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Clubhouse : faut-il prendre le train de la hype ?

Opinion
vendredi 19 février 2021

Alexandre Laurent est rédacteur en chef de Placéco. Il met à profit la rubrique Opinion, ouverte à nos adhérents, pour partager son point de vue personnel sur un sujet d'actualité. 

Clubhouse, nouveau réseau social basé sur la voix et les interactions en direct, est l’application dont tout le monde parle en ce moment dans le landerneau du digital, mais que peut-on vraiment en faire ? Voici quelques réflexions glanées au gré d’une semaine de déambulations dans les « rooms » de Clubhouse.

En tant que média d’information et de services qui cherche à renforcer les échanges et les interactions à l’échelle de l’écosystème économique local, Placéco n’aurait-il pas une carte à jouer sur Clubhouse ? A ce stade, la question est plus prospective qu’autre chose, puisque l’audience de Clubhouse en France reste confidentielle au regard de nos autres canaux de diffusion, mais c’est avec cette idée en tête que j’ai abordé le phénomène Clubhouse, l’application sociale basée sur la voix qui connaît depuis quelques jours un succès fulgurant dans le petit milieu des pros du numérique et de la communication. Cette contribution ne prétend pas à une analyse complète et journalistique du sujet - pour ça, je vous invite à lire le papier très complet publié cette semaine par Stratégies. Disons plutôt qu’il s’agit d’une note de synthèse telle que je la partagerais avec des collègues !

Clubhouse en deux mots ?

Née aux Etats-Unis au printemps 2020, Clubhouse est un réseau social exclusivement basé sur les échanges vocaux en direct. Le pseudonymat y est interdit : vous êtes censés vous inscrire sous votre propre nom, même s’il n’y pas de vérification formelle autre que votre numéro de portable. La conversation s’organise autour de « rooms » (des salons virtuels avec une thématique donnée dès le titre par leur créateur), dans lesquels on peut venir écouter les intervenants en direct. Par défaut, l’application propose de rejoindre les salles fréquentées par les contacts que l’on suit, tandis qu’un onglet Explorer propose de découvrir de nouvelles salles. Une fois entré, on écoute les échanges et l’on peut « lever la main » pour signaler son envie d’intervenir. L’organisateur ou les modérateurs désignés vous font alors « monter sur scène » pour que vous posiez une question ou partagiez votre opinion.

Il n’y a pas vraiment de livret d’accueil à l’inscription. Le premier contact se révèle de ce fait un peu déroutant, mais l’interface est extrêmement simple. Le mécanisme de « montée sur scène » et de prise de parole vous garantit par ailleurs que vous n’allez pas vous retrouver à diffuser le son de votre micro sans l’avoir souhaité. Vous pouvez donc tout à fait vous contenter d’écouter et d’observer, comme la majorité des utilisateurs.

Point important : les échanges se font exclusivement en direct. Officiellement, Clubhouse ne propose pas de replay, et seul l’organisateur d’une room est autorisé à enregistrer les discussions (voir les guidelines - en anglais). Sur le plan technique, il semblerait que Clubhouse enregistre tout de même l’ensemble des rooms au moins le temps de leur diffusion, notamment pour se prémunir en cas d’abus, mais il est probable que l’outil évolue, ne serait-ce que pour s’adapter aux problématiques réglementaires de type RGPD. Attention d'ailleurs : l'application vous pousse fortement à lui partager votre carnet d'adresses. 

Pourquoi maintenant ?

Clubhouse existe depuis près d’un an, mais la hype a vraiment démarré fin janvier, avec une explosion du nombre d’utilisateurs et une vraie découverte de la part du marché français. L’accélération début 2021 tient probablement à l’arrivée de personnalités connues sur Clubhouse, à commencer par des entrepreneurs ou investisseurs de la Silicon Valley et jusqu’à de véritables stars comme Elon Musk. En France, on y a beaucoup vu Xavier Niel ces derniers jours, dont la seule présence suffit d’ailleurs à doper l’audience d’une room. La liste des participants s’affiche en effet dès l’écran d’accueil, ce qui permet de sélectionner sa room non seulement en fonction du sujet mais aussi en tenant compte des personnes qui y prennent la parole.

L’autre vecteur d’accélération tient à la mécanique d’exclusivité mise en place par Clubhouse : l’application n’est pour l’instant disponible que sur iPhone, et il faut être coopté par un membre déjà inscrit pour pouvoir s’y connecter. Chaque nouvel arrivant reçoit deux, puis cinq, invitations à transmettre à ses contacts. La ficelle n’est pas nouvelle, mais force est de constater qu’elle fonctionne toujours.

Qu’est-ce qu’on y trouve ?

Du côté francophone, la conversation est principalement trustée par des sujets en rapport avec le digital, l’économie numérique, la communication et… Clubhouse ! Conséquence de sa nouveauté, le réseau social est en effet son sujet de conversation le plus fréquent, avec une ribambelle de rooms qui proposent d’échanger sur ses enjeux, ses perspectives et surtout son potentiel. Les adeptes de Twitter et de LinkedIn qui suivent les « influenceurs » du digital francophone y retrouveront donc bon nombre des comptes qu’ils ont déjà l’habitude de suivre. Certains se sont déjà emparés des outils de programmation (qui permettent d’annoncer à l’avance l’organisation d’une salle) pour installer des événements récurrents. Dans le lot, on trouve des podcasters, qui profitent de Clubhouse pour passer au direct, des émanations de groupes Facebook populaires dédiés aux startups ou des youtubeurs.

