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Eddie Puyjalon : « il faut remettre du bon sens dans la politique régionale »

Écosystème
mardi 08 juin 2021

Eddie Puyjalon - photo Mouvement de la Ruralité

Président du Mouvement de la ruralité, conseiller régional sortant et candidat aux élections du 20 juin prochain avec le soutien du député béarnais Jean Lassalle, Eddie Puyjalon milite pour une politique régionale plus proche des acteurs du territoire, avec une attention particulière accordée aux filières du terroir et de l'agriculture. Pour Placéco, il développe son programme et ses idées en matière de développement économique.

Le Mouvement de la Ruralité, qui prend la suite de Chasse, pêche, nature et traditions, soutient dans la plupart des régions la liste Les Républicains. En Nouvelle-Aquitaine, vous choisissez de vous présenter sous vos propres couleurs, avec le soutien du mouvement Résistons de Jean Lassalle, pourquoi ce choix ?
Nous avons des alliances, un peu partout, prioritairement en fonction de nos positions sur l’agriculture et la ruralité, parfois avec les Républicains, parfois avec les centristes comme Hervé Morin, ou d’autres non classés comme Xavier Bertrand. Nous mettons en place ce type d’accord parce qu’il y a des barrières par rapport à l’engagement financier que peut supporter un parti comme le nôtre. Une simple profession de foi, les bulletins de vote et les affiches représentent pas loin de 290.000 euros. On a fait le choix de la Nouvelle-Aquitaine parce que j’y suis, parce que j’ambitionnais de faire campagne avec Jean Lassalle et parce que c’est une grande région agricole. Notre objectif est que grâce à ces élections régionales, le mouvement prenne de l’ampleur pour devenir quelque chose d’incontournable au niveau national, avec l’ambition de retrouver le bon sens, et mettre à des postes clé des gens qui savent de quoi ils parlent.

N’en déplaise à Alain Rousset, un peu porté sur l’autosatisfaction, c’est aussi la conséquence de notre ressenti après six années passées à la région (Eddie Puyjalon est conseiller régional depuis 2015, ndlr). Les entrepreneurs n’ont pas la traduction, sur le territoire, de ce que peut proposer la Région en termes d’aides et d’accompagnement. Tout ça, ça ne marche pas, c’est trop compliqué. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il faut décentraliser les services de la région, les rendre plus opérationnels, et en profiter pour favoriser le développement des villes moyennes, en arrêtant la métropolisation. Bordeaux, un million d’habitants, il faut arrêter, la thrombose bordelaise devient un frein économique. Nous voulons faire rayonner les villes moyennes, les alimenter à la fois par la route et par le train, TER ou RER. Je viens du bord-blayais, où le taux de chômage est très élevé, alors que le territoire a tous les atouts pour se développer, et depuis dix ans que je bataille, ça ne bouge pas, essentiellement pour des raisons politiques.

Que manque-t-il à la politique du conseil régional ?
Il manque une vraie vision à long terme, centrée sur cette notion du bien commun. Les gens tirent à vue sur Philippe de Villiers, mais il a été un formidable organisateur du territoire. On peut lui reprocher ce qu’on veut, mais la réussite économique de la Vendée, c’est lui. Nous sommes la première région agricole de France, avec un patrimoine incroyable, et on a perdu tout ce qui est première et deuxième transformation des produits, il faut relancer tout ça si on veut accompagner l’agriculture et l’élevage. Et on ne peut pas financer des camions L214, comme le fait Alain Rousset, pour tirer à vue sur l’élevage français quand 400 salariés s’investissent dans le développement d’une entreprise comme Sobeval en Dordogne. Aujourd’hui la France importe 75% des fleurs coupées qu’elle consomme, 60% des fruits, 40% des légumes et un poulet sur deux. On a un potentiel fou à développer là-dessus. Tout le monde parle de circuit court, mais tout nous arrive de l’étranger ! Pareil pour la forêt. On a perdu plein d’entreprises, alors que les scieurs du Pays basque nous disent que toute leur production part à l’étranger pour nous revenir sous forme de meubles transformés.

Et c’est un message qu’on veut faire passer dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. Qui mieux que l’agriculture ou la filière sylvicole pour capter et stocker du CO2 ? 40% des élevages laitiers n’auront pas de repreneurs dans les dix ans, il faut défendre ces filières, et mieux les valoriser par la formation. On a le même problème avec la gestion de l’eau. Par dogmatisme, on refuse de créer des stockages, parce que ça ne correspond pas à la doctrine des Verts, qui sont capables de s’extasier devant un castor qui construit un barrage.

