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Immobilier (1/4) : pourquoi est-il si compliqué de construire des logements à Bordeaux ?

Écosystème
mercredi 02 mars 2022

Pour comprendre les freins et les leviers à la production de nouveaux logements dans la métropole bordelaise, Placéco est allé à la rencontre de plusieurs interlocuteurs. Un dossier spécial à retrouver tout au long de la semaine.

Chaque année, 12.000 nouveaux ménages arrivent en Gironde dont la moitié sur la métropole bordelaise. Crédits : Adobe Stock Russieseo

La Gironde est aujourd’hui le département le plus attractif de France. Selon une étude du cabinet Adéquation, commandée par plusieurs acteurs de la construction, ce sont chaque année 12.000 nouveaux ménages qui arrivent sur le territoire, dont la moitié sur la métropole bordelaise. Opérations plus hautes, densification des communes autour de Bordeaux ou construction ailleurs en Gironde : quelles sont, aujourd’hui, les solutions avancées par les acteurs du secteur ? Comment lever les obstacles existants, et notamment la non-acceptabilité des riverains face à de nouveaux projets ?

Construire entre 7.000 et 10.000 logements neufs par an. Ce serait, selon l'étude du cabinet Adéquation, le besoin de la métropole bordelaise. Un nombre important qui n’est aujourd’hui pas atteint, en partie car le nombre de permis de construire autorisés diminue. De 10.260 en 2015, ils sont passés sous la barre des 5.000 en 2020. Selon Pierre Vital, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de Nouvelle-Aquitaine, l’adage « maire bâtisseur = maire battu » est encore bel et bien ancré. « En tant que promoteurs, c’est compliqué d’avoir des élus qui nous disent qu’ils ne veulent pas construire, explique-t-il. Je pense que c’est principalement un sujet d’électorat, car la construction génère des contraintes pour la collectivité, liées à la cohabitation des riverains avec le chantier. Et puis, une fois livrée, l’opération génère des contraintes collatérales. Les gens se garent dans la rue car il n’y a pas assez de stationnements, il faut plus d’équipements publics, etc. Tout ça va cristalliser des tensions et les habitants concernés ne vont pas forcément voter pour un maire bâtisseur. »

Pour Philippe Rondot, président du bailleur social Domofrance, ce rejet pourrait s’expliquer par plusieurs éléments. Notamment par le caractère violent du rythme des chantiers, « dont Bordeaux est un bon exemple, après avoir glorifié une métropole millionnaire et la production de quartiers entiers ». Euratlantique, Brazza ou encore Bastide-Niel pour ne pas les citer. « Lorsqu’ils ont été annoncés, ces chantiers ont été acceptés. Maintenant, ils mettent la population sous tension. Les gens ne critiquent peut-être pas tant l’inconfort de ces opérations que la défaillance des services qui doivent l’accompagner. Il y a un ras-le-bol concernant la mobilité, il est impossible de se déplacer et ça ne peut avoir pour effet que de renforcer la non-acceptabilité des nouveaux chantiers. »

Des PLU pas forcément respectés

Cette pression des habitants aurait pour conséquence un non-respect du PLU, le plan local d’urbanisme, par les élus locaux. Plutôt, ces derniers privilégieraient des projets en deçà du dimensionnement maximal autorisé par ce PLU. Un avis que partagent Thierry Leblanc, président de la Fédération française du bâtiment de Gironde, et Pierre Vital. « Les élus doivent assumer que si la priorité est de loger les nouveaux habitants, il faut de la densité. Et ne pas avoir peur de respecter les règles d’urbanisme telles qu’elles sont inscrites dans les PLU », martèle ce dernier. De son côté, Christine Bost, maire d’Eysines et vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge de l’aménagement urbain et naturel, ne partage pas ce point de vue. « Il y a une forte mobilisation des habitants concernant les projets immobiliers, et c’est normal. Dans ma commune, je ne passe pas un permis de construire de plus de quatre logements sans concertation avec les riverains ! Et malgré ces discussions, il y a quand même des recours qui sont déposés. Dans ces cas-là, on perd pratiquement deux ans sur le chantier. Pour autant, à l’échelle métropolitaine, je ne pense pas qu’il y ait trop de mauvaises volontés de la part des maires pour délivrer des permis de construire. »

La construction dans le diffus, que porte Pierre Hurmic depuis son élection à la tête de Bordeaux, apparaît aujourd’hui comme l’une des solutions pour loger plus d’habitants. « Elle répond à une attente mais n’est pas assez importante pour satisfaire toute la demande, note Thierry Leblanc. Il est évident qu’il faut une politique urbaine à moyen et long terme, qu’il faut réaliser un état des lieux de l’existant et ensuite, se projeter sur cinq, dix, quinze ans. Pour avoir un urbanisme dont on est acteur et qu’on ne subit pas. » Sauf que les besoins en logements, eux, n’attendent pas. Et du côté des promoteurs, Pierre Vital semble lui aussi mitigé. « Réaliser un programme dans le diffus prend plus de temps car il y a un risque de recours quasi-systématique, si ce n’est pas 80% c’est presque 90% du temps. » Résultat : si la théorie est là, la pratique ne l’est pas.

Pouvoir absorber ces nouveaux arrivants

C’est d’ailleurs cet argument que Christine Bost met en avant, quand on aborde le refus des permis de construire. « Les promoteurs défendent leur vision et c’est normal car ce sont des entreprises, ils doivent sortir des opérations. Lorsqu’ils vont voir un propriétaire de foncier ils y vont avec le PLU, réfléchissent au maximum qu’ils pourront produire et proposent le maximum au propriétaire. Ensuite ils viennent voir les élus en disant qu’on n’a pas été jusqu’au bout. Oui, mais derrière on sait que le permis de construire serait attaqué, ce serait une perte de temps et d’argent ! » La maire d’Eysines illustre ses propos, citant un terrain de sa commune convoité par différents promoteurs. « Le premier est venu nous voir, nous lui avons dit de retravailler son projet qui était trop dense. Il l’a quand même déposé, nous l’avons refusé et entre temps un autre promoteur est venu, a acheté le foncier et a joué le jeu en nous proposant une opération beaucoup plus satisfaisante pour s’intégrer à l’environnement. » Le premier promoteur, lésé, demanderait aujourd’hui 800.000 euros de dommages. Christine Bost dit « ne pas vouloir lâcher », et met en avant la capacité de sa commune à absorber les nouveaux arrivants. « Chaque maire sait ce qu’il peut faire à certains endroits et ne peut pas à d’autres. Je ne veux pas sacrifier ma commune sur l’autel de la production ! »

Pourtant, selon les prévisions du cabinet Adéquation, la croissance démographique se poursuivra dans les années à venir, « avec un phénomène de concentration des emplois et de métropolisation ». Alors, quelles solutions pour construire les logements de demain ? Éléments de réponse à retrouver dans la suite de notre dossier (voir articles ci-dessous).

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