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Ce sondage qui a sonné l’heure de la démobilisation générale (4/6)

Écosystème
mercredi 16 septembre 2020

L’ex-maire Nicolas Florian s’est adressé le 16 juillet 2020 aux anciens élus de sa majorité réunis pour l’occasion dans un pub de la place de la Victoire. (photo DR)

La très large victoire de Nicolas Florian annoncée par un sondage a chamboulé la fin de la campagne. Le sortant, son équipe et une partie de son électorat ont estimé le match plié. À tort.

Cet article est le quatrième volet d'une enquête exclusive sur le second tour des municipales à Bordeaux, marqué par la victoire surprise du camp Hurmic.

Nicolas Florian : 49 % des voix. Pierre Hurmic : 40 %. Ce vendredi 19 juin 2020, le maire (LR) sortant de Bordeaux est aux anges. A neuf jours du second tour des élections municipales, un sondage (Ipsos-Sopra Steria) publié par le quotidien « Sud-Ouest » lui donne une victoire très nette sur son poursuivant écologiste. « Nicolas Florian était fou de joie et ça se voyait », raconte l’ancienne adjointe (LR) Anne Brézillon. « J’étais évidemment ravi et je me disais que j’avais eu raison de faire alliance avec Thomas Cazenave », confirme l’intéressé à Placéco. L’ex-maire ajoute : « Au fond de moi, je pensais : c’est bon, c’est gagné. Dans ma tête, j’étais déjà dans l’après-élection ».

L’euphorie affichée par le sortant ne tarde pas à s’emparer de son entourage immédiat et de son équipe de campagne. « Ce sondage a mis du baume au cœur à tout le monde. Une bouffée d’oxygène car, même avec une marge d’erreur, ça passait sans problème », se souvient Ludovic Martinez, ex-directeur de cabinet d’Alain Juppé. « Tout le monde pensait que c’était dans la poche ! », soupire aujourd’hui un familier de l’hôtel-de-ville. Les rappels à l’ordre de quelques caciques et la circonspection de l’entourage de Thomas Cazenave n’y font rien. « Contrairement à nous, ils croyaient dur comme fer que les jeux étaient faits », insiste Edwige Fondevila, la porte-parole des Marcheurs.

Une vague d'optimisme

Cette vague d’optimisme touche aussi les votants. « Ce sondage est en grande partie à l’origine de l’échec de Nicolas Florian. Il a démobilisé notre électorat », juge l’ex-adjointe (SE) Alexandra Siarri. Chacun raconte l’histoire d’un proche qui, s’appuyant sur le sondage, est parti en week-end l’esprit serein. « Le samedi sur les marchés, les gens nous disaient tous que le match était déjà plié », abonde aussi le socialiste Bernard Blanc.

En attendant la victoire annoncée, au premier étage de la mairie - c’est là que se trouvent le cabinet et le bureau du premier magistrat - l’heure est même déjà à la fête. Certains arrosent bruyamment la bonne nouvelle. « C’est absolument faux ! Je suis trop superstitieux pour ça », proteste Florent Canu, l’ex-directeur de cabinet de Nicolas Florian. « Personne n’a fêté ce sondage », balaie également Alexandra Siarri. Pourtant, Patrick Espagnol, l’ex-directeur de campagne de Nicolas Florian se souvient avoir tancé les membres de son équipe : « C’est un tort de fêter ce sondage. Tant que l’adversaire n’a pas les deux genoux à terre, le combat n’est pas terminé ! »

Quoi qu’il en soit, durant ces derniers jours de campagne, grisés par la quasi-assurance de conserver l’hôtel-de-ville, certains songent davantage à tirer leur épingle du jeu qu’à poursuivre activement de la campagne. « Mon attitude, beaucoup plus coulante, a évidemment donné le tempo de la démobilisation », reconnaît Nicolas Florian. « L’un de ses fidèles », comme il se présente lui-même, a accepté de raconter l’ambiance de ces folles journées où le Palais Rohan a vécu à l’heure des sollicitations incessantes d’une bataillon de quémandeurs. « Chacun allait voir le maire pour lui demander un changement d’attribution, une augmentation salariale ou l’embauche de nouveaux collaborateurs. C’était un véritable défilé », affirme cette source qui ne souhaite pas être nommée.

« Tout cela est vrai, reconnaît Nicolas Florian. Les élus et les membres du cabinet sont tous venus me voir pour me parler de leur avenir. Certains voulaient être mieux considérés, d’autres réclamaient des revalorisations de traitements, d’autres encore voulaient obtenir des primes ou me demandaient des embauches. » Nicolas Florian a beau être plus chaleureux et abordable qu’Alain Juppé, ce bal des prétendants finit par l’excéder. « J’étais exaspéré et j’ai fait savoir que ces demandes étaient déplacées. » A quelques heures du scrutin, il fini par exploser : « J’ai autre chose à foutre en ce moment que de penser à vos revalorisations ! »

Notre discret informateur révèle également que devant la certitude chiffrée de conserver la mairie « de nouveaux contrats de cabinet avaient été signés et que des revalorisations de traitements étaient déjà en route ». L’ancien maire ne dément pas mais corrige : « J’avais pris un engagement moral envers Florent Canu et auprès de gens très investis dans la campagne qui seraient également restés auprès de moi. Quant aux revalorisations, je voulais seulement établir une équité salariale entre les différents membres du cabinet ».

Une ambiance propice aux agapes

Deux jours avant le second tour, l’ambiance est si détendue dans l’équipe du sortant qu’elle est propice aux agapes. Ainsi, le soir du vendredi 26 juin, Nicolas Florian, Alain Juppé, Ludovic Martinez et leur épouse respective ; Alexandra Siarri et son mari ; Florent Canu et le premier adjoint (MoDem) Fabien Robert se retrouvent à l’Avant-Comptoir, un restaurant à la mode situé place du Palais. Durant près de trois heures, sous l’œil de dizaines de clients qui ont évidemment reconnu Alain Juppé, le groupe trinque au rosé puis au champagne, tout en grignotant des cochonnailles. Bien sûr, on ne célèbre ni le sondage ni la victoire annoncée... « C’était notre première soirée d’après confinement et on était seulement très heureux de se retrouver », assure Alexandra Siarri. « Juste une réunion de copains », renchérit Ludovic Martinez. « Un bon moment entre amis », persévère Florent Canu.

De son côté, Patrick Espagnol qui n’a pas été convié considère que cette soirée était « une erreur ». L’ancien préfet juge même très sévèrement les participants. « A quelques heures de la tenue d’un scrutin rien n’est anodin. Se montrer comme cela était maladroit. Il faut toujours être à la hauteur des fonctions que l’on représente ». Les Bordelais en découvriront l’existence de la fête qui s'est prolongée jusqu'aux alentours de minuit deux semaines plus tard dans les colonnes du « Canard Enchaîné ».

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