« Le nucléaire nous a permis d’avoir une électricité à bas prix »

Selon vous, le problème est le même avec les énergies renouvelables ?
Bien sûr, et ça n’est pas pour rien si nous sommes contre les éoliennes. Au lieu de ne convier au débat que des représentants du même courant de pensée, pourquoi la région n’organise-t-elle pas quelque chose avec Jean-Marc Jancovici et Jean-Yves Grandidier de Valorem, pour permettre aux 183 conseillers régionaux de se faire un avis sur le sujet ? Il manque un vrai débat d’idées, qui prenne en compte tous les aspects du problème. Les études montrent par exemple que les touristes ne veulent pas venir là où il y a des éoliennes. Le nucléaire nous a permis d’avoir une électricité à bas prix, on ne peut pas perdre ces avantages sous l’égide d’une politique internationale voulue par l’Europe. Et je ne vous parle pas des problèmes sanitaires…

Et le photovoltaïque ?
Je suis favorable à l’autoconsommation sur les hangars, les entreprises, ou des petits projets, mais il faut garder en tête que l’éolien et le photovoltaïque sont des énergies intermittentes. Alors bien sûr, on nous promet des batteries, mais en attendant on subventionne des sources d’énergie qu’on ne sait pas piloter et qui font l’objet d’une bulle spéculative, là où le nucléaire nous offre une énergie bon marché susceptible d'être encore améliorée grâce à la recherche. 

Vous prônez également le développement d’une économie de la mer ?
Nous avons plus de 750 km de côtes avec un tissu à préserver et développer, à commencer par la pêche et la filière ostréicole. Il y a la possibilité de travailler avec l’Espagne, sur le volet maritime, pour limiter les transports par camion. Nous voulons aussi regarder ce qu’il est possible de faire en matière d’énergie, de production d’algue, de nautisme. Je suis intervenu plusieurs fois dans une entreprise de Vieux-Boucau qui créé des récifs artificiels capables de favoriser la reproduction des poissons. Ils ont obtenu de bons résultats, mais il n’y a plus l’économie derrière pour les porter à l’international.

Comment traduiriez-vous ces ambitions en actes à la tête de la région ?
Le premier point, c’est la concertation avec les filières. Il faut mettre tout le monde autour de la table et porter un regard neuf sur ces sujets, sans tourner en rond. Cette envie de développement devrait ruisseler vers l’ensemble des acteurs du territoire, et pas uniquement vers les filières habituelles comme l’aéronautique. Il faut remettre du bon sens et du pragmatisme dans les politiques régionales, en commençant par simplifier l’accès aux outils de la région, surtout pour les PME et PMI. Il faut repenser la formule pour que tous ceux qui veulent créer une entreprise, la développer ou la moderniser accèdent au bon interlocuteur. Les fonds sont là, et pourtant on a des dossiers qui dorment pendant des années. Il faut de la réactivité, les bonnes personnes, et un peu de brassage, la région est une vieille maison. Plutôt que de se servir des éleveurs du Pays-basque comme têtes de gondole sur des événements à Paris, pourquoi on ne mettrait pas des points de vente de produits frais et locaux dans les gares ? En prenant les bonnes idées qu’il y a partout, on pourrait développer du circuit court et des services qui améliorent vraiment la vie des gens.

« Les 450 millions d’euros de la ligne Pau Canfranc, ça n’était pas l’urgence »

Comment vous positionnez-vous sur les sujets de mobilité, à commencer par la nouvelle LGV ?
Là encore, il faut hiérarchiser les besoins. Les 450 millions d’euros de la ligne Pau Canfranc, ça n’était pas l’urgence. On aurait pu améliorer plusieurs lignes avec ce budget. La priorité devrait aller aux attentes du développement économique local et des citoyens concernés. Sur la LGV, on sait très bien qu’on peut améliorer la ligne existante et tenir jusqu’à 2050 avec un fonctionnement acceptable. Avec ces milliards, on pourrait faire beaucoup d’autres choses, sans compter que si la LGV revient à encore augmenter le trafic à Bordeaux sans rayonner sur le reste du territoire, je ne vois pas bien la finalité, à part peut-être faire encore monter le prix de l’immobilier. En revanche nous sommes favorables à une liaison routière Limoges Langon Pau, pour proposer une alternative à l’A10. On n’écarte aucun des sujets ferroviaires et routiers dès qu’ils irriguent le territoire. Et au passage, il aurait fallu écouter ce que disaient les syndicats routiers à l’époque du dossier du grand contournement de Bordeaux, tout le monde disait qu’il fallait passer par l’est. Encore une fois, il faut mettre les concernés autour de la table et les écouter sans dogmatisme.

La fusion des régions et les problématiques de métropolisation montrent qu’il est difficile de ne pas créer de clivage entre la ville et le monde rural, comment adressez-vous ces questions ?
Il faut déjà commencer par redonner confiance en la politique. Une région doit partager un destin commun. C’est un vaste chantier, mais j’essaie dans ma conduite d’être juste, disponible, et de donner avant de recevoir. C’est peut-être l’école rurale, mais j’ai appris le plaisir de faire, et je pense qu’on peut donner de l’espoir. On le voit quand on fait les grandes villes avec Jean Lassalle, on rencontre des jeunes des quartiers qui viennent à sa rencontre juste parce qu’il a l’image d’un type droit. Sur le clivage, on voit bien que des urbains ont envie de partir vivre à la campagne, mais ils veulent rester connectés à la ville, donc le maillage territorial est essentiel, tout comme le développement du très haut débit jusqu’aux maisons les plus isolées. Il faut rappeler ce qu’apporte le monde rural, arrêter de le présenter comme un pollueur, et qui mieux que la région pour favoriser les circuits courts, expliquer le bien fondé de la gestion des territoires ruraux et montrer aux jeunes qu’il n’y a pas que Paris, Bordeaux ou Limoges pour construire un avenir de vie.

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