgé et nettoyé, on peut espérer en faire des planches ou le transformer éventuellement en papier.

Est-il urgent de récupérer le bois qui peut l’être ?
Il y a une certaine urgence, qui est la même partout. Tous les propriétaires forestiers voudraient avoir des machines dès la semaine prochaine ; mais le nombre de machines disponibles n’est pas extensible. On fera appel à la solidarité, toute la Nouvelle-Aquitaine jouera le jeu, déjà. Vous savez, après la tempête de 1999, il a fallu plusieurs années pour résorber les dégâts. Ça ne se fait pas en un claquement de doigts.

Travailler avec les services de l'Etat

Quelles sont, seront, les conséquences économiques pour la filière bois en Gironde ?
D’abord, il y a deux catégories de propriétaires forestiers. Ceux qui étaient assurés, et ceux qui ne l’étaient pas. Cette assurance n’est pas obligatoire et ne couvre qu’une petite partie du sinistre, car la part de la franchise est très importante. Le très gros propriétaire, dit « industriel », tire ses revenus de sa forêt et ne peut se permettre de ne pas être assuré. Mais celui qui a hérité de la forêt de ses grands-parents n’est pas forcément assuré, lui. Ce que l’on peut dire aujourd’hui c’est que la plus grande surface boisée est assurée car il y a de très grands propriétaires. Cela ne signifie pas que la majorité des propriétaires sont assurés. Ensuite, il est trop tôt pour jauger les conséquences économiques. Si une forêt de 15 ou 20 ans a brûlé, elle aurait dû être récoltée dans 15 ans donc ce sera une perte économique plus tard. Si une forêt était à maturité, c’est une perte instantanée.

Les dommages seront-ils conséquents, aussi, pour les industries utilisant le bois comme matière première ?
Un industriel a toujours intérêt, économiquement, à s’approvisionner dans un rayon le plus proche possible de son usine. Donc celui qui est basé à Saint-Symphorien est particulièrement concerné. L’industriel basé dans le Médoc le sera moins. Par contre, il va y avoir des effets mécaniques car le bois brûlé aura une valeur fortement décotée et le bois sain, plus rare, fera mécaniquement augmenter la valeur… On peut tout de même relativiser car les incendies ont été moins catastrophiques que la tempête de 1999.

Au-delà du travail de diagnostic, quelles seront vos missions dans les semaines à venir ?
On travaille bien évidemment avec les services de l’Etat, et plusieurs réunions auront lieu en septembre sur le système d’aide au nettoyage, à la reconstitution des forêts, c’est ça qui est important. Il faut faire en sorte que les petits propriétaires ne se disent pas « j’ai tout perdu, je baisse les bras et je laisse le terrain en friche ». Désormais un débat général est lancé, il faut en tirer les enseignements et se poser les bonnes questions. Comment replanter, quelles essences, leur disposition ? De nombreux éléments seront pris en compte.