Résultat des courses, l’offre éditoriale en français se concentre pour l’instant autour de sujets tels que l’actualité du numérique, les problématiques inhérentes aux startups (comment réussir sa levée de fonds / sa revente), les cryptomonnaies, les stratégies de communication en ligne et l’entrepreneuriat en général. Sur une semaine, on voit souvent les mêmes noms revenir de salle en salle, ce qui ajouté à l’omniprésence des sujets « digital » créé rapidement une impression d’entre-soi un peu lassante, même quand on est passionné par ces sujets. Le fonds des conversations se révèle pourtant intéressant, avec beaucoup d’intervenants compétents (indépendamment de leur notoriété) et des échanges qui se déroulent globalement dans une bonne ambiance, sans abus ni trolls excessifs. En sera-t-il de même si le grand public s’empare de l’application ? C’est une autre histoire.

Le téléphone sonne, version relax

Le spectre des sujets abordés sur Clubhouse devrait en attendant mécaniquement s’élargir au fur et à mesure que la population se diversifie. Franck Riester, ministre du commerce extérieur, s’est par exemple livré au jeu de l’interview en direct jeudi soir pendant près de deux heures. On commence également à voir poindre des initiatives de médias qui proposent des thématiques différentes. Europe 1 a par exemple lancé cette semaine un rendez-vous consacré à la santé et organisé une room avec les journalistes de son service des sports peu avant la tenue du match de foot Barcelone PSG.


Franck Riester en interview "live" sur Clubhouse

L’exploration des salons anglophones, hébergés majoritairement aux Etats-Unis, montre que Clubhouse a le potentiel de mobiliser autour de sujets moins business : on tombe ainsi régulièrement des rooms consacrées à des sujets tels que l’identité, la musique, le cinéma ou les séries. La présence d’une célébrité reste toutefois le principal moteur de la fréquentation. L’interview du PDG de RobinHood par Elon Musk au sujet de l’affaire GameStop a par exemple rapidement atteint le quota des 5000 écoutes en simultané permis par l’application !

Des opportunités à saisir ?

Puisque ce retour d'expérience tourne à la note de synthèse, filons l’exercice jusqu’au bout avec une rapide évaluation des forces, faiblesses, opportunités et menaces offertes par la plateforme. La force de Clubhouse réside à ce stade dans sa simplicité d’accès (hors système d’invitation) et dans la spontanéité de ces échanges vocaux en direct. On peut tout à fait débarquer au hasard dans une room et se laisser happer par la conversation, ou au contraire tenter de briller de façon très volontaire sur une thématique ou une cible donnée. Clubhouse a des chances de plaire aux amateurs de radio qui ne se retrouvent plus nécessairement dans les émissions de flux : on peut choisir son sujet du moment ou zapper d’une room à l’autre sans pression, et sans publicité. L’avenir de Clubhouse reste cependant difficile à prédire : à ce stade, on ne sait rien du futur modèle économique de cette application (aujourd’hui 100% gratuite et dépourvue de publicités) qui aurait déjà totalité plus de 8 millions de téléchargements et compterait 2 millions d’utilisateurs quotidiens. L’irruption de réclames au milieu des flux semble peu probable, mais la question de la monétisation finira par se poser. Tout comme celle de la concurrence d'ailleurs, puisque Facebook et Twitter auraient déjà des projets inspirés de Clubhouse dans les cartons !


Des coachs sportifs ont investi l'application

Quelles sont les opportunités pour des marques, des médias ou des entrepreneurs ? La première tentation sera de répliquer les techniques qui fonctionnent déjà sur d’autres réseaux sociaux, qu’il s’agisse de l’organisation d’événements sponsorisés ou de stratégies de type inbound marketing pour faire valoir son expertise et faire venir à soi des clients potentiels. Les médias devraient quant à eux voir dans Clubhouse un prolongement naturel de leur stratégie réseaux sociaux. A ce stade, l’audience n’est pas volumique, mais elle est assez qualifiée, et certains ne s’y trompent pas, notamment les wanabee gourous, spécialistes de l’esprit d’entreprendre, qui ont fait du personal branding leur marque de fabrique. Et après tout, pourquoi ne pas tester ? Se lancer sur Clubhouse ne vous coûtera pas grand-chose : il vous suffit d’un iPhone, d’une invitation, d’une idée et d’un peu de temps. Reste à voir si Clubhouse, premier réseau 100% voix, donnera naissance à de nouveaux codes sociaux comme l’ont par exemple fait Snapchat et TikTok sur la cible des jeunes ou Instagram sur l’image.

Au fait, et les bordelais dans tout ça ?

Si les outils d’exploration de Clubhouse proposent de cibler ses recherches sur certaines grandes villes ou zones géographiques, visibles notamment sous forme de groupes auxquels on peut s’abonner, je n’ai pour l’instant remarqué aucune initiative centrée sur Bordeaux ou la Gironde, ce qui n’est sans doute pas étonnant vu le taux de pénétration encore très faible de l’application. Mais peut-être serait-il temps de s’y mettre, ne serait-ce que pour le plaisir d’essayer ? N’hésitez pas à me contacter sur alexandre - at - placeco.fr si vous souhaitez qu’on tente quelque chose ensemble !

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