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Bordeaux : les nouveaux élus en charge de l’économie dévoilent leur feuille de route

Écosystème
lundi 26 octobre 2020

Stéphane Pfeiffer et Nadia Saadi - Photo TS - mairie de Bordeaux

Quatre mois après le second tour des élections municipales, Placéco est allé à la rencontre des nouveaux élus bordelais en charge de l’économie. Stéphane Pfeiffer s’occupe de l’emploi, de l’ESS et des formes d’économie innovantes. Nadia Saadi gère l’accompagnement aux mutations économiques. Ils reviennent ensemble sur les filières d’avenir à Bordeaux, leur collaboration avec l’écosystème, mais aussi leurs visions concernant les secteurs du digital et de la construction.

Comment se sont passés ces premiers mois de prise de poste ?
Stéphane Pfeiffer :
Le plus difficile n’a pas été l’externe mais la prise de poste interne : comment fonctionne la machine ville, la métropole ? Comment travaille-t-on avec les services ? Pour ma part c’était une première découverte.
Nadia Saadi : Oui, c’est un petit peu la même chose pour moi. Comment entrainer les services, comment trouver les leviers qui nous permettent de mettre en place cette politique. Et ça, ce n’est pas toujours évident.

Vous êtes respectivement chargés des formes d’économie innovantes pour vous M. Pfeiffer, et des mutations économiques pour vous Mme Saadi. C’est-à-dire ?
S. P. : Les formes d’économie innovantes, ce sont toutes les formes hybrides à mi-chemin entre l’ESS et l’économie classique. Il y a plein de structures qui se définissent de l’ESS mais qui ne le sont pas statutairement, tout en en portant les valeurs de cette économie sociale. L’exemple typique est Ikos : ils ont les statuts de l’ESS mais il s’agit d’économie innovante.
N. S. : Pour ma part si je devais donner un autre qualificatif de mutations économiques, je dirais qu’il s’agit de la transformation écologique des acteurs économiques. Faire évoluer l’artisanat de demain, rendre le tourisme plus durable et responsable… La question du fleuve est également un axe majeur de développement avec les projets sur le grand port qui seront assez innovants, mais aussi la partie fluviale, maritime. 


Quels sont, pour vous, les secteurs à développer en priorité ? Les filières d’avenir ?
 S. P. :
Ma priorité n°1 est la question de l’emploi. C’est essentiel et extrêmement complexe, en six mois on enregistre à Bordeaux un chômage de 20% sans pour autant avoir de nouveaux inscrits : ce sont les catégories B et C qui passent en catégorie A. C’est compliqué car nous n’avons aucune visibilité, peut-être que dans une semaine nous serons sous couvre-feu, dans quelques mois reconfinés. On n’en sait rien ! Ensuite je pense que l’on a besoin de structurer les filières. Concernant les biodéchets on sait qu’à partir de 2023 il y aura l’obligation de les trier, au moins pour les professionnels. Il faut que l’on ait une filière capable de collecter et valoriser ces biodéchets. Aujourd’hui sur la métropole il y a une quinzaine d’acteurs qui se côtoient mais qui ne sont pas organisés entre eux, il faut les accompagner car il y a un potentiel d’emplois conséquent. Deux autres filières nous intéressent : le réemploi et le textile. Pour ce dernier j’ai reçu plusieurs sollicitations d’entreprises qui commencent à discuter entre elles, et là aussi il y a un potentiel de création d’emplois important.
N. S. : On n’a pas mal de projets sur les entreprises du numérique. Il y a aussi un volet industriel avec le port. De gros chantiers vont démarrer pour le refit. Il y a aussi des projets sur l’hydrogène (voir notre dossier sur le sujet), avec l’ambition d’en produire sur la presqu’île d’Ambarès entre autres. Sur le fleuve une expérience va être menée par une entreprise qui aujourd’hui fournit une partie de l’alimentation du SIVU (ndlr: la cuisine centrale de Bordeaux-Mérignac). Une péniche transportera la nourriture depuis Marmande jusqu’à Bordeaux. 
S. P. : Cela nous permet de montrer la diversité des sujets que l’on aborde. Nous sommes contraints de démonter tous les préjugés sur les écologistes. Mais nous avons aussi une difficulté actuellement, c’est qu’il faut gérer l’urgence tout en pensant au long terme. 

