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Économie du livre (1/4) : « libraires et éditeurs restent des métiers qui donnent envie »

Écosystème
lundi 08 novembre 2021

Ils sont libraires, éditeurs, ou travaillent dans l'insertion professionnelle via les livres de seconde main. Toute la semaine, Placéco vous emmène à la rencontre des acteurs girondins de la filière livre.

Les trois quarts des nouveaux libraires sont en reconversion professionnelle, selon l'Alca. Crédits : Adobe Stock WavebreakMediaMicro

En Nouvelle-Aquitaine, le secteur du livre poursuit son développement, et concerne majoritairement des reconversions professionnelles. Mais la réalité économique peut vite rattraper les porteurs de projet.

Durant le premier confinement, le livre est apparu comme un objet refuge pour des millions de Français cloîtrés entre les murs de leur logement. Un temps relégué dans la catégorie des achats non-essentiels, puis reconnu comme « indispensable », il connaît un regain d’intérêt croissant. Mais en Nouvelle-Aquitaine, combien pèse la filière ? C’est à cette question que l’Alca, l’agence du livre, du cinéma et audiovisuel en Nouvelle-Aquitaine, veut tenter de répondre, en lançant plusieurs études sur les différents acteurs de la filière. Car les dernières données en la matière, datant de 2013, sont aujourd’hui bien obsolètes. « Si on doit retenir un chiffre, c’est celui de 200, note tout de même Jean-Marc Robert, du service économie du livre à l’Alca. 200 éditeurs, 200 libraires et 200 manifestations littéraires en Nouvelle-Aquitaine. » Le maillage territorial y est très fort, même si l’on constate une très forte concentration – notamment de librairies – sur la métropole bordelaise. « En trois ans, il s’y est créé une demi-douzaine de librairies, reprend Jean-Marc Robert. Sur la côte Atlantique aussi, il y a un énorme engouement, notamment dans les Landes. » Plus largement à l’échelle régionale, l’Alca relève entre 8 et 12 projets chaque année, et une vingtaine de porteurs de projet qui prospectent.

Des bénéfices contraints

La majorité de ces futurs libraires (entre 60 et 70%) sont en reconversion professionnelle. Surtout depuis le confinement. « Ça a créé des vocations, commente notre interlocuteur. Les gens se sont questionnés sur leur vie personnelle, le sens de leur vie professionnelle, et libraires et éditeurs restent des métiers qui donnent envie. » Sauf que, si l’idée de passer ses journées entouré d’ouvrages en tous genres peut facilement séduire un passionné, la réalité apporte son lot de désillusions. « Il ne suffit pas d’aimer lire. La culture est importante, mais il y a un aspect gestionnaire aussi : il faut vendre pour vivre. Il y a un modèle économique à monter, des investissements à réaliser. » Selon Jean-Marc Robert, un petit local peut nécessiter entre 80.000 et 90.000 euros d’investissements, quand 60 à 80 m² en nécessitent jusqu’à 130.000 euros.

Si certaines librairies ayant pignon sur rue arrivent à fidéliser leurs clients, ce commerce reste l’un des moins rentables. Depuis la loi Lang qui fête cette année ses 40 ans, chaque livre est vendu à un prix unique. Une contrainte « plutôt favorable » au départ, même si, souligne Jean-Marc Robert, les négociations entre libraires et diffuseurs ou éditeurs se font ainsi de gré à gré. « En résumé, les marges peuvent aller de 32 à 40%. » De plus, si une partie des ventes se fait au comptant, les librairies réalisent également un chiffre d’affaires grâce aux collectivités locales, à qui elles fournissent des ouvrages – notamment scolaires ou pour les bibliothèques. « Ces collectivités bénéficient, automatiquement, d’une remise de 9%, précise notre interlocuteur. Avec, en plus, un versement de 6% à la Sofia [NDLR, organisme chargé de la gestion collective du droit de prêt en bibliothèque]. »

Aider les futurs éditeurs à trouver leur place

Depuis quelques années, Jean-Marc Robert note, comme l’éditeur bordelais Hervé Chopin , une polarisation « qui peut être inquiétante » des auteurs. « Je dirais qu’il y a une forte concentration autour de 200 ou 250 auteurs. Quand on voit qu’ils sont 1.600 à être référencés en Nouvelle-Aquitaine, on se dit que beaucoup passent à la trappe… Et c’est la même chose pour les éditeurs. » Chaque année, entre les nouveautés et les réimpressions, ce sont 86.000 titres qui sont publiés en France. Une librairie qui en reçoit environ 6.000 doit ainsi faire du tri. « Mais elle a cette force de pouvoir proposer des références un peu différentes des grands noms de la littérature ou des grands éditeurs, rappelle Jean-Marc Robert. C’est plus pour les maisons d’édition que la situation se complique, avec notamment l’annulation des manifestations littéraires. Il faut désormais qu’ils remettent en place un travail en lien avec les libraires. »

Depuis janvier 2021, entre trois et quatre nouvelles maisons d’édition sont nées dans la région. Un signal encourageant pour l’Alca, qui développe en son sein un incubateur de l’édition. Surtout quand on sait que cinq éditeurs français détiennent à eux seuls 80% du marché. « Les 20% restants se répartissent sur toute l’activité en région. La réelle difficulté est de trouver une place à prendre, pour pouvoir vendre. » En septembre dernier, 8 porteurs de projet ont été retenus sur les 15 candidats, et ils seront accompagnés durant un an. Partage d’expériences, visites d’imprimeries ou mise à disposition d’un espace de coworking, l’objectif est de permettre une meilleure structuration des futures éditions. « Le plus jeune participant à 23 ans, le plus âgé 55 ans, ce qui atteste d’une vraie pluralité », souligne Jean-Marc Robert. Si les signaux semblent au vert pour les libraires comme les éditeurs, avec la captation d’une nouvelle clientèle qui délaisse notamment la vente en ligne, Jean-Marc Robert reste prudent. « Il faudra analyser les effets post-crise d’ici un ou deux ans. Les gens peuvent dépenser leur argent dans d’autres secteurs culturels, il faut voir comment s’opère la répartition. »

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