Quels sont vos leviers d’actions ? Concrètement, le pouvoir est-il à la mairie de Bordeaux ou à la métropole ?
N. S. :
Nous travaillons en partenariat avec la Métropole, mais aussi avec la Région, notamment sur des projets comme celui du port. L’avantage c’est que l’on est tous du même côté ce qui n’était pas le cas avant, avec la volonté de développer notre territoire. En travaillant de concert avec eux nous aurons plus de perspectives que par le passé, où l’on était dans un fonctionnement en silo, de partis.
S. P. : Je rajouterais que les services de développement économique sont mutualisés depuis quelques années, ce qui est plus simple pour faire le lien. Mais nous devons travailler sur un principe de subsidiarité. Que l’on soit, à la Ville, sur une économie de proximité ; et que la Métropole soit sur un champ légèrement supérieur comme l’accueil, l’industrialisation, l’organisation et la coopération.

Comment se passe la collaboration avec les acteurs économiques du territoire ?
N. S. :
On écoute les personnes, tout en respectant les valeurs de notre programme. Je pense que cela, tous l’ont compris.
S. P. : Prenons un exemple, l’usine Saft de Bordeaux. Nous sommes dans une industrie qui est quasiment en cœur de ville et qui compte 800 salariés. Ils sont venus nous voir avec un projet de développement de leur centre R&D. Nous sommes d’accord sur le principe, mais nous n’oublions pas que nous sommes engagés sur la zéro artificialisation, sur l’accompagnement vers la transition écologique. Nous leur avons aussi, forcément, posé la question du recyclage des batteries. Ils avaient déjà prévu une transition avec des panneaux solaires mais là où nous avions une difficulté, c'était sur l'artificialisation des sols. En l’espace d’un mois et demi ils ont complètement retravaillé leur projet pour le « verdir », ce qui prouve que notre majorité est capable de soutenir un projet industriel tout en appliquant notre programme.


Le secteur de la promotion / construction est très inquiet pour le futur. - Photo YB

Nous avons interrogé des grands patrons et têtes de réseaux bordelais sur ces quatre mois de collaboration. Trois mots reviennent très souvent pour vous qualifier : ouverts au dialogue, intelligents et volonté de bien faire. Qu’en pensez-vous ? 

S. P. : Je trouve ça positif ! Dès le départ nous sommes allés voir les acteurs économiques, nous savons où nous voulons aller et nous ne pouvons avancer sans eux, comme eux sans nous. Je m’attendais à des choses plus dures.
N. S. : Effectivement, je suis plutôt contente d’entendre qu’on est ouvert au dialogue. En même temps cela ne m’étonne pas car à chaque fois, que l’on a pris la parole, à la fin les gens nous ont remercié de les avoir écoutés. Alors je me dis « pourquoi, on ne les écoutait pas avant ? »

Il y a un secteur où les patrons se sentent marginalisés, c’est le digital. Que leur répondez-vous ?
N. S. :
Il va peut-être falloir réexpliquer que l’on est pour une sobriété énergétique : il y aura un travail à faire pour ces entreprises du numérique. On envisage surtout ce dernier au service des usagers dans le domaine de l’éclairage, de la mobilité par exemple. 
S. P. : On ne se désintéresse pas du digital, de la French Tech. Mais je pense qu’il faut rééquilibrer l’économie. Quand de grandes boîtes sont arrivées à Bordeaux, elles ont piqué des compétences à des acteurs du numérique qui étaient déjà présents sur le terrain. Je ne suis pas convaincu que Bordeaux soit la Silicone Valley de demain, par contre je pense que le digital aura une part importante dans notre modèle de développement. 

Vous ne serez pas surpris d’apprendre que c’est dans le secteur de la promotion / construction que les inquiétudes sont les plus vives. Que comptez-vous faire ?
S. P. :
Nous sommes dans une urgence climatique qui nous impose d’adapter la ville aux exigences de demain. Il faut que nous trouvions le moyen de faire de Bordeaux une ville plus apaisée et naturelle. Ce n’est pas un « délire d’écolos », mais un impératif. Il y avait un travail à faire pour ralentir les projets en cours comme Brazza ou Bastide-Niel : on ne va pas arrêter toute construction, mais les ralentir. Je pense que les promoteurs ont été bien occupés ces dernières années et Bordeaux ne doit pas forcément rester un eldorado pour ces promoteurs immobiliers. Sur les petits artisans, il faut utiliser la nécessité de la rénovation énergétique et la lutte contre les logements insalubres pour relancer cette activité.

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